Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je vais, moi aussi, contribuer à la diversité de notre débat, en vous parlant du francique, qu'il s'agisse du francique mosellan, rhénan ou luxembourgeois. Je voudrais aborder le francique dans ses différentes dimensions : historique, linguistique, culturelle, politique et économique. Je rappelle que le francique n'est pas l'alsacien, même si le droit local rassemble l'Alsace et la Moselle.
J'évoquerai d'abord sa dimension historique. Clovis, premier roi des Francs, et Charlemagne, empereur des Romains, ont eu pour langue maternelle le francique rhénan, car les serments de Strasbourg, prémices du traité de Verdun de 843 ont été rédigés dans cette langue. C'est dire si le francique nous rattache à l'histoire de notre pays et à la formation de notre unité nationale.
S'agissant de sa dimension linguistique, si nombre de mots français sont issus du latin ou du grec, nombreux sont ceux qui proviennent directement ou indirectement du francique. De surcroît, le francique possède toujours localement une grande valeur communicative, la solidarité entre les générations s'exprimant souvent par le biais de ce langage.
Le francique présente également une large dimension culturelle. Les noms des villages et des rues – et, plus généralement, la toponymie – proviennent souvent du francique, ainsi que des mots familiers qui sont prononcés en francique. C'est incontestablement un élément d'identité.
Je tiens à souligner l'importance du francique dans le domaine politique. Étant une langue transfrontalière, le francique est une valeur forte. Si l'Europe est aujourd'hui constituée, elle est aussi faite de diversité. Le francique, parlé par 450 000 personnes, est aujourd'hui la langue nationale du Grand-Duché de Luxembourg – avec la richesse dont atteste son rang de premier pays pour le PIB par habitant ; elle est également parlée dans les Länder allemands de la Sarre, de la Rhénanie-Palatinat, ainsi que dans le Bade-Wurtemberg et dans le pays d'Arlon, au sud de la Belgique. L'Europe s'est donc aussi construite autour de cette variété linguistique.
J'évoquerai enfin la dimension économique du francique. Avec la disparition des frontières, les travailleurs se déplacent sans limites et, aujourd'hui, ce sont plus de 100 000 Lorrains qui vont quotidiennement travailler au Luxembourg, évitant ainsi à la région Lorraine de connaître une situation bien plus catastrophique, son taux de chômage étant à peu près similaire au chiffre national. Je signale au passage que, depuis 1984, le francique est la langue nationale du Luxembourg.
Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est parce que nous ne voulons plus être stigmatisés, et nous souhaitons que ce débat marque un commencement et non une fin. Faisons en sorte que plus jamais des arrêtés fixant les programmes d'enseignement – comme ceux du 20 mars et du 25 juillet 2007 – pour le palier 1 du collège et pour l'école primaire, « oublient » que les langues régionales d'Alsace et des pays mosellans existent et sont encore largement pratiquées. Car, si on les oublie aujourd'hui, qu'en sera-t-il demain lorsque ceux qui les parlent auront peu à peu disparu ?
Je ne puis donc qu'appuyer la volonté exprimée par nombre de mes collègues de voir rapidement modifier l'article 2 de notre Constitution. Les lois qui en découleront pourront être appliquées en toute liberté, sans attenter à l'unité de notre pays, qui n'a rien à redouter de la richesse née de sa diversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)