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Intervention de Christian Oddos

Réunion du 6 mars 2012 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Christian Oddos, représentant du Syndicat des distributeurs indépendants, SDI :

Je souscris à tout ce qui a été dit sur les effets positifs de cette loi. Alors que nous craignions que le développement du numérique ne nous entraîne vers un marché purement concurrentiel, elle a permis, complétée par l'excellent travail du comité de concertation, d'établir un cadre général vertueux. Mais je voudrais appeler l'attention sur quelques difficultés telles que la période de transition, qui devrait durer encore au moins deux années, pourrait se révéler très délicate pour les distributeurs les plus fragiles.

Qu'en est-il d'abord de la transparence, qui était un des objectifs majeurs de la loi ? Les distributeurs sont en train de négocier des contrats de longue durée mais, si les rapports sont très cordiaux avec nombre de groupements de salles indépendantes, et les contrats d'ailleurs déjà passés, les négociations avec des circuits ou avec des tiers opérateurs plus puissants sont parfois très difficiles : ils demandent des contributions jusqu'à 46 % plus élevées que celles des salles indépendantes ! Ce qui pousse à s'interroger plus précisément sur la mécanique d'ensemble du système. Nous souhaitons que soit très vite constituée une entité indépendante à même de réunir des informations sur le financement et sur la durée d'amortissement des équipements, ainsi que sur la sortie du modèle économique de la contribution, puisqu'il est établi que les distributeurs ne doivent participer qu'au premier équipement des salles.

Le principe de la contribution est fondé sur les économies que le numérique fait réaliser aux distributeurs. Mais ceux-ci supportent d'autres frais qui doivent également être pris en compte : la fabrication des disques durs, éventuellement leur transport, la fabrication de la clé nécessaire pour chaque salle… Surtout, les distributeurs indépendants doivent gérer concomitamment les deux formats, numérique et 35 mm, alors que les ayants droit – producteurs ou vendeurs pour les films étrangers – n'en fournissent le plus souvent qu'un seul. Ainsi les films « fragiles » ne sortent plus qu'en numérique parce que le distributeur n'a pas les 25 000 ou 30 000 euros que coûterait le tirage d'un master en 35 mm. L'équation économique devient impossible. J'ai l'exemple d'un film qui est sur le point de sortir en trente-cinq copies, dont le distributeur avait pensé qu'elles pourraient presque toutes être numériques : on lui en demande en fait dix-sept en 35 mm. À raison de 850 euros chacune, auxquels s'ajoutent les 25 000 euros du tirage, on arrive à un coût de plus de 2 000 euros pièce, sans amortissement assuré ! Si le distributeur ne consent pas cet investissement, une vingtaine de salles n'auront pas le film. S'il le fait, il se mettra en péril – d'autant qu'il s'agit d'un film français et qu'il ne recevra donc aucune aide du CNC. Bref, si le producteur ne met pas les deux masters à la disposition du distributeur, c'est à ce dernier qu'incombera la mission de préserver la diversité de l'offre.

Cet objectif de maintenir la diversité culturelle était au fondement de la loi. Pour notre part, nous sommes soucieux de diffuser les films de patrimoine et les courts-métrages, notamment ceux destinés au jeune public. Nous avions cru comprendre, à la lecture de la loi et des recommandations du comité de concertation, qu'ils ne seraient pas soumis à la contribution numérique puisqu'ils ont déjà été diffusés en salle. Or, soit qu'ils aient une interprétation différente de la loi, soit qu'ils refusent d'appliquer les recommandations du comité, certains tiers ou circuits ne partagent pas cette conception. Les contrats à long terme qu'ils nous proposent, et que nous refusons pour l'instant, ne prévoient donc pas d'exonération de contribution numérique pour ce type de films. Si nous signons, nous subirons des facturations injustifiées et si nous en restons au système actuel, ce qui n'est pas invraisemblable puisque les tiers opérateurs ne peuvent valider un contrat comportant des éléments non vérifiés nous continuerons à payer la contribution maximale pour tous les types de films…

Ces deux années sont donc des plus inquiétantes pour des distributeurs déjà fragilisés et risquent de fortement entraver leur travail en faveur de la diversité de l'offre.

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