Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Marie Demange

Réunion du 7 février 2008 à 15h00
Accord européen sur le transport des marchandises dangereuses par voies de navigation intérieures — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Demange, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme, chers collègues, vous ne m'en voudrez pas des quelques redites que comportera mon propos. En effet, je crois important de rappeler tout ce qui a pu être exposé au sujet de cet accord européen relatif au transport international de marchandises dangereuses par voies de navigation intérieures, signé à Genève le 25 mai 2000. Ce texte conclut une négociation menée de longue date sous l'égide de la commission économique des Nations Unies pour l'Europe.

Cet accord vise à harmoniser les normes applicables au transport maritime intérieur de marchandises dangereuses. Aujourd'hui coexistent en Europe deux réglementations distinctes selon que les bateaux empruntent les voies fluviales du bassin du Rhin – il s'agit du règlement ADNR –, ou de celui du Danube – il s'agit du règlement ADND.

Le transport fluvial fait figure de voie d'avenir. Vous ne m'en voudrez pas d'insister sur ce point, tant il est vrai qu'il y a une quinzaine d'années nous n'étions pas très portés sur ce mode de transport, puisque nous en étions encore à évoquer le réseau Freycinet. Autant en matière ferrée on bénéficie d'un réseau très étoilé, autant en matière navigable on ne dispose que du réseau Freycinet, qui présente certes un intérêt touristique, économique, mais peu adapté au transport de grand gabarit. Or le transport fluvial, aux yeux de la majorité, constitue une voie d'avenir pour l'Europe au regard des exigences de sécurité et de développement durable.

Le présent accord contribue au développement de ce mode de transport en substituant aux deux règlements régionaux Rhin et Danube un cadre juridique unique qui respecte les standards élevés de sécurité actuels.

Il convient de rappeler certains chiffres : le transport fluvial représente environ 7 % du transport intérieur total de l'Union européenne – c'est peu ; parmi les marchandises transportées par voie d'eau, 17 % sont dangereuses, contre 3 % en France ; dix-huit des vingt-sept États de l'Union européenne sont parcourus de 35 000 kilomètres de voies d'eau, et dix États sont reliés par des voies de navigation intérieures. En 2003, le volume de marchandises transportées s'établissait, pour l'Union européenne, à 125 milliards de tonnes par kilomètre. Le mode fluvial permet en effet de transporter de grandes quantités : 12 500 bateaux, par exemple, équivalent, en capacité de chargement, à 440 000 poids lourds.

Le transport fluvial est aussi le mode de transport terrestre le plus respectueux de l'environnement, comme le rappelait Mme la secrétaire d'État. Il est en effet économe en énergie : la part d'énergie consommée par le fluvial représente seulement le sixième de celle consommée par le routier et moitié moins que le ferré. Enfin, il produit peu de gaz à effet de serre.

Ce mode de transport garantit également un degré de sécurité élevé pour le transport des marchandises dangereuses. Il faut noter que les accidents restent très rares. Ainsi, il y a une dizaine d'années, un accident est survenu tout près de Thionville dont je suis le maire, plus particulièrement à Uckange. Une barge avait heurté la pile d'un pont et l'on a dû malheureusement déplorer plusieurs morts. Il va de soi que le risque zéro n'existe pas.

La réalisation du canal Rhin-Main-Danube, ainsi que vous le souligniez, madame la secrétaire d'État, et le développement des échanges avec les pays de l'est, ainsi que l'harmonisation des législations au sein de l'Union européenne ont convaincu les pays européens de la pertinence de l'accord ADN, dont le projet est ancien. Le comité des transports intérieurs de la commission économique des Nations Unies pour l'Europe a en effet commencé ses travaux dès 1964 et ce n'est que le 25 mai 2000 que l'accord ADN a été adopté à l'occasion de la fameuse conférence diplomatique organisée conjointement par la CEE-ONU et la commission centrale pour la navigation du Rhin. Il a été signé par la France le 23 octobre 2000.

Le présent accord, pourvu en annexe d'un important règlement, vise à assurer un haut niveau de sécurité, et à contribuer de façon effective à la protection de l'environnement par la prévention de toute pollution résultant d'accidents ou d'incidents durant le transport. Il s'agit par ailleurs de faciliter les opérations de transport et de promouvoir – c'est important – le transport international des produits chimiques. Je rappelle, par exemple, que la Moselle est une rivière internationale et qu'il y passe des produits radioactifs, trafic régi, certes, par des recommandations de l'AIEA, mais qui entre également dans le cadre cet accord. En outre, les dispositions du règlement annexé, à la date de l'adoption de cet accord, sont très proches de celles applicables pour le Rhin ou le Danube.

Toutefois, il me semble fondamental d'insister sur la procédure d'agrément des sociétés de classification. Chacun a en mémoire le fameux dossier de l'Erika, homologué par la société Rina, italienne que je sache. Vous aurez donc parfaitement compris l'intérêt pour la France de signer cet accord pour que l'agrément des sociétés de classification désirant être recommandées dans le cadre de l'accord ADN soit désormais examiné par une commission spécifique composée d'experts des pays ayant déposé leur instrument de ratification.

