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Intervention de éric Garandeau

Réunion du 6 mars 2012 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

éric Garandeau, président du Centre national du cinéma et de l'image animée, CNC :

Nous sommes très honorés de participer à ce débat portant sur le bilan de la loi du 30 septembre 2010. Je remercie particulièrement les membres du comité de suivi parlementaire, Michel Herbillon et Marcel Rogemont ici présents ainsi que leurs homologues sénateurs Jean-Pierre Leleux et Serge Lagauche, qui ont pu contribuer à la mise en oeuvre de cette loi au cours des derniers semestres. La période a requis un travail intense de tous : du CNC, mais aussi des exploitants de salles, qui ont fait face à une véritable révolution technologique, industrielle et culturelle.

Après Michel Herbillon, je me réjouis, comme toutes les équipes du Centre, qu'un film français, The Artist, ait obtenu cinq Oscars, qu'Intouchables ait enregistré quasiment six millions d'entrées en Allemagne après les dix-neuf millions réalisées en France, et plus globalement qu'au cours de 2011 – année de transition comme le sera encore 2012 –, nous ayons atteint le chiffre historique de 216 millions de spectateurs, avec 41,6 % de parts de marché pour le film français. Le succès se poursuit en ce début de 2012 puisque, la semaine dernière, quatre films français étaient parmi les six premiers au box office : Les Infidèles, The Artist, La vérité si je mens ! 3 et Zarafa. En outre, les parts de marché de nos productions ont encore augmenté en janvier, pour atteindre 47 %.

Ces résultats couronnent le travail des créateurs, des producteurs, des distributeurs, mais aussi celui des exploitants de cinéma, et témoignent du soutien du public français, très cinéphile. Le CNC, qui est un peu la clé de voûte de cet ensemble au même titre que les chaînes de télévision qui investissent dans le cinéma, s'efforce à chaque fois d'agir sur tous les éléments qui concourent à cette réussite. Nous travaillons à la fois sur les oeuvres, sur les salles et sur les publics, selon un mode de fonctionnement qui est aujourd'hui reconnu par les autres pays.

La numérisation a joué un rôle particulièrement important dans l'augmentation de la fréquentation des salles. Mais elle nous confronte aussi à des défis pour l'avenir.

S'agissant du bilan, en tant que modestes praticiens de la loi de la loi de septembre 2010, nous pouvons dire que, par les principes qu'elle a posés, elle a orienté l'action du CNC comme celle des exploitants et des distributeurs, ainsi que les relations entre ces deux acteurs économiques majeurs. En outre, elle nous a permis, par sa souplesse, de nous adapter aux réalités du terrain, dont nous n'avions pas toujours exactement mesuré la complexité. Je pense en particulier au problème posé par les circuits itinérants. Nous nous réjouissons d'être aujourd'hui en mesure de vous apporter des précisions sur la façon dont nous entendons traiter cette question. Cela se fera vraisemblablement dans le cadre du dispositif législatif actuel, qui, je le répète, s'est révélé suffisamment directif et souple pour être utilisé à cette fin.

À la fin de 2011, plus de deux tiers des écrans étaient numérisés ; à la fin de février, nous en étions à 71,1 %, soit 4 000 écrans sur les 5 465 que compte notre pays. En outre, il est intéressant de noter que la majorité des établissements équipés ont moins de quatre écrans. Certes, la grande exploitation est aujourd'hui numérisée à plus de 98 % mais, en 2011, ce sont les cinémas relevant de la petite exploitation qui ont enregistré la plus forte progression – elle a été de 153 % par rapport aux chiffres de fin 2010 ! C'est le résultat des mesures financières prévues par la loi. Vous l'avez dit, pour la numérisation des salles, la France se situe au troisième rang mondial, après les États-Unis et la Chine, et au premier rang européen, avec une progression globale de plus de 75 % par rapport à fin 2010. C'est la croissance la plus importante observée au niveau international.

La fréquentation des salles a elle aussi connu une augmentation spectaculaire et c'est dans la petite exploitation qu'elle a été la plus forte, atteignant 10 %, contre 2 % dans la grande exploitation. On peut sur ce point aussi mesurer l'impact de la numérisation.

Qu'en est-il des perspectives ? En 2011, le CNC a apporté son soutien financier à la numérisation de 597 écrans regroupés au sein de 448 établissements, pour un montant de 28,1 millions d'euros. Je précise que 82 % de ces établissements sont classés « art et essai ». Compte tenu du temps nécessaire pour instruire les dossiers, pour déployer les nouveaux outils informatiques et pour collecter les données sur les salles afin de vérifier leur éligibilité à notre plan de numérisation, l'année 2012 sera décisive. Nous constatons d'ores et déjà une accélération dans le rythme d'engagement et de décaissement des crédits du CNC. Nous avons prévu d'apporter notre soutien à la numérisation d'environ 1 200 écrans regroupés au sein de 850 établissements, pour un montant qui devrait être légèrement supérieur à 80 millions d'euros. Nous atteindrions ainsi une dépense de quelque 110 millions d'euros, approchant du montant de la réserve inscrite dans nos comptes – 125 millions d'euros. Le calibrage financier était donc aussi pertinent que le calibrage juridique.

S'agissant des salles peu actives – elles sont au nombre de 380 – et des circuits itinérants, qui jusqu'ici ne pouvaient pas faire l'objet d'un soutien, même technique, nous avons pu recenser les équipements nécessaires. Nous soutiendrons l'acquisition d'autant de projecteurs numériques qu'il y a de projecteurs 35 mm, dans la limite de quatre par circuit. La France a joué un rôle moteur pour la mise au point de ces équipements spécifiques. Il a fallu en effet convaincre des entreprises internationales de développer des prototypes respectant les normes de qualité que nous avons fixées et auxquelles les auteurs et les artistes sont très attachés. Notre aide en faveur des circuits itinérants pourra couvrir jusqu'à 90 % des dépenses de numérisation, comme pour les salles fixes. Nous espérons que les collectivités territoriales apporteront elles aussi leur contribution et, si les premiers tests techniques se révèlent concluants, le dispositif pourra être mis en oeuvre dès juillet 2012.

Pour conclure, je voudrais mentionner le rôle essentiel joué par les comités institués par la loi : le comité de suivi parlementaire et le comité de concertation professionnelle, qui a permis que les négociations entre les distributeurs et les exploitants se déroulent au mieux, sur la base des neuf recommandations et avec la contribution du Médiateur. Je tiens également à souligner le rôle déterminant joué par les collectivités territoriales : la totalité des régions et un grand nombre de départements et de villes ont ainsi institué depuis un an des dispositifs d'aide complémentaires de celui du CNC. Plus la mobilisation était forte et plus le taux de numérisation a été important. La Bretagne, l'Aquitaine et l'Île-de-France sont ainsi très largement équipées aujourd'hui.

Au-delà de ce bilan très positif, il importera de rester très attentif à l'achèvement du plan – l'ensemble du parc doit être numérisé d'ici à la fin de l'année – et d'examiner les conséquences de la numérisation sur la programmation des salles. Comme toute technologie, celle-ci permet en effet le meilleur comme le pire, selon l'usage qu'on en fait. La diversité de la programmation, la multiprogrammation restent des questions essentielles. Nous veillerons à ce que la diversité de la programmation des salles, qui fait la force de notre système, soit non seulement préservée mais même améliorée grâce à la numérisation.

Merci encore d'avoir voté cette loi.

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