Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Dominique Baudis

Réunion du 7 mars 2012 à 10h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Dominique Baudis, Défenseur des droits :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres de la Délégation, je vous remercie de votre invitation. Je suis heureux de vous présenter une institution nouvelle de la République et le rôle qu'elle peut et doit jouer pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes, voire pour les éradiquer peu à peu.

Le Défenseur des droits est une institution inscrite dans la Constitution de la Ve République par la réforme de 2008. Son périmètre de compétence, son organisation et ses prérogatives en matière juridique ont été fixés par les lois ordinaire et organique de mars 2011. Cette fonction, qui s'apprête donc à fêter son premier anniversaire, a été pourvue en juin 2011, lorsque j'ai été nommé à la fois par le Président de la République et par le Parlement : les commissions des lois des deux assemblées, en vertu de la nouvelle procédure de désignation, m'ont auditionné avant de se prononcer sur ma nomination par un vote au scrutin secret. Ma nomination a été approuvée à 75 % des suffrages exprimés ; ce témoignage de confiance m'honore et m'oblige.

Vous le savez pour y avoir pris part, l'élaboration de l'institution a suscité bien des débats et le texte a beaucoup évolué au fil des navettes, jusqu'à un accord ultime en commission mixte paritaire. Le choix qui avait été fait, courageux et ambitieux, consistait non seulement à surélever le Médiateur de la République en l'inscrivant dans la Constitution, mais, à la faveur de cette surélévation, d'en étendre le domaine de compétence en réunissant, sous l'autorité du Défenseur des droits, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Certains ont légitimement craint une dilution de ces différentes missions. Plusieurs associations, experts et parlementaires redoutaient ainsi un relâchement de la vigilance en matière de déontologie de la sécurité et de respect des droits de l'homme. D'autres associations s'émouvaient de la disparition du Défenseur des enfants. D'autres encore, nombreux, redoutaient un recul de la lutte contre les discriminations.

Le défi consistait donc à construire une institution nouvelle qui en regroupe quatre, sans perdre en connaissance des questions traitées, en implication des équipes ni en vigilance. Le législateur a trouvé une solution appropriée, apparemment complexe mais qui fonctionne bien. Dès sa nomination, le Défenseur des droits doit en effet choisir trois adjoints dont le nombre et les compétences sont fixés par la loi organique : l'un est chargé des questions de déontologie de la sécurité, le deuxième des droits des enfants et le troisième de la lutte contre les discriminations. Ces adjoints sont nommés par le Premier ministre, sur proposition du Défenseur des droits ; il s'agit donc d'une compétence liée : les adjoints jouissent de l'autorité que leur confère leur nomination par le Premier ministre, mais le Défenseur des droits prend sa décision en toute liberté.

Pour que cette première décision officielle soit exemplaire d'un point de vue à mes yeux essentiel et qui est au coeur de vos travaux – l'accès des femmes aux responsabilités –, j'ai choisi trois adjointes. J'ai chargé Mme Maryvonne Lyazid de la lutte contre les discriminations ; extrêmement compétente, elle témoigne en outre de la continuité avec les institutions antérieures puisqu'elle était devenue la première vice-présidente de la HALDE sous la présidence de M. Molinié, précédé dans ces fonctions par M. Schweitzer puis par Mme Bougrab. Mme Marie Derain, issue de la protection judiciaire de la jeunesse, a été nommée à la défense des enfants. Enfin, la déontologie de la sécurité a été confiée à Mme Françoise Mothes, procureur de la République adjoint ; cette avocate de formation devenue magistrate par mobilité est très au fait de ces questions puisqu'elle a travaillé à la préfecture de police de Paris, à la direction nationale de la gendarmerie et dans l'administration pénitentiaire.

Quelques chiffres vous donneront une idée de l'activité de notre institution. Les quatre institutions qui lui ont préexisté ont traité en 2010 quelque 100 000 dossiers, dont 80 % environ relevaient de la médiation avec les services publics, 15 % environ concernaient les discriminations, 4 % environ les enfants et moins de 1 % la déontologie de la sécurité. Mme Lyazid vous précisera la part des cas de discrimination qui visent les femmes. Car si la moitié environ des saisines pour discrimination émane de femmes, dans la majorité des cas, ce n'est pas en tant que telles qu'elles se jugent discriminées mais pour d'autres raisons, dont l'origine ou le handicap. Cela étant, votre Délégation a souvent souligné la gravité des situations humaines qui résultent de la conjugaison de plusieurs facteurs de discrimination.

Notre institution a obtenu de beaux résultats, en allant en justice lorsqu'il le fallait, en accompagnant la personne discriminée et en déposant auprès du tribunal nos observations. Celles-ci ont le plus souvent été prises en considération et ont parfois débouché sur des décisions de justice exemplaires, qui auront, je l'espère, une vertu pédagogique.

Notre mission institutionnelle inclut trois formes d'intervention. Premièrement, nous réagissons aux saisines, en examinant les réclamations individuelles, qui peuvent émaner d'une personne ou d'une association. Deuxièmement, nous sommes chargés de promouvoir l'égalité, ce à quoi nous pouvons travailler ensemble ; voilà pourquoi nous sommes accompagnés ici de M. Jamel Oubechou, directeur de la promotion des droits et de l'égalité. Alors que notre première mission consiste à traiter des dossiers individuels pour réparer un dommage consécutif à une discrimination, il s'agit ici de faire oeuvre de prévention, de diffuser de bonnes pratiques et de faire prendre conscience de la nécessité de réduire les inégalités. Nous pouvons enfin proposer des réformes aux pouvoirs publics, c'est-à-dire au Parlement et au Gouvernement. Naturellement, nous ne pourrons exercer valablement cette dernière compétence qu'en travaillant étroitement avec les parlementaires les plus impliqués dans ce domaine, afin que les réformes proposées aient des chances d'aboutir.

Vous le savez évidemment : des dix-huit types de discriminations contre lesquelles la loi nous a chargés de lutter, celles qui visent les femmes sont celles qui touchent le plus de personnes, puisqu'elles concernent potentiellement plus de la moitié de la population. En outre, elles sont cumulatives. On les constate dès le plus jeune âge, et nous devons agir contre les stéréotypes qui orientent massivement les jeunes filles – les chiffres le montrent – vers des filières offrant moins de débouchés professionnels que celles qui attirent les garçons. Par la suite, la grossesse et la maternité entraînent des ruptures de carrière souvent irréparables. Enfin, ces discriminations successives produisent tous leurs effets au moment de la retraite.

Tels sont les domaines dans lesquels nous voulons intervenir – avec vous, car nous ne pouvons le faire sans vous.

Mme Lyazid va maintenant vous présenter les axes principaux et les priorités de notre action pour l'égalité entre les hommes et les femmes au cours des mois et des années à venir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion