Merci, madame Martinez, d'avoir voté pour cette loi. Je respecte ceux qui ont voté contre, mais je pense que vous avez bien fait, car mon expérience du fonctionnement de cette institution depuis huit à neuf mois me montre que toutes les missions du Défenseur des droits ont gagné à lui être dévolues. Mieux encore : celles qui y gagnent le plus sont celles qui suscitaient toutes les inquiétudes. En effet, la mutualisation des moyens juridiques et humains renforce notre pouvoir d'intervention.
En voici un exemple. Ancien élu local, j'attache une grande importance à la dimension territoriale de notre action. Nous ne saurions nous réduire à un bureau parisien qui reçoit des courriers et des mails : nous devons rencontrer les gens. Or nous avons la chance de disposer d'un riche réseau territorial. Celui de la HALDE, faute de moyens, se limitait à quelque 150 personnes ; celui du Défenseur des enfants en mobilisait environ 30 à 40 selon les années ; celui du Médiateur en comptait environ 300. J'ai réuni les trois réseaux, de sorte que nous disposons désormais d'une équipe de 450 bénévoles très compétents, en général de jeunes retraités venus le plus souvent de la fonction publique et ayant exercé d'importantes responsabilités dans leur commune, leur département ou leur région – magistrats, colonels de gendarmerie, directeurs d'administration préfectorale, proviseurs de lycée, etc. Au moment où cesse leur activité professionnelle, ils décident de consacrer du temps aux autres pour continuer de se rendre utiles. Réparties dans nos 650 points d'accueil, ces 450 personnes peuvent recevoir les demandes relatives à une discrimination, qui relevaient jusqu'à présent des seuls correspondants de la HALDE, comme celles qui touchent aux droits des enfants, auparavant réservées aux 40 correspondants du Défenseur des enfants.
Un exemple encore. Le Médiateur de la République disposait d'un pôle santé, auquel les autres institutions ne pouvaient naturellement pas recourir. Aujourd'hui, la lutte contre les discriminations, notamment en raison du handicap, mais aussi la défense des enfants peuvent s'appuyer sur le pôle santé du Défenseur des droits, qui compte des pédiatres et des pédopsychiatres.
Ainsi, les citoyens bénéficient de la mise en commun des moyens : leur accès au droit est étendu ; ils peuvent s'adresser directement à nous sans passer par un parlementaire, même si les parlementaires peuvent toujours nous saisir. En outre, nous pouvons nous auto-saisir et nous disposons de prérogatives juridiques plus poussées qu'auparavant. Alors que le Défenseur des enfants pouvait au maximum formuler une recommandation, nous avons des pouvoirs d'injonction et d'enquête, nous pouvons aller en justice, nous pouvons publier un rapport spécial au Journal officiel. Nous avons donc les moyens de faire respecter nos décisions.
Certains, dites-vous, croient que le Défenseur des enfants n'existe plus. C'est que le débat sur le projet de loi, encore récent, a laissé des traces : à force de l'avoir entendu répéter, beaucoup se sont persuadés que l'institution de défense des enfants avait été supprimée. En réalité, je l'ai dit, nous avons un véritable dispositif de sauvegarde. Du reste, l'adjointe au Défenseur des droits chargée de la défense des enfants porte le titre de Défenseure des enfants, en vertu de la loi organique. En outre, il existe désormais, et c'est une nouveauté, un collège de personnes qualifiées – magistrats, élus locaux, éducateurs,… – qui nous conseille dans ce domaine. Enfin, et cela vaut de la défense des enfants comme de la lutte contre les discriminations et de la déontologie, celles et ceux qui appartenaient à l'institution y travaillent toujours ; simplement, leur approche est plus transversale. Ainsi, M. Oubechou, ancien directeur de la promotion de l'égalité à la HALDE, chargé de diffuser les bonnes pratiques, de sensibiliser, d'établir des observatoires, de développer des partenariats, n'exerçait ces fonctions que dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Aujourd'hui, il peut le faire au service des enfants ou de la déontologie de la sécurité – ce qui recoupe parfois les problèmes de discrimination.
Au niveau international, madame la députée, nous pouvons intervenir de différentes manières. D'abord, par l'intermédiaire des consulats et des ambassades. Je songe à un dossier dont nous avons été saisis par Réseau éducation sans frontières : deux jeunes enfants ne pouvaient faire leur rentrée à l'école en septembre parce qu'ils se trouvaient au Congo avec leur mère, née dans ce pays à l'époque où il était belge – ce qui compliquait l'établissement de son état-civil – et qui avait perdu leurs passeports. Il a fallu deux mois pour démêler l'écheveau, mais les enfants ont pu rentrer en France en décembre. Nous pouvons également intervenir grâce à des réseaux : le réseau des médiateurs et ombudsmen de l'Union européenne ; les réseaux dédiés à la défense des enfants, destinés aux pays disposant d'une institution spécifique comme celle que nous avions, et où nous sommes représentés par la Défenseure des enfants, sans discontinuité ; ceux du Conseil de l'Europe ; le réseau méditerranéen et le réseau francophone. Je reçois trois ou quatre fois par mois mes homologues dans les pays européens, mais aussi dans d'autres pays, parfois fort lointains. Lorsque l'un de nos compatriotes établi à l'étranger rencontre une difficulté liée à l'administration du pays où il réside, nous pouvons tenter de la résoudre par l'intermédiaire de l'ombudsman, du médiateur ou du défenseur des droits de l'homme sur place. Je viens justement de charger Mme Yvette Mathieu, qui était jusqu'à une date récente préfète des Alpes de Haute-Provence et est aujourd'hui sans affectation préfectorale, d'une mission de préfiguration du traitement des dossiers des Français établis hors de France qui font appel au Défenseur des droits.