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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 29 octobre 2007 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 — Avant l'article 54

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Les CRAM utilisent marginalement les possibilités qu'elles ont d'imposer une cotisation supplémentaire à un établissement lorsque celui-ci présente des risques exceptionnels ou qu'a été constatée une inobservation des règles en matière d'hygiène, de sécurité et de santé.

Ce malus de cotisation, de 25 % en général, peut aller jusqu'au triplement de la cotisation normale en cas de non-réalisation persistante des mesures prescrites pour remédier aux manquements relevés.

La menace de telles pénalités supplémentaires pourrait effectivement avoir un caractère dissuasif et de prévention, à condition toutefois que désormais les CRAM utilisent effectivement cet outil de manière systématique dès lors que l'entreprise ne respecte pas la législation. Mais, comme je l'ai expliqué, faute de moyens et peut-être d'un peu de volonté, nous n'en sommes pas là.

Or, actuellement, la majoration est l'ultime recours et encore, elle doit faire suite à une injonction restée infructueuse et elle est conditionnée à l'avis de la DRTEFP, la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

L'IGAS l'a bien démontré, la tarification souffre de nombreux défauts. Paradoxalement, les secteurs où les risques sont les plus nombreux, les plus fréquents, les plus graves, comme le BTP, sont aussi ceux où la mutualisation est la plus forte, là ou la tarification des AT-MP a le moins d'influence sur le comportement des entreprises.

Pour que la tarification soit susceptible de contribuer à la réduction des risques, elle doit être étroitement liée à la sinistralité de l'entreprise et non à celle du secteur. Pour être efficace et inciter véritablement les entreprises au respect de leurs obligations en matière de prévention des risques professionnels, les coûts directs de la tarification – hausse des taux, surcotisations – et les coûts indirects des AT-MP doivent être sensibles immédiatement pour les entreprises.

L'IGAS a également mis le doigt sur les incidences graves des procédures systématiques en inopposabilité des AT-MP, procédures diligentées par les employeurs en vue du retrait des dépenses imputées à leur compte en raison des accidents du travail et des maladies professionnelles et de la baisse de leur taux de cotisation AT-MP.

Nous savons effectivement que les grands groupes s'organisent pour bénéficier des possibilités offertes par l'extension des motifs d'inopposabilité. Des guides de procédure à suivre en cas de déclaration de maladies professionnelles sont établis afin que l'entreprise puisse se soustraire à ses responsabilités financières. J'en ai un à votre disposition, celui de la société Arkema, anciennement filiale de Total.

Pour ce grand groupe de la chimie, la problématique est simple. Eu égard au coût d'une AT-MP, qui peut aller, selon lui, de 98 000 à 200 000 euros hors tarification, et au nombre de dossiers en cours, plus de 260 il y a deux ans, les sommes considérables en jeu justifiaient une réaction énergique. En conséquence, même dans les cas où il est absolument évident que le salarié a effectivement été exposé à l'amiante au sein d'Arkema et même lorsque le salarié a effectué toute sa carrière professionnelle chez Arkema, le non-respect du principe du contradictoire par les caisses doit être invoqué. Je cite le guide d'Arkema : « Il n'y a aucun état d'âme à avoir vis-à-vis du salarié. » Arkema n'a qu'un seul objectif : ne pas avoir à supporter les frais afférents aux maladies professionnelles, quitte à reporter le coût de la réparation sur d'autres entreprises, la branche AT-MP, et l'assurance maladie, lesquelles sont en déficit.

Depuis que l'ensemble des membres de la mission d'information sénatoriale sur l'amiante ont eu connaissance de tels comportements, le Gouvernement ne s'est pas saisi de cette question, malgré les engagements de M. Larcher. S'il a décidé de lutter contre la fraude, c'est contre celle supposée à venir des assurés sociaux. Les grands groupes, les employeurs peu scrupuleux continuent impunément de se soustraire à leurs obligations de préventions. Jamais Arkema n'a été condamnée par le Gouvernement ou un de ses représentants. Pourquoi changeraient-ils leurs comportements puisque, économiquement, ils sont sans incidences ?

Ce n'est pas un hasard si, lors des négociations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, les organisations syndicales et patronales n'ont pu s'entendre sur un diagnostic partagé sur la question de la sous-déclaration des AT-MP.

Ce n'est pas non plus anodin que le MEDEF ait refusé le système de bonus-malus des cotisations AT-MP et accepté sur le bout des lèvres le principe de cotisations supplémentaires lorsque l'entreprise est confrontée à un risque exceptionnel ou répété, révélé par une infraction constatée aux règles de santé et de sécurité au travail.

Nous souhaitons que ce principe s'inscrive dans les faits, que les CRAM puissent recourir directement, sans passer par la procédure d'injonction, et plus systématiquement aux cotisations supplémentaires. Nous transcrivons dans la première partie de notre amendement cette petite avancée arrachée par les organisations syndicales.

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