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Intervention de Nicole Ameline

Réunion du 7 février 2008 à 15h00
Accord de transport aérien entre la communauté européenne et les États-unis d'amérique — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Ameline, suppléant M :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après plus de quatre ans de négociations, l'Union européenne et les États-Unis sont parvenus à un accord, dit « Ciel ouvert », qui ouvre les couloirs aériens transatlantiques à davantage de concurrence. Avant d'aborder le contenu, j'aimerais évoquer brièvement le contexte dans lequel s'inscrit ce texte.

Le trafic aérien mondial ne cesse de se développer : en 2007, le trafic de passagers a enregistré une hausse globale de 6,6 % par rapport à 2006. Cette croissance est perceptible dans toutes les régions du monde ; en Europe, dont le trafic représente près de 40 % du trafic international, elle a été de 6,4 %, ce qui est proche de la moyenne mondiale.

Au-delà de ces chiffres, il faut insister sur les profondes mutations qu'a connues l'espace aérien européen depuis la fin des années 1980. En effet, une série d'actes législatifs a permis de créer, en moins de dix ans, un marché unique du transport aérien, au sein duquel les transporteurs aériens européens sont libres de proposer leurs services, de fixer leurs prix et, depuis 1997, d'offrir des services de cabotage, c'est-à-dire des vols intérieurs. Cette libéralisation du marché intérieur de l'aviation s'est accompagnée de mesures visant à réorganiser l'espace aérien européen, dans le cadre de l'initiative « Ciel unique européen », lancée en 2004. Parallèlement à ces avancées, l'Union européenne a affirmé sa compétence dans le domaine des relations aériennes avec les pays tiers : c'est ainsi qu'ont été conclus, en juin 2006, un accord sur la création d'un espace aérien commun avec les pays partenaires du sud-est de l'Europe et, en décembre 2006, un accord sur le transport aérien avec le Maroc. C'est dans ce contexte global qu'intervient la négociation de l'accord entre l'Union européenne et les États-Unis.

Jusqu'à présent – je le rappelle après vous, madame la secrétaire d'État –, le transport aérien avec les États-Unis était régi par des accords bilatéraux que certains États membres avaient conclus avec les autorités américaines. Ces accords, qui contribuaient à la fragmentation du ciel européen, ont été jugés fin 2002 incompatibles avec la législation communautaire par la Cour de justice des Communautés européennes. Mandat a donc été donné à la Commission européenne de négocier un accord global avec les États-Unis. Commencées en juin 2003, ces négociations ont été difficiles, voire tendues, mais elles ont donné naissance à un projet d'accord, signé le 30 avril 2007, à l'occasion du sommet entre l'Union européenne et les États-Unis.

Qu'apporte cet accord ? À l'heure actuelle, se rendre aux États-Unis depuis la France n'est possible qu'en empruntant une compagnie française ou une compagnie américaine. En outre, tous les États membres n'ont pas conclu un accord « Ciel ouvert » avec les États-Unis, ce qui a pour conséquence de limiter le nombre de routes, par exemple en provenance d'Espagne, d'Irlande ou de Grèce. L'accord « Ciel ouvert » entre l'Union européenne et les États-Unis lève ces restrictions en permettant aux compagnies aériennes européennes, quelle que soit leur nationalité, de desservir n'importe quelle ville des États-Unis à partir de n'importe quelle ville d'Europe. Réciproquement, les compagnies aériennes américaines seront autorisées à desservir n'importe quelle ville européenne, puis à se diriger vers d'autres destinations. Je précise que cette libéralisation concerne au premier chef l'aéroport londonien d'Heathrow, d'où partent plus de 40 % des vols européens à destination des États-Unis.

Cet accord permet également aux compagnies aériennes européennes d'opérer sans restriction quant au nombre de vols, d'appareils et de routes, de fixer librement leurs prix en fonction du marché et de signer des accords de coopération.

Il vise, en outre, à renforcer la coopération entre les deux parties dans le domaine de la sécurité, de la sûreté, de la politique de la concurrence, des aides étatiques ainsi que de la protection des consommateurs et de l'environnement.

