Monsieur Martin, face à la crise alimentaire que vous avez rappelée et qui frappe une quarantaine de pays, parmi les plus pauvres du globe, face à l'augmentation des prix des matières premières qui touche ces pays, mais qui nous touche aussi, en rendant extrêmement difficile le travail de nombre d'éleveurs européens, nous voulons être et nous sommes à la fois vigilants, actifs et solidaires.
Nous sommes en effet solidaires dans l'urgence, avec l'aide alimentaire que nous apportons avec les autres pays européens. Le Président de la République a décidé – Bernard Kouchner l'a rappelé – d'en porter immédiatement le montant à 60 millions d'euros.
Nous voulons aussi être actifs pour remettre l'agriculture en haut de l'agenda. Vous avez vous-même rappelé que, depuis une vingtaine d'années, l'agriculture, qui est pourtant le premier levier contre la pauvreté, était redescendue au quatrième ou au cinquième rang des priorités en matière de coopération et d'aide au développement.
Nous voulons aussi être actifs pour aider, région par région, les pays à mutualiser leur production, la gestion des risques et des crises, comme nous l'avons fait nous-mêmes en Europe, avec succès, depuis cinquante ans.
Nous serons également actifs avec nos partenaires pour demander la création d'un forum, où tous les grands acteurs internationaux pourraient se retrouver pour parler d'alimentation et d'agriculture.
Le Premier ministre François Fillon, Mme Christine Lagarde et moi-même nous trouvions, il y a quelques jours, à Washington et nous en avons parlé notamment avec M. Strauss-Kahn. Le FMI, la FAO, l'OMC, la Banque mondiale doivent travailler ensemble pour relever ce défi alimentaire.
Il se trouve, monsieur Martin, que nous discutons, à Genève, au moment où survient cette crise, un peu dans la précipitation, d'un accord pour libéraliser les échanges qui toucheraient en particulier l'agriculture.
Nous sommes très vigilants, parce que nous savons qu'un mauvais accord, c'est-à-dire un accord déséquilibré, qui ne serait pas réciproque, qui se contenterait de traiter la question agricole, sans la relier aux autres, serait non seulement un mauvais accord pour les agriculteurs européens et français, mais plus encore un accord désastreux pour l'économie des pays les plus pauvres.
Je vous rappelle que les pays d'Afrique font entrer leurs produits agricoles sur notre marché, en Europe, sans acquitter de droits de douane.
Voila pourquoi, monsieur Martin, nous devons être vigilants. Nous ne croyons pas que l'on puisse relever le défi de la sécurité alimentaire par la seule loi du libre échange et avec le moins-disant sanitaire et écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)