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Intervention de Laurence Dumont

Réunion du 11 juillet 2007 à 15h00
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

Dans l'attente de précisions, j'en resterai aux principes pour laisser au Gouvernement le temps d'apporter des réponses aux questions posées. Je vais donc me borner à résumer les trois arguments essentiels expliquant que je voterai contre l'article 1er, lequel vise à exonérer d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales les heures supplémentaires. Cet article est une supercherie, un leurre et une tromperie.

Une supercherie, car si tous les salariés sont potentiellement concernés, le choix de faire des heures supplémentaires ne leur appartient pas. Ce sont les employeurs qui décident en fonction de leurs seuls besoins. Je ne connais aucun salarié qui annonce à son employeur en arrivant le matin qu'il va travailler huit, neuf ou dix heures. Les travailleurs n'ont pas le choix, et ils n'ont même pas celui de refuser des heures supplémentaires. En effet, depuis la loi de cohésion sociale de janvier 2005, un licenciement individuel peut intervenir si le salarié s'oppose à une modification essentielle de son contrat de travail. Refuser des heures supplémentaires entrera dans cette définition et pèsera comme une menace sur tous les salariés.

Lors de la campagne présidentielle, on a voulu faire rêver les Français et leur faire croire qu'ils pourraient librement décider et de leur temps de travail, et de leur rémunération. Cette poudre aux yeux n'aura servi que d'appât électoral et le réveil sera dur pour ceux qui se rendront compte qu'il ne leur appartient pas de pouvoir travailler plus. La mesure prévue par l'article 1er ne peut se substituer à une véritable politique salariale. Demain, au salarié qui sollicitera une augmentation de salaire, on répondra à coup sûr : « Faites des heures sup ! » (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Cet article est aussi un leurre, car si on veut vraiment favoriser la création d'emplois, pourquoi ne pas proposer aux entreprises des moyens efficaces d'embaucher davantage plutôt que de les inciter à faire travailler plus les employés qu'elles ont déjà ? Soyez sûrs que l'exonération de cotisations des heures supplémentaires n'aura pas d'autre conséquence que de laisser les chômeurs à la porte des entreprises et de favoriser les contrats à temps partiel, sans espoir d'évolution. Tout ce qui contribue à rendre moins coûteuse pour les entreprises une heure supplémentaire par rapport à une heure dite normale les incitera à imposer des heures supplémentaires à leurs salariés plutôt qu'à proposer des contrats à plein temps ou à embaucher davantage.

La réduction des cotisations sur les heures supplémentaires revient à amplifier les effets négatifs de la politique de baisse du coût du travail orchestrée par le précédent gouvernement. Dès 2003, les charges sociales des bas salaires ont été aveuglement réduites pour toutes les heures travaillées, et notamment les heures supplémentaires. Cette politique d'exonération massive coûte cher : 20 milliards d'euros par an en moyenne. Elle conduit au développement d'emplois précaires peu qualifiés et peu rémunérés : les désormais fameuses « trappes à bas salaires ». Désormais, plus des trois quarts des embauches se font sur des emplois à temps partiel et de faible durée.

Enfin, cet article est une vraie tromperie. Si une partie supplémentaire de la rémunération des salariés est exonérée de cotisations sociales, elle génèrera moins de droits sociaux, notamment pour le calcul des pensions de retraite qui est effectué sur la base d'un salaire de référence hors heures supplémentaires. C'est donc leur avenir que les salariés mettront dans la balance s'ils travaillent plus maintenant en oubliant leur retraite de demain.

Pour résumer, cet article est une supercherie, car ce n'est pas le salarié qui choisit son temps de travail. C'est un leurre, car ce dispositif pénalisera un peu plus encore la lutte contre le chômage. C'est une tromperie, car il aggravera un peu plus, demain, le problème du pouvoir d'achat des retraites des actifs d'aujourd'hui et des comptes de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

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