Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, j'interviendrai, au nom de M. Victorin Lurel, sur trois points.
Le premier concerne l'asphyxie des collectivités locales. Comment financer, en effet, les différentes mesures contenues dans ce texte ? Je ne m'interrogerai pas sur leur pertinence ; d'autres l'ont fait avant moi. Mais il apparaît clairement que le coût de la plupart des réformes annoncées par le Gouvernement sera financé par d'autres acteurs, notamment les collectivités locales, le consommateur et la sécurité sociale. Qui paiera, au final, sinon l'assuré social, le contribuable local et le consommateur ?
Le Premier ministre a lui-même annoncé dans son discours de politique générale qu'en 2008, les dotations de l'État aux collectivités locales ne pourraient pas augmenter plus que l'inflation. Le Gouvernement fait peser là une réelle menace d'asphyxie sur les finances des collectivités locales, notamment d'outre-mer, structurellement plus fragiles encore que celles de l'hexagone. Cette décision, annoncée sans la moindre concertation avec les grandes associations d'élus locaux, concrétise l'abandon unilatéral par l'État du pacte de croissance et de stabilité qui le liait depuis de nombreuses années aux collectivités locales.
Les collectivités locales d'outre-mer souffrent d'avoir des ressources financières à la fois plus incertaines que dans l'hexagone et inférieures à celles des collectivités de métropole. Les bases fiscales y sont beaucoup plus faibles et une telle décision met donc en péril la nécessaire remise à niveau des économies ultramarines.
Privées des ressources qu'elles attendaient, les collectivités locales devront de plus, in fine, prendre en charge le financement de nombreuses mesures annoncées.
Celui lié au renforcement du bouclier fiscal prévu à l'article 5 du projet de loi qui n'évoque pas la répartition du coût entre l'État, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale.
Celui lié à la substitution progressive du revenu de solidarité active au RMI puisqu'il semble que l'État ne compensera aux départements que 50 % du surcoût occasionné.
Quant aux nouvelles exonérations de charges prévues à l'article 1er, on ne sait pas si elles seront intégralement compensées à la sécurité sociale. Enfin, le projet de loi sur les universités que nous examinerons à la fin du mois amènera de facto les collectivités régionales à investir dans le patrimoine immobilier universitaire.
Concernant l'outre-mer, une discrimination importante touche les chômeurs. Connaissez-vous le taux de chômage en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane ? Il se situe entre 25 % et 30 %.
Nous proposerons tout d'abord de mettre fin au scandale de la non-intégration de ces chômeurs dans les statistiques nationales. À quel titre les 220 000 chômeurs décomptés outre-mer ne figurent-ils pas dans les statistiques nationales ? Nous vous demanderons de faire cesser cette discrimination en adoptant une mesure de justice et d'égalité.
Nous vous proposerons, d'autre part, par des amendements après l'article 1er, de bonifier – idéalement de 20 % – les dispositifs d'exonération de charges pour nos jeunes diplômés sans emploi afin de lutter contre ce fléau qu'est, outre-mer, le chômage des jeunes et plus singulièrement celui des jeunes diplômés.
Enfin, nous vous proposerons de traiter un autre problème crucial outre-mer, et en particulier aux Antilles, celui de la pollution des terres au chlordécone et aux pesticides. Les agriculteurs dont la production est devenue impropre à la consommation sont privés de revenus et se voient confrontés à des contentieux sociaux et fiscaux inextricables du fait de cette catastrophe environnementale. L'État, et singulièrement le ministère de l'agriculture, en est entièrement responsable pour avoir laissé entrer dans ces territoires des poisons interdits partout ailleurs. Le groupe socialiste, radical et citoyen vous propose donc, en guise de compensation, d'exonérer ces agriculteurs de cotisations.
Sur l'ensemble de ces sujets, auxquels je reviendrai naturellement au moment de la discussion des amendements, nous souhaitons que nos propositions soient entendues.
Enfin, je souhaite intervenir sur la question du logement social et le dispositif du projet de loi relatif à la déductibilité des intérêts d'emprunt. Quels que soient la pertinence et l'intérêt de cette mesure, je tiens à souligner qu'elle n'apportera rien outre-mer. En effet, ce dispositif est exclusif de la défiscalisation de l'achat immobilier outre-mer. Ainsi, en réalité, aucun effort supplémentaire n'est consenti dans ce texte pour le logement outre-mer. Permettez-moi donc, monsieur le secrétaire d'État, de vous poser une question très simple : comment l'État va-t-il payer sa dette relative au logement social et consacrer des moyens à la construction de logements outre-mer alors que les besoins sont estimés à 120 000 logements supplémentaires ?
Pour conclure, je rappellerai le point de vue du sénateur UMP de l'Ardèche Henri Torre qui, dans son rapport d'information de novembre 2006 consacré au logement outre-mer, dénonçait « la politique suicidaire » et « la gestion hasardeuse » du Gouvernement dans ce domaine, qui a conduit à une situation sans précédent. La dette en matière de logement social se situerait selon lui « dans une fourchette comprise entre 500 millions et un milliard d'euros ». Cette situation me semble extrêmement grave et il faut absolument trouver des moyens de compensation pour y remédier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)