Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion dont nous débutons l'examen nous est proposé vingt ans après l'adoption du revenu minimum d'insertion.
Cette mesure, votée alors sous l'impulsion de Michel Rocard, constitue un pan essentiel de notre modèle de solidarité nationale. Le financement, retenu à l'époque par le biais de l'impôt de solidarité sur la fortune, incarnait à merveille cette solidarité aujourd'hui battue en brèche.
Le RSA, qui ambitionne de redonner un nouveau souffle aux politiques de lutte contre la pauvreté a, lui, choisi de freiner ce dispositif de solidarité. « Au possible nous sommes tenus » déclarait le rapport de la commission Familles, vulnérabilité, pauvreté. Le possible le plus urgent serait d'augmenter le pouvoir d'achat des plus démunis. Or vous avez pourtant refusé, il y a à peine quelques heures, les solutions proposées par les députés de l'opposition lors de l'examen du projet de loi sur les revenus du travail.
Le RSA y contribuera-t-il ? Il est permis de s'interroger quand on voit le décalage entre vos attentes exprimées dans le Livre vert – 2 à 3 milliards d'euros de financement – et les recettes attendues via la taxe sur les revenus du capital de 1,1 % annoncée, qui ne devrait rapporter que 1,5 milliard d'euros.
Vous avez cité tout à l'heure les propos d'un allocataire du RSA : « Je suis redevenu le chef de ma vie. » C'est beau ! Mais, pour votre part, êtes-vous toujours le chef du financement de votre projet de loi ?
Vous insistez souvent, et à juste titre, sur le supplément de revenu engendré par le RSA. Rappelons que le décrochage entre le RMI et le SMIC est aujourd'hui très important. En 1990, le RMI représentait 48,7 % du SMIC, contre 44,3 % seulement en 2007. Il est donc heureux que la somme que perçoit un allocataire du RMI puisse augmente.
Est-ce cependant à la hauteur de l'enjeu ? Un indicateur trouvé dans le dossier fourni pas vos services me semble éclairant. Même avec le RSA, un célibataire sans enfant ne dépassera le seuil de pauvreté qu'avec un emploi à trois quarts de temps ou un temps plein. Une personne isolée avec un enfant ne dépassera le seuil de pauvreté qu'avec un emploi à temps plein. Mais un couple mono-actif sans enfants ne le dépassera pas, même avec un emploi à temps plein, pas plus qu'un couple mono-actif avec un enfant ou un couple mono-actif avec deux enfants. Je me suis contentée de reprendre les chiffres du ministère.
Concernant maintenant le financement, l'idée d'une taxe sur le capital était a priori acceptable. Malheureusement, vous vous êtes contentés d'une taxation de l'épargne populaire – car il s'agit bien d'une taxe –, refusant même qu'elle s'applique aux bénéficiaires du bouclier fiscal. Quant à la suppression des niches fiscales, notre collègue Didier Migaud, président de la commission des finances, a fort opportunément fait remarquer que cette mesure ne constituait qu'un effet d'affichage. En effet, le plafonnement envisagé serait bien trop élevé et mettrait à l'abri les nicheurs les plus avisés. Rappelons également que les nicheurs ne sont pas forcément ceux qui profitent du bouclier fiscal, loin de là !
Alors que le financement du RSA est déjà bien loin de correspondre à celui qu'une majorité soucieuse de justice sociale aurait pu mettre en place, des craintes subsistent sur la manière dont la majorité va contrôler ses fantasmes portant sur la fraude.