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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 11 juillet 2007 à 21h30
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Cela laisse augurer une belle nuit, madame la présidente !

Vous partez toujours du postulat libéral selon lequel pour doper la croissance et faire baisser durablement le chômage, les Français devraient travailler davantage, et vous sous-entendez qu'ils se complairaient dans l'oisiveté depuis les lois Aubry – on a même entendu parler hier de « farniente » !

Vous confondez à l'envi pour le grand public durée légale du travail, qui reste effectivement fixée à 35 heures, et durée réelle hebdomadaire du travail, laquelle, selon Eurostat, organisme officiel de l'Union européenne, s'élève à 41 heures pour les salariés à temps complet et à 23 heures pour les salariés à temps partiel. Voilà une durée à faire pâlir certains de nos voisins européens : Danois, Allemands ou Néerlandais.

Sous prétexte de libre choix, de valorisation du travail, vous entendez encore baisser le coût du salaire horaire, via de nouvelles exonérations de cotisations sociales.

Pour faire avaler aux Français cette nouvelle pilule amère, vous jouez sur la corde sensible du pouvoir d'achat. Mais ils ne verront rien venir. M. Fillon avait déjà choisi de jouer la carte de l'augmentation du temps de travail contre les salaires en abaissant le taux normal de leur rémunération. Et, non sans hypocrisie, vous continuez dans le sens du tassement de la rémunération horaire.

À qui profiteront les mesures contenues dans ce texte ? Sûrement pas à l'emploi, ni aux ménages, mais plutôt aux employeurs et toujours aux revenus financiers.

Et les salariés dans tout cela ? Dans un dossier dont je vous recommande la lecture, publié dans le mensuel Liaisons sociales, les journalistes se demandent « qui peut vraiment travailler plus » et concluent que « faciliter le recours aux heures supplémentaires pour doper le pouvoir d'achat des actifs est simpliste, car, autant que les entreprises, tous les salariés ne sont pas logés à la même enseigne. » Du reste, nous avons vu cet après-midi ce qu'il en était.

Je pense effectivement que les cadres au forfait, qui ne comptent déjà plus leurs heures ni les week-ends en famille non pas au coin du feu mais devant leur portable, ne sont pas demandeurs, pas plus que les ouvriers. Ceux de Kronenbourg ont récemment fait grève car ils ne supportaient plus l'intensification de leur travail et les heures supplémentaires imposées. Quant à ceux de Colis la Poste de Gennevilliers, ils peinent à se faire payer leurs heures supplémentaires. Et ne parlons pas des policiers ! Qu'en est-il également pour les assistantes maternelles, pour les aides ménagères, pour les salariés des grands magasins, qui passent leurs soirées et leurs week-ends, dimanche compris, au travail pour un bout de salaire, pour les employés à temps partiel – subi pour la grande majorité d'entre eux ? Rien, ou si peu au bout du compte. Pourtant, ils sont nombreux à désirer travailler à temps complet, à travailler mieux.

Pour ceux-ci vous n'ambitionnez rien. Ceux dont les revenus sont trop faibles pour être assujettis à l'impôt sur le revenu, la moitié des foyers fiscaux, ne bénéficieront pas du dispositif. Ceux qui auraient le plus besoin de gagner davantage, les salariés en sous-emploi, sous contrat de 20 heures en moyenne n'auront droit qu'à deux heures complémentaires payées au prix d'une heure normale.

Pourtant, une autre solution, celle de la revalorisation du SMIC, aurait bénéficié à plus de 17 % de salariés en bas de l'échelle. Au passage, je vous rappelle que le nombre de salariés payés au SMIC a doublé en l'espace de quinze ans. Cette année, vous avez choisi de ne pas donner de coup de pouce au SMIC et, à l'avenir, comme l'a souhaité le patron de la CGPME, ce sera même peut-être l'interdiction de tout coup de pouce.

Cette solution qui, quoi que vous en disiez, ne pèse pas sur les entreprises ni sur l'emploi des moins qualifiés, et qui aurait de toute façon été compensée par les baisses de charges comme a dû en convenir Éric Heyer économiste à l'OFCE, doit être privilégiée. Loin d'entretenir un processus généralisé de ralentissement de la progression salariale à l'intérieur des entreprises, elle pourrait utilement doper la revalorisation et la progression de l'ensemble des grilles salariales.

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