Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, avec la majorité des collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés, nous avons au début de l'année déposé une proposition de loi constitutionnelle tendant à la reconnaissance des langues régionales. Elle visait à compléter le premier alinéa de l'article 2 de la Constitution par ces simples mots : « dans le respect des langues régionales qui font partie de notre patrimoine » afin de permettre la ratification par notre pays de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Mais que de réticences et de résistances à ces quelques mots !
Depuis l'édit de Villers-Cotterêts de 1539, qui consacre le français comme la langue officielle de la France, le pouvoir politique, quels que soient le régime et la tendance en place, a fait en sorte qu'il devienne la seule langue de France. Les grands événements de notre histoire, tels que la Révolution, ou la perte de l'Alsace et de la Lorraine en 1870, ont forgé un triptyque indissociable : langue, État, nation.
Il est incontestable que la République a accompli une oeuvre considérable : la maîtrise de la langue française par le peuple a ainsi joué un rôle déterminant dans le recul des obscurantismes et de l'ignorance. Mais faut-il pour autant occulter les réalités culturelles et linguistiques de nos régions, au prix de la disparition de certaines d'entre elles ?
Le temps est désormais venu pour que notre pays réévalue la situation. En France métropolitaine – d'autres parleront bien mieux que moi de la situation dans les DOM-TOM –, trente langues survivent et se côtoient : l'alsacien, le breton, le champenois, le corse, le flamand, le lorrain, le picard, pour n'en citer que quelques-unes. Dans les régions concernées, souvent transfrontalières, le bilinguisme est vécu comme une richesse partagée, dans le respect d'un passé singulier, d'une histoire particulière, qui fondent, par consentement mutuel, l'idée d'égalité.
Au plan européen et international, nous nous battons, avec raison, pour sauver le plurilinguisme dans les institutions et notamment pour que le français, face aux attaques continuelles de l'anglais, reste une langue officielle. Il faut, c'est évident, que les représentants de chaque pays européen parlent leur langue d'origine pour être compris de leurs concitoyens.
Si nous sommes si attachés au plurilinguisme européen et international, pourquoi, dans un souci de cohérence, ne pas le reconnaître en France ?