Monsieur le président, mes chers collègues, je ne doute pas que nous soyons nombreux à nous réjouir de ce débat et nous vous reconnaissons, monsieur le haut-commissaire, la volonté de mettre sur la table un sujet bien complexe.
La lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion est un défi que notre société moderne doit relever : les 7 millions de pauvres qui vivent aujourd'hui avec moins de 650 euros par mois représentent 10 % de la population française. Est-ce à dire que les politiques d'insertion menées jusqu'alors ont échoué, que des dispositifs comme celui du RMI ne sont plus efficients et que l'ensemble de notre système de solidarité est dépassé ? Je n'en crois rien, même si une analyse un peu rapide des statistiques, mélangeant quantitatif et qualitatif, pourrait le laisser penser.
Si le nombre de bénéficiaires du RMI a fortement progressé au cours des dernières années, c'est en raison, d'une part, de la dégradation du contexte économique, et d'autre part, des modifications apportées par le précédent gouvernement au régime de l'ASS, provoquant, chacun le sait, un déversement massif de l'assurance chômage vers le RMI. Et si, à l'inverse, le nombre d'allocataires du RMI s'est réduit de manière importante, cela est dû au grand nombre de contrats aidés mis en oeuvre au cours de l'année dernière. Voilà pour l'aspect quantitatif.
Du point de vue qualitatif, je constate d'importants progrès entre la gestion effectuée par les caisses d'allocations familiales avant 2004 et la situation actuelle. Il faut à cet égard rendre hommage aux collectivités, notamment aux départements qui, toutes sensibilités politiques confondues, ont multiplié les efforts, depuis que la compétence leur a été transférée, pour mettre en oeuvre des plans et des mesures de soutien à l'insertion professionnelle et sociale, en développant des partenariats forts avec le monde associatif, l'ANPE, voire des sociétés privées de placement, et en participant à la mise en place de nombreux contrats d'avenir. Et cela, malgré la charge non compensée du surcoût de l'allocation RMI transférée en 2004 : la dette de l'État envers les conseils généraux, qui est d'environ 2 milliards d'euros, demeure.
Mais pendant que le qualitatif commençait à assainir la situation, le quantitatif en brouillait la perception. Nous nous sommes trouvés devant ce paradoxe où, plus nous faisions sortir de personnes du RMI, plus il en entrait, en raison des mécanismes que j'évoquais à l'instant.
Loin de moi l'idée de considérer que la bataille de l'insertion est sur la voie de la réussite avec les dispositifs actuels. Mais ce que redoutent le plus les acteurs de l'insertion – associations, travailleurs sociaux, collectivités locales –, ce sont les changements incessants de dispositif, dont ce secteur est le témoin et la victime depuis de nombreuses années. Sans doute, avant d'imaginer une nouvelle réforme, de nouvelles aides, de nouveaux règlements, de nouveaux contrats, avions-nous probablement besoin de plus de temps : chacun sait qu'il s'agit d'un critère essentiel dans un parcours d'insertion et d'un élément indispensable à l'évaluation des politiques publiques engagées.
Premier constat : je suis plus nuancé que certains quant au bilan de l'action menée jusqu'alors et à l'appréciation du moment pour entamer ce Grenelle de l'insertion, dont l'objectif, nous dit-on, est de remettre cette thématique au coeur des débats de la société, de permettre à tous les acteurs de l'insertion sociale et professionnelle de se rencontrer et de remettre à plat les droits et devoirs des pouvoirs publics, entreprises et bénéficiaires.
Louable intention mais qui, inévitablement, amène à se poser la question de la méthode et des moyens.
La méthode tout d'abord. On nous engage à nous réunir, à réfléchir, à sortir des débats de spécialistes, à cesser d'opposer insertion sociale et insertion professionnelle, et on nous dit que tout cela devrait déboucher sur des mesures concrètes.
Mais, dans les axes que vous venez de suggérer, monsieur le haut-commissaire, je suis surpris de voir que rien n'est précisément proposé pour aborder les autres causes qui, comme le manque d'emploi, participent de l'exclusion : notamment l'absence de logement ou les problèmes de santé.
Comment comprendre que la réforme de l'opérateur national du service public de l'emploi, prévoyant la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, n'entre pas dans le champ du travail de ce Grenelle, alors que les incidences peuvent être fortes sur les bénéficiaires des minima sociaux ?
Pourquoi la question générale du logement est-elle exclue du champ du Grenelle, alors même que chacun sait que c'est un élément indispensable à toute politique solide d'insertion ?