Notre pays souffre déjà d'un manque de médecins dans les territoires ruraux et, d'ici à quelques années, ce sera également le cas dans les zones urbaines : le départ massif à la retraite de médecins actuellement en exercice, en contraste avec le faible nombre de jeunes médecins, amputera douloureusement l'offre de soins.
Tout le monde s'accorde aujourd'hui sur ce constat. La preuve, c'est que vous-même avez revu votre texte, votre proposition initiale ne répondant pas au défi qui nous est lancé. Il faut ouvrir de toute urgence une réflexion d'ensemble, dans le cadre d'une politique d'aménagement et de développement durable de nos territoires, pour une politique globale de santé publique, pour mettre en place de véritables réseaux de soins, efficaces, sur des territoires de santé pertinents.
Cela implique un diagnostic partagé par l'État, les organismes chargés de la protection sociale, les collectivités territoriales, l'ensemble des professionnels de santé et les usagers, à travers leurs organisations représentatives, pour être à même de rechercher des solutions en commun, en s'aidant d'un recueil de bonnes pratiques déjà mises en oeuvre, et évaluées ensemble.
Dans ce dessein, il est essentiel que les futurs praticiens soient associés à ces travaux, comme vous l'avez vous-même indiqué, car ce sont eux, et eux seuls, qui auront à faire vivre les réseaux de soins. Mais c'est aussi à l'État, garant de l'égalité des chances des hommes et des femmes dans les territoires, chargé de la politique de santé publique, d'assumer toutes ses responsabilités, d'abord à travers la formation universitaire. Il doit adapter le numerus clausus, mais également ouvrir des stages en médecine générale, chez des praticiens libéraux, en zone urbaine et rurale, dès l'externat, c'est-à-dire avant le choix de spécialité. Il doit enfin créer réellement la filière de médecine générale, la revaloriser, ce qui implique de mettre en place les moyens, notamment financiers, en conséquence.
C'est à l'État de prendre ses responsabilités en matière de présence des services publics, notamment de santé, sur l'ensemble du territoire. Vous le savez, divers parlementaires de toutes sensibilités — dont Christian Paul — ont engagé une réflexion sur les hôpitaux de proximité. Il nous faut à nouveau travailler ce dossier pour rechercher les complémentarités, les partenariats utiles, passer d'une position territoriale statique à une position dynamique, mais en maintenant le développement humain au coeur de notre projet.
Cette démarche pourrait être facilitée par l'inscription des professionnels libéraux dans la cartographie des schémas régionaux d'organisation sanitaire, afin de vérifier en permanence la pertinence des réseaux de soins sur chacun des territoires de santé, en redéfinissant le rôle de chacun des acteurs de soins, en s'assurant du lien entre hôpital et médecine de ville, en réorganisant le transport médical, en développant la télémédecine, en attribuant une aide réelle de l'État aux collectivités pour la création de maisons de santé de proximité, pour assurer partout qualité, sécurité et proximité dans l'accès aux soins.
Cette démarche pourrait s'enrichir encore d'une gestion prévisionnelle des carrières médicales, avec un guichet régional de gestion des carrières, et la création, dans chaque région, d'un nombre adapté de « contrats formation installation », avec l'attribution de bourses conditionnées par l'exercice, pour une durée donnée, dans les zones les plus déficitaires. Dans nombre de régions, notamment la mienne, Poitou-Charentes, cela se met en place, parce que des départements tels que le mien, la Charente, se sont engagés dans cette démarche, avec le conseil de l'ordre des médecins.
Madame la ministre, cette réflexion ne peut se résumer à quelques articles dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, et appelle bien plutôt à réunir de toute urgence des états généraux de la santé. C'est après seulement que nous pourrons adopter les mesures utiles pour garantir l'égalité d'accès aux soins, respecter nos professionnels de santé et leur donner à nouveau envie d'exercer sur l'ensemble du territoire. C'est la raison pour laquelle, comme le disait tout à l'heure mon collègue Jérôme Cahuzac, la sagesse serait de retirer ces articles, de réunir des états généraux de la santé, comme nous vous le proposons. Nous sommes prêts à y travailler : ce serait faire, ensemble, oeuvre utile pour la santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)