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Intervention de Christine Albanel

Réunion du 7 mai 2008 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur les langues régionales et débat sur cette déclaration

Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication :

La France a été façonnée par des hommes et des femmes qui parlaient et qui parlent encore des langues qui ne sont pas toutes indo-européennes, des langues germaniques, une langue celtique et une poignée de langues romanes. C'est une réalité qu'on a tendance à oublier ou à occulter : le grand chant national est un chant à plusieurs voix. Ils parlaient provençal, ils parlaient breton, les cinq cents Marseillais et les trois cents Brestois qui, le 10 août 1792, ont pris d'assaut les Tuileries, aboli la monarchie et ouvert un chemin triomphant à la République !

Avec ses ombres et ses lumières, l'histoire a fait son oeuvre. Notre pays a connu un processus d'unification linguistique sans équivalent dans le monde, qui a trouvé son aboutissement en 1992. À cette date en effet, un amendement à la Constitution a fait du français la langue officielle de la République, alors qu'aucun texte ne le mentionnait jusque-là. Deux ans plus tard était adoptée la loi Toubon relative à l'usage de la langue française. Grâce à ces deux textes, qui offrent aujourd'hui les meilleures garanties juridiques, la langue nationale continue à tenir son rôle symbolique, sa mission culturelle et son irremplaçable fonction de ferment de la cohésion sociale dans notre pays.

Nous ne sommes plus au temps où les écoliers corses ou alsaciens étaient punis pour avoir prononcé en classe quelques mots dans leur langue. Mais, il faut le reconnaître, les langues dites régionales ont souffert de ce processus d'unification et de la prééminence donnée à la langue unique qui s'est dans le même temps imposée en France. L'idée de généraliser l'usage du français dans un pays où la moitié des citoyens ne le maîtrisaient pas, cette idée chère aux hommes de la Révolution, qui a été mise en oeuvre par la IIIe République, ce beau programme émancipateur n'a pas été pour rien dans le lent recul des langues régionales en France.

Telle est la réalité que nous devons assumer : aujourd'hui, moins de 10 % de Français pratiquent régulièrement une langue régionale, et les langues de France ne se transmettent plus guère dans le cadre familial. On peut le déplorer, mais c'est un fait. Si j'en crois les statistiques, en 1999 seul un Français sur quatre avait reçu de ses parents une langue autre que le français et un Français sur huit une langue régionale. Au sein même de cette minorité, seul un Français sur trois l'avait à son tour transmise à ses enfants. C'est dire que si la pluralité des langues est en France une réalité objective, constitutive de notre identité, c'est aujourd'hui une réalité menacée.

Cette menace, nous en avons pris conscience depuis plusieurs décennies et nous portons désormais un regard nouveau sur la pluralité culturelle dont est pétrie l'identité française. Nous devons évidemment défendre le français, mais l'apprendre et le défendre ne supposent pas de désapprendre d'autres langues. Et à quel titre la langue commune serait-elle la langue unique des Français ? L'heure est au pluralisme. En matière de langage, la société française se transforme à vive allure, dans ses pratiques comme dans ses représentations. La demande sociale dont beaucoup d'entre vous se sont fait l'écho, mesdames et messieurs les députés, ne saurait être sous-estimée.

Le patrimoine immatériel, la force vivante mais menacée que sont les langues de France exigent un effort de sauvegarde et de valorisation, et c'est le rôle des pouvoirs publics que de le conduire. Pour sa part, le Gouvernement auquel j'appartiens est décidé à le poursuivre. Cet effort porte principalement sur l'enseignement, les médias et l'action culturelle. Pour des langues dont la transmission n'est plus tellement assurée sur le mode traditionnel, c'est-à-dire par la famille et le milieu, il s'agit là en effet des principaux vecteurs de vitalité et des meilleures garanties d'avenir.

À l'école, d'abord. Mon collègue Xavier Darcos vous le confirmerait : les langues régionales ont toute leur place dans notre système éducatif. Selon une enquête réalisée par la direction générale de l'enseignement scolaire, 404 000 élèves avaient reçu en 2005-2006 un enseignement de langues régionales. Mais ce qu'il importe de retenir, je crois, c'est que ces effectifs ont connu dans la période récente une augmentation spectaculaire, puisqu'ils auraient décuplé en quinze ans et triplé au cours des cinq dernières années.

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