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Intervention de Jean-Sébastien Vialatte

Réunion du 6 mars 2012 à 17h00
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Sébastien Vialatte, député, rapporteur :

Je dresserai rapidement un tableau des progrès technologiques les plus récents de la neuroimagerie, lesquels consistent dans la mise au point de techniques permettant d'augmenter la résolution, d'améliorer la fiabilité de l'analyse des données et les conditions de leur stockage. Différentes approches et technologies sont utilisées, car elles sont complémentaires et souvent associées.

Une utilisation novatrice de techniques non interventionnelles comme l'électroencéphalographie (EEG) couplée à des enregistrements vidéo accroît la finesse des analyses, ce qui est particulièrement utile dans la détection et le traitement des crises d'épilepsie. La possibilité de voir le cerveau en fonctionnement grâce à l'imagerie à résonance magnétique (IRM) a radicalement contribué à l'évolution de l'approche du cerveau tant au plan philosophique, qu'au niveau de la recherche scientifique, et des approches thérapeutiques. Les progrès de l'IRM portent sur la rapidité, la résolution, et la multi-modalité, par le développement de nombreuses applications différentes (la spectroscopie qui donne des informations biochimiques in vivo, l'IRM fonctionnelle, l'IRM de diffusion, l'IRM de perfusion, etc). L'imagerie multimodale est utilisée dans la prise en charge des tumeurs malignes et des cancers du cerveau. L'IRM de diffusion, nouvelle technique, est la seule méthode d'imagerie qui permet de visualiser un accident ischémique dans les premières heures. Dans le futur, l'IRM à très haut champ magnétique devrait améliorer la résolution au niveau du cortex pour mieux en analyser la structure, en observer d'éventuelles atrophies.

La tomographie à émission de positrons (TEP) produit une image fonctionnelle de certaines zones du cerveau avec une précision de niveau moléculaire ; elle est largement utilisée pour des études physiologiques et physiopathologiques de la cognition et du comportement, ainsi que pour l'étude de différentes pathologies affectant le système nerveux central. L'évolution récente consiste à coupler cette technique et le scanner à rayon X (TEP-scan, ou PET-scan en anglais) avec l'IRM dans le but de permettre à la fois la localisation et l'analyse de mécanismes neuronaux complexes (IRM) et l'analyse au niveau moléculaire du fonctionnement du cerveau (TEP) pour réduire le temps d'observation et d'exposition. Toutefois, l'interprétation de données ainsi recueillies exige des compétences particulières et une formation idoine.

Des technologies combinent l'usage de la neuroimagerie et l'intervention sur le cerveau de manière plus ou moins invasive, et génèrent des interrogations éthiques dans la mesure où certaines d'entre elles peuvent avoir un impact direct sur le comportement, telle la stimulation cérébrale profonde qui consiste à implanter, dans une région profonde du cerveau, une électrode de stimulation à haute fréquence dont l'activation est contrôlée par le malade. La pensée peut-elle commander le mouvement sans l'intermédiaire du corps, et diriger une machine? Ce qui était jadis un thème de science-fiction est devenu une réalité avec les interfaces hommemachine, grâce à la simulation en trois dimensions (3D) d'un environnement particulier dans lequel le sujet a l'impression d'évoluer.L'interface cerveaumachine (ICM), système de liaison directe entre un cerveau et un ordinateur, permet à un individu de communiquer avec son environnement sans passer par l'action des nerfs périphériques et des muscles. Les effets positifs des interfaces ont été validés dans certaines phobies spécifiques et dans le pilotage de prothèses.

S'agissant de la protection des personnes,les débats portent sur l'impact des rayonnements ionisants sur la santé et sur celui des champs magnétiques.L'autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui assure depuis une dizaine d'années le contrôle des applications médicales des rayonnements ionisants (sûreté des appareillages, protection des patients et des travailleurs), constate que ce risque s'accroît en raison de l'augmentation des doses en imagerie médicale, plus particulièrement du fait du scanner, de la répétition des examens, et du phénomène émergent de la radiosensibilité individuelle. Cela se double en France d'une difficulté d'accès aux IRM qui sont en nombre insuffisant ; aussi utilise-t-on le scanner au lieu de l'IRM pour nombre d'explorations du cerveau : la France dispose de 8 appareils par million d'habitants, contre 35 aux États-Unis et 40 au Japon. Ceci nous conduit à recommander d'accroître le nombre de radio-physiciens en améliorant leur formation, d'informer les patients du dosage annuel de radiations et de rayonnements subis, et d'augmenter substantiellement le parc français d'IRM.

Concernant les recherches sur la personne humaine, la proposition de loi d'Olivier Jardé adoptée par le Parlement fin février, qui a été publiée le 5 mars 2012, clarifie de façon satisfaisante les conditions de la recherche. Sa mise en oeuvre dans de brefs délais, que nous demandons, devrait répondre aux difficultés des chercheurs menant des recherches non interventionnelles.

Dès l'évaluation de la loi relative à la bioéthique et au cours des débats sur la loi du 7 juillet 2011, nous nous sommes inquiétés des problèmes soulevés par la protection du stockage des données d'imagerie, qui sont régulièrement échangées entre professionnels, pour obtenir des avis aidant à surmonter les difficultés d'interprétation, ou dans le cadre de la télémédecine. Ainsi l'ouverture de l'accès à l'IRM pose la question cruciale de la suppression des sources et surtout de la nécessité de l'anonymisation des données, car il arrive que des personnels donnent des informations précises, sans vérifier l'identité des personnes qui les leur demandent, et donc violent sans s'en rendre compte le secret médical.

De même, la télétransmission des feuilles de soins de la sécurité sociale pose problème, car la nomenclature peut révéler le résultat des examens médicaux, notamment dans le cadre de l'analyse de neuroimagerie, puisque les codes diffèrent en fonction des maladies traitées. La Commission de l'informatique et des libertés (CNIL), tout en assurant avoir obtenu une amélioration du codage des informations, reconnaît ne pas être sûre de la sécurité des procédés de chiffrement. Aussi proposons-nous de renforcer les procédures de codage et de sécurisation des bases de données, d'assurer une traçabilité de l'accès par les personnels habilités à y accéder, d'améliorer la formation et la sensibilisation des personnels médicaux au respect du secret médical, de renforcer les moyens d'expertise de la CNIL. De même, convient-il de soumettre à des conditions strictes d'agrément les hébergeurs de données de recherches sur de grandes cohortes nécessaires aux recherches sur les maladies neuropsychiatriques, et d'assurer la sécurité de l'hébergement et du transfert des données d'imagerie cérébrale en cas de recours à des hébergeurs de données à l'étranger.

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