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Intervention de Yves Censi

Réunion du 7 mai 2008 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur les langues régionales et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Censi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui devant la représentation nationale d'un sujet fondamental : il s'agit de nos langues, que je qualifie de langues patrimoniales de France, et non de langues régionales – concept trop réducteur et dévoyé. En tant que citoyens français – j'insiste sur ce point –, nous avons une responsabilité en matière de langues régionales. C'est une question fondamentale car celles-ci, comme toutes les langues, véhiculent notre pensée : elles sont les premiers supports de notre culture et la première expression de notre identité.

Je le dis d'emblée car je souhaite concentrer mon message sur ce point essentiel, madame la ministre. Quand je parle de pensée, de culture et d'identité, notions auxquelles vous avez toujours été très attachée, je n'évoque ni des particularismes, ni des minorités, ni des comportements confinés à la marge de la France : c'est bien d'identité nationale, de culture nationale et de pensée nationale que je parle.

Mes chers collègues, affirmons haut et fort que la richesse linguistique de la France renforce ce que nous sommes et ce qu'est la République Française. Elle renforce notre identité, non seulement dans notre propre maison – je parle de la France –, mais aussi dans le monde.

C'est pourquoi je remercie M. le Premier ministre et la représentation nationale, en particulier notre collègue Marc Le Fur pour ce débat au sein de notre hémicycle. Il est historique, pas seulement parce qu'il est le premier du genre, mais aussi parce qu'il montre enfin où se situe le vrai sujet. Le vrai sujet, même si cela peut paraître paradoxal à certains, c'est le renforcement de la Nation ; c'est aussi l'affirmation claire de nos valeurs démocrates républicaines ; c'est enfin de dire que ce sont les citoyens de la République Française, tels qu'ils sont dans la splendeur de leur diversité – et non comme certains voudraient qu'ils soient – qui fondent la Nation.

Sur un plan sémantique, chacun sait que les langues de France ont largement contribué à construire le français, défini aujourd'hui dans notre Constitution comme langue officielle de la République. Sans nos langues et cultures patrimoniales de France, mes chers collègues, il n'y aurait pas de français. Sans elles, notre culture se réduirait à un mythe. Sans elles, la Ville de Paris, notre capitale, ne serait plus un formidable lieu de synthèse culturelle, mais une localité qui tenterait d'imposer à tous sa vision.

Notre débat, mes chers collègues, doit nous permettre de sortir officiellement du déni de ce que nous sommes. Il nous faut reconnaître que la diversité de nos accents et de notre vocabulaire quand nous parlons français révèle beaucoup plus que des lieux géographiques ou des points cardinaux. Évoquer un accent du sud est en soi un déni, car il s'agit en réalité de l'accent occitan, provençal, corse, basque ou catalan, c'est-à-dire de la marque d'une langue. Le déni, c'est la haine de soi, laquelle conduit au rejet des autres.

Je me battrai donc, mes chers collègues, pour que demeure cette reconnaissance indispensable, voire vitale, dans une République épanouie. La volonté de nos concitoyens pour apprendre, pratiquer, écrire et chanter nos langues vernaculaires ne cesse de croître, et ce phénomène n'est ni local ni minoritaire. Nous le constatons partout : il s'agit d'un phénomène national.

Ce phénomène, je le dis haut et fort, ne justifie aucune tentation régionaliste. Certains, pourtant très minoritaires, utilisent la défense des langues qu'ils appellent régionales dans leur combat pour le régionalisme, le séparatisme, voire les nationalismes, et donc l'affaiblissement de notre République. Cette confusion, ces amalgames conduisent à une impasse et ne peuvent que nuire à l'aspiration légitime des Françaises et des Français à vivre avec leurs langues de France. Je les invite à relire le manifeste occitan et antirégionaliste de Félix Castan, que je me plais à citer dans cette enceinte. D'ailleurs, en tant que député de la Nation, occitan, parlerai-je de la langue de la région Midi-Pyrénées, ou de l'une des sept autres régions, où la « lango nostro » trouve ses origines ? En bref, je dis oui aux langues patrimoniales de France, mais non à la confusion sémantique contenue dans l'expression « langues régionales ».

À l'opposé, il existe des intégristes « anti-langues de France », « anti-France » devrais-je dire, et qui, depuis plusieurs décennies, utilisent les failles de notre législation pour imposer une lecture fausse et uniforme de la culture de France.

Vous l'aurez compris, l'un et l'autre se nourrissent de leurs sophismes et de leurs doctrines sectaires. Renvoyons-les dos à dos et anéantissons ce faux clivage, contraire à l'esprit de notre République et aux aspirations de nos concitoyens.

Ce débat a pour but de nous apporter des éclaircissements, mais il doit aussi nous permettre d'agir. Il nous appartient de définir dans la loi ce qu'est une « langue patrimoniale de France », et d'en préciser la liste. Nous devons le faire en considérant la langue elle-même, et non les territoires ou, pour m'exprimer comme les monarques de l'Ancien Régime, les provinces.

Modifions la loi Toubon en y ajoutant la référence aux langues patrimoniales de France, ce qui supprimera certains freins au déploiement naturel de nos langues. Ce sera un très grand progrès pour notre pays.

Enfin, madame la ministre, j'attire votre attention et celle du Gouvernement sur l'intérêt des méthodes d'enseignement dites par immersion. Cette expérience grandeur nature mériterait une évaluation, ce qui nous permettrait de constater que les enfants ayant bénéficié de cette pratique ont un niveau de français très sensiblement supérieur à celui de leurs camarades ayant reçu un enseignement classique. Je vous le demande donc officiellement : l'État doit procéder à une expertise, et je suis certain que celle-ci confirmera mes propos.

En conclusion, je dirai : vive l'occitan, vive les langues patrimoniales de France, vive le français, et vive la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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