Il est important que la France puisse être représentée au sein de cette commission pour éviter que des navires poubelles circulent aussi bien en mer que dans le domaine fluvial. Le système des doubles coques représente à ce titre une sécurité.

À ce jour, sept des dix pays signataires ont déposé un instrument de ratification, d'acceptation, ou d'adhésion. Une nouvelle directive fusionnera les textes, vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État. Nous devrions transposer en droit interne cette directive au plus tard le 30 juin 2009.

Cet accord contribue à améliorer la sécurité du trafic fluvial, dont on souligne toujours les importantes réserves de capacité tandis que les autres axes terrestres de communication demeurent largement saturés. Ainsi faut-il rappeler qu'entre 1997 et 2004 le taux de croissance des volumes de marchandises a été de 35 % pour la France. Depuis 2002, le trafic de conteneurs par la Seine a été multiplié par plus de trois, d'où l'intérêt d'étendre l'activité au-delà du port du Havre et de son hinterland, à travers la réalisation du réseau Seine-Nord. Quant au canal Seine-Escaut, il a été largement financé par l'Union européenne, à hauteur de 420 millions d'euros.

La connexion avec le bassin du Rhin et du Danube rendra 20 000 km de voies fluviales accessibles aux grands convois jusqu'à 4 400 tonnes. Je rappelle qu'un convoi peut représenter l'équivalent de trois à quatre trains ou 220 camions de vingt tonnes. Soulignons que la France dispose du plus long réseau fluvial d'Europe. Pourtant, aujourd'hui, deux tiers des conteneurs destinés à l'économie française sont déchargés à l'étranger et nous reviennent par camions car les grandes compagnies privilégient toujours les ports d'Anvers et de Rotterdam.

Cet accord s'inscrit dans un contexte post-Grenelle et doit être envisagé au regard des enjeux liés à la lutte contre le changement climatique et aux économies d'énergie, à la sécurité et à la fiabilité des échanges, à la décongestion des grands axes de transport routier, à l'aménagement du territoire et au développement économique de nos régions, ainsi qu'à certains aspects du projet méditerranéen. Car c'est aussi de cela qu'il s'agit : la Méditerranée doit être la plus belle mer, la mer la plus propre, mais également une source d'échanges.

Il est nécessaire, j'y insiste, madame la secrétaire d'État, de moderniser nos infrastructures de transport, dont notre réseau fluvial, pour soutenir ce mode de transport capable de générer une forte valeur ajoutée.

L'Europe et la France doivent progresser dans cette voie en encourageant la complémentarité et l'inter-opérabilité entre les modes de transport massifiés, comme vous l'avez dit. Il existe dans notre pays moins de 100 zones logistiques alors qu'il y en a plusieurs milliers en Europe du Nord. Vous aurez ainsi compris, mes chers collègues, pourquoi la France n'est pas le meilleur élève de la classe en matière de transport fluvial, à la différence des Pays-Bas ou de l'Allemagne. Développer des plateformes multimodales au carrefour des différents réseaux de transports terrestres est nécessaire pour faciliter la sortie rapide et fiable des marchandises déchargées dans les ports maritimes.

On peut se réjouir de la modernisation qui a commencé par les investissements réalisés dans les ports du Havre, avec le projet Port 2000, et de Marseille, avec le projet FOS2XL, pour accueillir les porte-conteneurs et organiser l'interconnexion du réseau fluvio-maritime.

Il convient cependant de poursuivre les investissements de l'interconnexion du réseau fluvial entre les différents bassins français et avec les réseaux de nos voisins européens. Le réseau français à grand gabarit n'est pas inter-bassins, et n'est pas encore intereuropéen.

Nous avons la chance d'avoir, en France, un réseau routier important et des corridors dédiés au fret ferroviaire. Nous avons eu la chance de disposer d'équipements de très haute technologie, avec les lignes LGV, qui libèrent des couloirs de fret ferroviaire. C'est important. Mais il est indispensable de favoriser les échanges par voie fluviale, car dans les vingt ans qui viennent, j'insiste sur ce point comme d'autres l'ont déjà fait, la route et le fer n'y suffiront plus. Et l'Union européenne doit nous y aider.

C'est la raison pour laquelle la définition d'un véritable schéma européen de grandes infrastructures est souhaitable, en particulier en matière fluviale. J'ai cité tout à l'heure le canal Seine-Escaut. Nous pouvons regretter l'abandon du projet Rhin-Rhône, ou Rhin-Saône. J'ai aujourd'hui tendance, avec certains, à insister sur l'utilité du raccordement Saône-Moselle, qui doit désormais être une priorité. Il faut également songer à la liaison Seine-Moselle.

Mes chers collègues, c'est pour moi un grand honneur de vous présenter ce rapport, et c'est avec beaucoup de plaisir que je vous invite à autoriser la ratification de cet accord européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion