Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la vigueur et la conviction, l'inspiration et même la dimension personnelle de nombre d'interventions témoignent de la place qu'occupe dans le débat public la question des langues régionales.
Si la représentation nationale s'en est saisie, c'est que, au-delà du cadre de nos institutions et des milieux spécialisés, elle intéresse, voire passionne l'ensemble des Français. Ils sont en droit d'attendre des réponses claires aux interrogations que certains d'entre vous ont formulées.
Le Gouvernement ne souhaite pas s'engager dans un processus de révision constitutionnelle pour ratifier la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, et tout d'abord pour des raisons de principe.
Vous vous souvenez sans doute que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 juin 1999, avait relevé que la ratification de la Charte supposait l'adhésion au préambule de ce texte ainsi qu'aux dispositions générales et à ses objectifs et principes – parties I et II – qui ne sont pas dépourvues de toute portée normative.
La ratification de la Charte implique la reconnaissance, qui n'est pas simplement symbolique, d'un droit imprescriptible de parler une langue régionale, notamment dans la sphère publique. Ce droit figure en effet explicitement dans le préambule de la Charte, ce qui, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel, est contraire à des principes constitutionnels aussi fondamentaux que l'indivisibilité de la République, l'égalité devant la loi et l'unité du peuple français.
Les réserves posées par le Conseil vont donc au-delà de l'articulation de la Charte avec l'article 2 de la Constitution, aux termes duquel la langue de la République est le français. Elles engagent ce que l'on peut appeler notre noyau dur constitutionnel, qui interdit de conférer des droits particuliers à des groupes spécifiques et, qui plus est, sur des territoires déterminés. L'expression « minorités linguistiques », qui est souvent employée pour parler de minorités linguistiquement opprimées, ce qui peut exister dans de nombreux pays, me paraît d'ailleurs tout à fait contraire à la philosophie et à la réalité de notre république française.
Par ailleurs, personne ici ne pourrait se déclarer partisan d'une administration nationale et territoriale obligée, dans une région donnée, de s'exprimer aussi dans la langue déclarée langue de cette région, avec des fonctionnaires obligés, pour être recrutés, de maîtriser aussi cette langue afin de faire droit à des revendications légitimées par la Charte. Ce serait pourtant l'une des conséquences possibles de la logique de ce texte.