L'accord « Ciel ouvert » entre l'Union européenne et les États-Unis peut donc être considéré comme une étape décisive dans la réalisation d'un espace aérien transatlantique ouvert. Il reste cependant incomplet sur plusieurs points, ce qui explique qu'il contienne un engagement des deux parties à entamer, dans les deux mois suivant son entrée en vigueur, de nouvelles négociations afin de parvenir à un accord dit « de seconde étape ».

L'accord que nous examinons aujourd'hui n'est en effet qu'intermédiaire : son contenu doit évoluer, notamment sur la question du cabotage. Dans sa version actuelle, il ne permet pas aux compagnies aériennes européennes d'effectuer des vols intérieurs aux États-Unis , alors que les compagnies américaines pourront assurer des liaisons entre pays européens, à condition de ne pas relier deux points à l'intérieur d'un même État membre. L'exclusion du cabotage du champ de l'accord limite la portée de la libéralisation des droits de trafic aérien.

Une seconde difficulté concerne la propriété des compagnies aériennes. En effet, la législation américaine dispose qu'une société étrangère ne peut détenir 25 % des actions à droit de vote d'une compagnie américaine et qu'elle ne peut la contrôler. Compte tenu de cette double contrainte, l'accord prévoit qu'une compagnie européenne peut détenir 50 % ou plus du capital d'un transporteur américain, sous la forme d'actions sans droit de vote, et sans que cette détention puisse être considérée comme constitutive d'un contrôle dudit transporteur. Malgré cet assouplissement, le droit des transporteurs aériens européens à exercer une influence réelle sur une compagnie américaine reste limité. C'est pourquoi l'accord rend plus difficiles les investissements des compagnies américaines au sein de leurs homologues européennes, en introduisant une limite équivalente de 25 %, qui, jusqu'alors, n'existait pas.

Eu égard à ces difficultés, l'accord du 30 avril 2007 appelle à la poursuite des négociations afin de supprimer les ultimes limitations à la libéralisation des droits du trafic aérien. Il fixe notamment un échéancier, suivant lequel, l'accord entrant provisoirement en vigueur le 30 mars 2008, la seconde phase de négociations doit commencer avant le 30 mai 2008 et s'achever fin 2010. Je précise que l'Union européenne s'est réservé le droit de suspendre certaines parties de l'accord si le dialogue ne permettait pas son approfondissement dans les trois prochaines années.

Malgré ces difficultés, je terminerai la présentation de l'accord « Ciel ouvert » en en soulignant les bénéfices attendus et en formulant un voeu quant à la conduite des prochaines négociations.

Il est tout d'abord incontestable qu'en mettant fin à la fragmentation du ciel européen, cet accord facilitera les échanges transatlantiques. Avec le rapprochement des deux plus grands marchés du transport aérien, c'est plus de 60 % du trafic aérien mondial qui est concerné. D'après la Commission européenne, la libéralisation des liaisons aériennes transatlantiques pourrait se traduire par une augmentation du nombre de passagers entre l'Europe et les États-Unis d'environ 26 millions de personnes en cinq ans, ainsi que par la création de 80 000 emplois.

Par ailleurs, cet accord pourrait servir de modèle à de futurs accords de même nature avec d'autres pays, contribuant ainsi à la libéralisation progressive du transport aérien international.

Mais, au-delà de ces bénéfices, je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, appeler votre attention sur un aspect auquel je vous sais attachée : la protection de l'environnement. Dans une résolution sur l'accord en date du 14 mars 2007, le Parlement européen a souligné la nécessité, pour l'Union européenne et les États-Unis, de prendre des mesures effectives en vue de réduire les incidences négatives du secteur de l'aviation sur l'environnement, sans exclure au préalable tout instrument réglementaire, financier ou d'une autre nature pour atteindre cet objectif. Il me paraît indispensable que cette recommandation soit prise en compte dans les futures négociations, afin que l'accord de seconde étape avec nos partenaires américains accorde une place centrale aux questions environnementales.

Au-delà de ce voeu, et suite à l'avis favorable émis par la commission des affaires étrangères, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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