Sur cette question du Sénat, le diagnostic est partagé. Comment, en effet, le déséquilibre et l'archaïsme qui caractérisent son mode d'élection ne constitueraient-ils pas une anomalie démocratique majeure ? Il est grand temps d'actualiser la composition du collège électoral en l'adaptant aux évolutions démographiques, sociologiques et politiques de la France. C'est une étape essentielle qui ne nous dispensera pas pour autant d'une réflexion sur la procédure parlementaire.
Madame la ministre, pour vous répondre, je souhaite m'éloigner du texte que j'avais préparé et dont les arguments sont fort proches de ceux qu'a brillamment défendus Bernard Roman. Ce soir, il doit être question de procédure parlementaire, de démocratisation. Comment voulez-vous que nous croyions dans vos intentions, si, dans le même temps, vous vous opposez à l'amélioration de la procédure parlementaire, si vous refusez de retirer au Sénat son pouvoir de blocage, si vous ne voulez pas rompre avec cette incapacité qu'il a aujourd'hui de connaître l'alternance démocratique ? Le Sénat est la seule assemblée démocratique élue qui se trouve dans cette situation, si l'on excepte la Chambre des Lords qui, de par son caractère particulier, ne peut constituer une référence pour notre système démocratique. Comment voulez-vous que nous ayons foi en votre volonté de démocratisation, si vous rejetez cette réforme du Sénat, qui n'est pas un préalable, mais simplement une nécessité concomitante à la révision constitutionnelle ?
J'entends quelquefois, sur les bancs de notre assemblée, parler de l'obstruction de l'opposition. On parle d'obstruction quand, une ou deux fois par an, des milliers ou des dizaines de milliers d'amendements sont déposés sur un texte. Mais on ne prononce jamais le mot quand le Sénat bloque les textes organiques, se livre à des manoeuvres dilatoires, quand la composition de cette chambre en fait bien trop souvent une chambre servile lorsque la majorité est à droite, et une chambre d'obstruction lorsque la majorité est à gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est bien pourquoi il faut revoir les choses, madame la ministre.
Le débat de ce matin est donc particulièrement important. Il devrait vous permettre de nous donner des signes avant de rentrer dans le débat de ce soir, où nous souhaitons qu'un dialogue républicain s'instaure.
Parmi ces signes, il ne doit y avoir ni faux-semblants ni faux-fuyants. Toutes les expressions démocratiques de notre pays partagent la même volonté : réformer le Sénat. Nous vous demandons, ce matin, de donner un signe qui permettra d'engager, ce soir, la révision constitutionnelle sur des bases différentes de celles que vous nous proposez depuis plusieurs semaines.
Car, enfin, j'en viens aujourd'hui à douter même de la volonté de la majorité de soutenir le Président de la République dans cette révision constitutionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)