Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, quand elle est soutenue, la croissance n'est pas suffisante pour garantir la réduction de la pauvreté. Mais, quand elle ralentit, elle contribue largement à l'accroissement des inégalités.
Le contexte de crise financière et économique dans lequel nous légiférons rend plus aigu encore le besoin de réforme de la solidarité nationale. Nous serons sans doute nombreux à rappeler que la pauvreté est une réalité quotidienne pour plus de 7 millions de nos compatriotes, soit un ménage sur huit. Leur nombre ne cesse d'augmenter. Ce sont notamment des Français d'âge actif, des travailleurs pauvres, des chômeurs non ou mal indemnisés. Au total, le nombre de travailleurs pauvres a augmenté de 21 % cette année.
Dans ce contexte, le RSA est bien plus qu'une énième mesure d'assistance aux personnes en situation de précarité. La création du RSA confirme une rupture majeure dans notre approche de la solidarité et de la cohésion nationale, faisant des revenus du travail le principal outil de lutte contre la pauvreté : travailler chaque fois que c'est possible ; travailler à sa mesure et selon ses capacités, mais retrouver coûte que coûte le chemin du travail ; travailler pour gagner plus.
Le RSA constitue une alternative à l'assistance, fruit d'un modèle social daté et fragilisé par les réalités socio-économiques. Il y avait urgence à moderniser notre conception du risque social en France. Aujourd'hui, avec le RSA, nous faisons le choix d'une politique globale conciliant les enjeux économiques de contribution à la croissance et les attentes sociales de nos concitoyens.
Concrètement, le RSA permet d'affirmer le soutien de l'État à toutes les formes de travail, quel que soit le niveau de contribution, selon un principe d'attention que les mécanismes techniques du RSA s'attachent à identifier et à prendre en compte.
Ce principe d'attention, on le retrouve en premier lieu dans la logique de simplification qui caractérise le RSA, puisqu'il tend à se substituer, et non à s'ajouter, à des prestations existantes.
C'est le même principe d'attention qui prévaut lorsque l'on choisit de mobiliser les crédits de la solidarité nationale au profit d'un dispositif favorisant le travail et l'activité, dans des conditions telles que celle-ci peut être réellement créatrice de pouvoir d'achat.
Bref, au-delà de la technicité du dispositif et des avantages qui en découlent, ce qui est vraiment nouveau et fonde cette nouvelle politique sociale, c'est que l'on va enfin permettre à une population bénéficiaire de minima sociaux de percer le plafond de verre sous lequel elle est tenue enfermée.
Avec le RSA, trois conditions seront désormais conjuguées pour créer la solidarité.
La première c'est, bien sûr, l'octroi d'un minimum social, un acquis de la République, qui profitera aux plus vulnérables, quel que soit leur degré de contribution au marché du travail.
La deuxième, c'est l'accompagnement par les services dédiés, le service public de l'emploi, pour entrer ou revenir sur le marché du travail,
La troisième enfin, et elle est primordiale, c'est la sécurisation du rapport à l'emploi malgré ses aléas que sont le temps partiel, le travail temporaire ou les allers et retours emploi chômage.
L'attente sociale, on le mesure chaque jour, est extrêmement pressante ; nous nous devions d'y répondre, Il s'agit là du troisième pilier du développement durable, dans l'esprit du Grenelle de l'insertion. Car mieux mobiliser la solidarité nationale devient un impératif de performance collective.
Le texte dont nous allons débattre est le moyen de lutter contre les effets de seuil que génèrent les minima sociaux. L'allocataire vit toujours les variations de son revenu disponible comme autant d'injustices. Ce texte est aussi le moyen de corriger les défauts des mesures d'activation des minima sociaux dans le cadre des contrats aidés, qui sont pour l'essentiel à temps partiel, rendant négligeable, et souvent même négatif, le gain lié à la reprise d'une activité.
Contrairement aux nombreuses critiques qui se sont fait jour, mes chers collègues, le mode de financement du RSA présente trois avantages majeurs. Il garantit une bonne traçabilité de son financement pour nos compatriotes, ce qui induit un contrôle efficace. Il permet l'amorçage d'une politique volontariste, qui se révélera économiquement vertueuse, avec le retour à l'emploi des bénéficiaires. Enfin, l'amendement que la commission des finances a adopté à l'article 2 du projet de loi, outre qu'il permet une mesure d'équité fiscale, contribuera par le mécanisme de vases communicants qu'il porte, à alléger la charge du 1,1 % sur le revenu du capital et des placements, par le produit du plafonnement des niches fiscales. Pour toutes ces raisons, je soutiendrai ce texte fondateur.
Mais, monsieur le haut-commisssaire, il nous faudra aller au-delà et balayer le champ complet des minima sociaux pour les inclure dans une même logique de droit commun.
C'est dans cet esprit que j'ai plusieurs fois évoqué auprès de vous la situation, il est vrai, particulière, de l'allocation adulte handicapé. Bien sûr le handicap social n'est pas le handicap. Les associations de personnes handicapées se sont montrées très sensibles à cette distinction. Toutefois, le mécanisme actuel et le mode de calcul de l'AAH peuvent se révéler et se révèlent souvent être une forte trappe à l'emploi des personnes handicapées. C'est pour cela que j'ai souhaité que puisse s'engager une réflexion sur ce point afin d'explorer les possibilités d'extension du mécanisme du RSA aux travailleurs handicapés. Je suis heureuse d'avoir reçu l'assurance du Gouvernement que la réforme de l'AAH interviendra dans ce sens dès la discussion du PLF : je la soutiendrai avec la même détermination, car cette réforme est une condition clé de l'insertion professionnelle et sociale des plus fragiles d'entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)