Vous ne vous étonnerez pas après avoir entendu les arguments que nous avons développés avec mes collègues et amis, Jean-Pierre Brard et Jean-Claude Sandrier, que nous proposions la suppression pure et simple de l'article 1er. Je reviendrai brièvement sur les motifs qui nous y poussent.
D'abord, vous trompez délibérément les salariés sur la nature et la portée exacte de votre texte, vous les trompez sur la marchandise. Loin de permettre à « ceux qui veulent travailler plus de gagner plus », votre réforme est un leurre. Elle ne va pas desserrer l'étau des heures supplémentaires contraintes, dont l'employeur, je vous le rappelle, décide seul, sans que le salarié ne puisse ni les exiger ni les refuser.
Les 650 salariés en CDI et les 150 salariés précaires de l'usine Kronenbourg, à Obernai, au coeur de l'Alsace, en ont apporté la preuve il y a quelques semaines en faisant grève pendant quatre jours contre les heures supplémentaires. Après s'être débarrassée d'une brasserie en Lorraine, leur direction, pour faire face aux besoins de sa production, avait décidé d'imposer 100 heures supplémentaires de travail à chaque salarié. Conséquence : l'usine passait à la semaine de 48 heures, samedi compris, et les cadences explosaient. Les grévistes ont demandé que les heures supplémentaires soient mises en place sur la seule base du volontariat et il a fallu quatre jours de grève pour qu'ils obtiennent gain de cause.
Cette grève a clairement révélé l'hypocrisie des objectifs de la politique que vous défendez. Et des exemples il y en a eu d'autres, beaucoup d'autres, dans les mois qui viennent de s'écouler. Je ne citerai que le cas de l'usine Bosch de Vénissieux où, sous la menace de la suppression de l'entreprise et de sa délocalisation, il a été imposé aux salariés de revenir aux 39 heures... sans gagner plus. Faudra-t-il demain que les salariés multiplient des bras de fer comme chez Kronenbourg pour faire respecter le principe du volontariat ?
Autre hypocrisie, avec votre dispositif, le gain en termes de pouvoir d'achat pour les salariés sera illusoire, et vous le savez bien, puisqu'il n'est question pour vous que d'une politique d'affichage. Les quelques euros de plus que toucheront les salariés seront demain très vite annulés par le blocage du salaire de base auquel vous encouragez implicitement les employeurs et par les augmentations de dépenses que vous avez programmées, aussi bien en ce qui concerne les dépenses de santé – franchises et déremboursements – qu'avec l'augmentation probable et seulement ajournée de la TVA prétendument sociale.
Enfin, votre mesure va aggraver les inégalités. Les allégements de cotisations et de contributions fiscales seront à proportion des salaires, donc d'autant plus faibles que les salaires sont plus bas. Les salariés précaires et sous contrat temporaire, comme les salariés travaillant dans les branches et entreprises où des accords prévoient des majorations pour heures supplémentaires inférieures à 25 %, seront écartés de l'essentiel de la mesure.
C'est ainsi que la plupart des salariés dont le temps de travail est le plus long et les salaires les plus bas – cette France qui se lève tôt, chère à notre Président – ne tireront aucun bénéfice de vos mesures : je pense en particulier aux salariés du secteur des hôtels, cafés et restaurants.
Je voudrais revenir, pour en terminer, sur les propos de M. Carrez, qui nous expliquait doctement, hier, que le partage du temps de travail était une impasse. Mais que dire de vos mesures sinon, qu'à l'évidence, l'allongement du temps de travail de ceux qui ont un emploi aura une incidence, non seulement sur les salaires, qui seront tirés vers le bas, mais encore sur l'embauche !