Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Patrick Brouiller

Réunion du 6 mars 2012 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Patrick Brouiller, président de l'Association française des cinémas d'art et d'essai, AFCAE :

Je remercie à mon tour l'Assemblée nationale d'avoir élaboré et voté cette loi, mais il faut comprendre que ce n'est qu'une étape. Pour ma part, j'ai « basculé » toutes mes salles en numérique la semaine dernière mais j'ai une dette d'un million chez le banquier : tout ne fait donc que commencer, et il faudra bien sept ou huit ans pour faire le point ! En attendant, il faut se féliciter de l'excellent plan d'aide pour les établissements d'un ou deux écrans, dont les salles indépendantes ont largement bénéficié.

La force de cette loi va résider dans notre capacité collective à la faire appliquer correctement. Or il semble qu'on assiste à certaines dérives. En ce qui me concerne, il m'aura fallu travailler jusqu'à la semaine dernière pour monter mon projet, régler les problèmes techniques, commander le matériel et être livré. Je n'entre donc que maintenant dans la phase active de programmation et de négociation. Or, s'il faut rendre hommage aux distributeurs indépendants français, les plus vertueux, qui ont signé des contrats de longue durée avec des collecteurs indépendants et nous procurent des films intéressants, on peut s'interroger sur d'autres pratiques. Ainsi, parmi les distributeurs américains, qui ont tous signé avec un nouvel entrant – un collecteur investisseur que je ne citerai pas –, deux nous somment de signer les contrats qu'ils nous envoient sans aucune négociation préalable. La médiatrice peut se rassurer : elle aura du travail – ce n'était qu'une question de temps ! D'autres Américains n'ont pas de contrat et payent d'office 450 euros, sans contrepartie. Ce qui nous amène à la nécessité de la transparence : il est tout à fait normal que chacun, dès lors qu'il participe à l'investissement, puisse suivre l'évolution du remboursement. Enfin, il y a les majors françaises : elles sont formidables, elles sont d'accord sur tout, elles vont signer… mais cela fait six mois que nous attendons !

Il faut remettre un peu de sens dans tout cela. Depuis des mois, nous négocions, nous essayons de tout régler par nous-mêmes avant de nous rendre chez la médiatrice. Mais si tout se joue, comme vous avez pu le constater, à fleurets mouchetés, sans opposition ouverte, la volonté de ne pas avancer n'en est pas moins manifeste. Nous serions donc très favorables à un contrôle exercé par le CNC. On ne peut pas téléphoner à la médiatrice au moindre problème ! Il faut pouvoir contrôler les pratiques d'entente – celles par exemple de distributeurs qui assurent à un exploitant un film qui fera beaucoup d'entrées, du moment qu'il ne leur demande pas de contribution... Et il ne s'agit pas de films qui sortent en trente copies, mais en cinq cents ! Cela pourrait avoir un effet direct, en peu de temps, sur la programmation et sur le maintien de la diversité.

Enfin, la loi est fondée sur une notion d'équité, et non d'égalité. Mais où se trouve le curseur ? Les contributions s'étagent aujourd'hui entre 350 et 650 euros, et vous vous doutez bien que ce ne sont pas les grandes enseignes qui perçoivent le minimum ! Si l'on veut préserver la diversité des lieux de diffusion, il faut veiller à ce que le numérique ne vienne pas renforcer la concentration. Je comprends parfaitement qu'il y ait un écart entre mes salles situées de l'autre côté du périphérique et celles des Champs-Élysées, mais quand il atteint 40, voire 50 %, je pense que l'esprit de la loi n'est plus respecté.

Le passage au numérique est une affaire importante. Je suis émerveillé qu'il ait déjà pu être réalisé dans 75 % des salles, grâce aux aides. Cette loi, qui a beaucoup de vertus, ne doit pas être affaiblie par des effets pervers ou par des comportements indus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion