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Intervention de François Loncle

Réunion du 6 mars 2012 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Loncle, co-rapporteur :

Je tiens à préciser que notre rapport est un co-rapport. Il est le fruit d'une réflexion et d'un engagement communs. L'idée de ce rapport est née à la suite de la mort de Michel Germaneau. A l'époque, nous avions été reçus par le Premier ministre et nous avions perçu la gravité de la situation. Avant d'aller plus loin, je tiens à compléter les propos d'Henri Plagnol en soulignant que la France n'est pas la seule visée par AQMI. Certes, c'est la cible principale mais les ressortissants des Etats-Unis sont aussi concernés et, d'une manière générale, les Occidentaux, qu'ils soient Espagnols, Canadiens ou autres. AQMI, avec un grand cynisme, mêle considérations idéologiques et financières.

Pour améliorer la situation sécuritaire dans le Sahel, nous avons recensé trois pistes :

- à court terme, il est nécessaire de traiter le plus efficacement possible le problème de nos compatriotes retenus en otages. Comme je vais l'indiquer, cela requiert l'adoption d'une stratégie cohérente face aux enlèvements ;

- rétablir la sécurité dans le Sahel passe aussi, selon nous, par la nécessité de combattre plus efficacement AQMI. Quatre pays africains ainsi que des puissances occidentales sont concernés. Ce n'est pas évident ;

- enfin, l'aspect développement est essentiel et notre mission d'information a fait le point sur les différents programmes en cours et les améliorations qu'il est possible mais aussi indispensable d'apporter ;

En ce qui concerne le problème des prises d'otages, deux axes sont prioritaires : sauver les otages actuels et éviter de nouveaux enlèvements.

Sauver nos otages signifie d'abord négocier. C'est une tâche longue et difficile, chapeautée par la DGSE et au sujet de laquelle il est très difficile d'obtenir des informations fiables et précises. Le Gouvernement entend rester très discret sur les méthodes et les enjeux des négociations. Nous pouvons comprendre ce souci d'une discrétion absolue. En revanche, il a une contrepartie : l'efficacité. Or, en novembre et décembre derniers, la presse a fait état de faits obscurs s'apparentant plus à un mauvais roman de gare qu'à ce que l'on pourrait attendre d'une vraie négociation. Elle a notamment évoqué des initiatives parallèles de la part, d'un côté, d'un ancien officier du service action de la DGSE et, de l'autre, d'un ex-cadre d'Air France. Il est impossible d'établir le degré d'exactitude des faits rapportés par la presse ; il serait regrettable que la rivalité entre ces deux filières ait pu retarder les négociations alors en cours. Lorsque ces dernières, espérons-le, auront abouti, il sera assurément très utile de revenir sur ces faits et d'en faire le bilan.

Sauver nos otages ne revient pas seulement à négocier. Négocier, en effet, n'est pas une voie assurée vers le succès, comme l'a malheureusement montré le cas de Michel Germaneau. Pour sa libération, AQMI exigeait, outre la remise en liberté d'un terroriste détenu en Algérie, l'abrogation de la loi française contre le port du niqab sur la voie publique. Une exigence inadmissible faisant douter de la réelle volonté d'AQMI de vouloir discuter. Aussi faut-il être en mesure de pouvoir mettre fin à une prise d'otages le plus en amont possible, en particulier en interceptant les terroristes chaque fois que cela est possible. Ce genre d'opérations relève, en théorie, de la compétence des États sur le territoire desquels ont lieu les prises d'otages. Or, leurs forces de sécurité étant peu équipées et mal préparées, la communauté internationale a le devoir de les aider à se former et, avec l'accord des gouvernements locaux, d'intervenir au cas par cas si cela est nécessaire. Tel fut le cas, en janvier 2011, au Niger, lorsque les forces spéciales françaises tentèrent d'intercepter le convoi d'AQMI transportant Vincent Delory et Antoine de Léocour, enlevés quelques heures plus tôt à Niamey. Vous connaissez tous l'issue tragique de cette opération puisque les deux Français périrent au cours de l'assaut de nos soldats. Une double polémique est apparue peu après : d'une part, les deux jeunes, sans relais médiatique, auraient été sacrifiés par le pouvoir politique ; d'autre part, ils auraient pu être victimes de tirs français lors de l'intervention pour les libérer. S'agissant de la première polémique, il est regrettable que de tels propos aient pu être tenus et nous ne pouvons pas croire un instant qu'un tel calcul, particulièrement cynique, a été effectué. En ce qui concerne l'origine de la mort des otages, vous savez que l'armée a filmé l'assaut mais qu'une partie du film, qui pourrait permettre de répondre aux interrogations, a été classée secret défense. En dépit de nos relances, le ministère de la défense ne nous a pas permis de voir le film dans son intégralité et, tant Henri Plagnol que moi-même, le déplorons alors même que, sur toutes les autres questions, nos demandes ont été pleinement satisfaites. Au final, l'opération menée pour libérer nos deux jeunes compatriotes a été un échec puisque son but n'a pas été atteint. Pour autant, cet échec ne doit pas disqualifier, pour l'avenir, ce genre d'intervention lorsque des renseignements précis permettront d'envisager son succès sans mettre en danger la vie des otages. En tout état de cause, lorsqu'il est évident qu'un assaut peut être mené sans aucun risque (par exemple, si des otages viennent d'être libérés), il faut frapper. Sous la précédente législature, j'avais eu l'occasion, dans le cadre d'une mission d'information sur les journalistes et correspondants de guerre, de dénoncer, avec Pierre Lellouche, le manque d'entrain de nombreux Etats (dont le nôtre) à poursuivre les auteurs de violence. Cela doit cesser une fois pour toute. Il en va de la crédibilité de notre pays. Tous les ex-otages, journalistes ou victimes d'AQMI, nous ont dit qu'une fois relâchés, ils avaient soufferts de voir qu'on passait à la question suivante sans poursuivre les auteurs des violences.

Bien entendu, notre capacité d'intervention dépend de notre présence au plus proche du terrain. A cet égard, la France dispose d'un indéniable atout avec ses forces prépositionnées (à Djibouti, au Sénégal et au Gabon) et celles participant à des opérations extérieures (Tchad, Côte d'ivoire et République centrafricaine). Le Livre blanc sur la défense nationale de 2008 avait préconisé une nette réduction de ces implantations avec la création de deux pôles seulement, un à l'ouest et l'autre à l'est du continent africain. Heureusement, la logique de ce document n'a pas été appliquée jusqu'au bout et il est apparu nécessaire, face à une menace terroriste croissante, de demeurer à proximité des zones les plus tendues. Comme Henri Plagnol l'a souligné, l'idée n'est pas celle d'un déploiement massif et disproportionné. Nous n'avons pas à mener une guerre globale contre le terrorisme dans le désert sahélien. Ce serait là tomber dans le piège que veut nous tendre AQMI. Mais si elle doit être discrète, notre présence doit être efficacement répartie et il conviendra d'y veiller lors de la rédaction du nouveau Livre blanc mais aussi de la discussion du prochain projet de loi de programmation militaire.

Le dernier aspect de la réponse aux prises d'otages que nous avons souhaité aborder est celui de leur prévention. Il faut absolument priver AQMI de ce redoutable moyen de pression que constitue des compatriotes retenus dans les pires conditions matérielles et psychologiques. Dans ce but, on ne peut que saluer les efforts entrepris pour sécuriser la présence française dans le Sahel. Certes, celle-ci a fortement décrue du fait du classement en zone rouge de vastes pans du territoire. Des activités qui se sont cependant maintenues. Les entreprises ont dû adopter des plans de sécurité stricts qui ont ensuite été approuvés par le Quai d'Orsay et les différentes administrations concernées avant de pouvoir être mis en oeuvre. Réduit à 25 personnes ces derniers mois, le nombre d'expatriés français d'Areva au Niger va ainsi pouvoir passer à environ 300 personnes d'ici la fin de l'année.

Enfin, notre rapport d'information examine une deuxième voie pour tarir le flux des otages : la question des rançons. Le sujet est délicat mais mérite d'être posé. En quelques années, AQMI est entré dans une spirale inflationniste et demande toujours plus. Je rappelle le chiffre indiqué par Henri Plagnol : il est demandé 90 millions d'euros pour libérer quatre Français enlevés à Arlit en septembre 2010 ! Satisfaire de telles exigences ne conduit-il pas à l'encourager encore et toujours ? Céder aux terroristes ne revient-il pas à contribuer à les financer ? N'est-ce pas aussi envoyer un message négatif aux populations locales qui, vivant dans la plus grande précarité, voient les auteurs des violences récompensés au détriment de ceux qui en ont le plus besoin ? Les Etats du Sahel ont, à plusieurs reprises, appelé au non paiement des rançons. C'est également la position officielle des Etats-Unis et du Royaume-Uni, même s'il semble qu'ils aient parfois recours à des sociétés d'assurances privées ou aux entreprises pour contourner ce principe. En tout état de cause, il est souhaitable qu'une réflexion s'engage rapidement sur ce point, dans notre pays. Certes, le paiement de rançons n'est pas officiellement reconnu puisque, comme je l'ai dit, le contenu des négociations est gardé secret par le Gouvernement. Mais il est indispensable que notre pays prenne position dans un sens qui permettra de montrer sa fermeté et sa volonté d'assécher les sources de revenus des terroristes et d'anéantir toute incitation à commettre de nouveaux enlèvements. 80 % des ressources financières d'AQMI sont issues des rançons.

A côté de la problématique des prises d'otages, notre rapport d'information souligne la nécessité de combattre AQMI plus efficacement qu'aujourd'hui.

Ce rôle, comme nous l'avons déjà laissé entendre, échoit en priorité aux Etats du champ.

Nos travaux nous ont conduit à constater les efforts entrepris par la Mauritanie et le Niger qui, en dépit de moyens limités, ont très tôt admis la nécessité de lutter contre AQMI et de ne pas laisser cette organisation prospérer sur leur territoire. Si la Mauritanie y est remarquablement arrivée, c'est un peu plus difficile pour le Niger qui n'a pu éviter l'enlèvement d'Arlit, en septembre 2010, ni celui de Vincent Delory et d'Antoine de Léocour, en janvier 2011. Néanmoins, depuis ces prises d'otages, le Niger n'a pas fait l'objet d'une nouvelle attaque et il est parvenu, jusqu'ici, à éviter toute installation permanente de groupes liés à AQMI.

L'attitude de l'Algérie et celle du Mali sont plus ambiguës. S'agissant de l'Algérie, AQMI, héritier du GIA et du GSPC, y est né et ses cadres sont essentiellement algériens. De même, il est présent, encore aujourd'hui, dans le nord du pays, y compris à proximité de la capitale, d'où la tentation des autorités algériennes d'établir une distinction entre les deux fronts, celui du nord et celui du Sahel. Et par conséquent, d'apporter à un de ces fronts une attention plus grande qu'à l'autre. Un peu comme si l'Algérie n'avait pas été mécontente qu'une grosse partie des combattants salafistes aient pu quitter son territoire et aillent exporter leur violence au sud du pays.

Quant au Mali, il est historiquement considéré comme le maillon faible de la lutte contre AQMI. Nous avons pu constater que le président Amadou Toumani Touré, dit ATT, concentrait l'essentiel des critiques pour ne pas avoir mis suffisamment d'énergie dans la lutte contre les katibas, lesquelles ont pu faire du nord du pays leur sanctuaire. Si l'honnêteté ainsi que des signaux positifs comme la nomination de M. Maïga au poste de ministre des affaires étrangères, doivent conduire à nuancer certains reproches, il apparaît toutefois que le pouvoir malien a très longtemps considéré AQMI comme un problème d'abord algérien et qu'il lui importait, en priorité, de préserver le pays utile, c'est à dire le sud, au détriment d'un nord trop grand et peuplé, entre autres, de Touareg hostiles.

Toutefois, quelle que soit leur volonté qui, on l'a vu, peut être très inégale, les Etats du champ ne peuvent rester isolés. AQMI se joue des frontières. Les Etats du Sahel doivent s'entraider. On doit les aider. Tel est l'enjeu des multiples actions de coopération régionale dans le domaine de la sécurité et de la défense qui sont aujourd'hui menées. Car si, depuis la mort de Michel Germaneau, la situation globale s'est détériorée, on constate une nette prise de conscience.

Au niveau local, certaines initiatives ont été mises en place. Le Mali, par exemple, a accordé aux troupes mauritaniennes un droit de poursuite sur son territoire contre les éléments d'AQMI. A également été créé par l'Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie le CEMOC, un comité d'état major conjoint basé à Tamanrasset. On ne peut que se féliciter de cette démarche même si, malheureusement, le CEMOC est encore loin d'être opérationnel.

Dès lors, la coopération régionale doit être soutenue au niveau international. En la matière, la France joue un rôle capital par le biais, notamment, du réseau des Ecoles Nationales à Vocation Régionale mais aussi par l'intermédiaire d'une coopération militaire reposant sur trois vecteurs : la mise à disposition de coopérants, l'attribution d'une aide logistique directe et des actions de formation. L'Algérie, toutefois, se tient à l'écart. Il n'y aucune coopération entre son armée et la nôtre et la situation ne risque pas de s'améliorer à l'approche du cinquantenaire de l'indépendance.

Parallèlement à la France, les Etats-Unis sont eux aussi très impliqués au Sahel. Nous avons eu l'occasion de rencontrer des représentants de leur ambassade à Paris et nous avons été impressionnés par leur volonté. Le principal outil des Etats-Unis est le TSCTP, c'est à dire le « partenariat trans-Sahara pour l'anti-terrorisme ». Il est doté d'un budget annuel de 100 millions de dollars et son volet militaire se rapproche des actions menées par la France en proposant des formations d'unités spéciales et des cessions de matériels. Depuis 2005, les Etats-Unis organisent aussi, chaque année, des manoeuvres intitulées « Flintlock » qui impliquent l'ensemble des pays du champ (y compris l'Algérie) leur permettant de coopérer au sein d'exercices militaires de grande ampleur.

Enfin, notre rapport évoque l'Union européenne et les Nations Unies. Du côté européen, une stratégie Sahel a été définie par le service d'action extérieure de l'Union. Doté de 600 millions d'euros, son volet « sécurité » est encore très flou et méritera d'être suivi dans les mois à venir. Du côté des Nations Unies, le Sahel est de plus en plus évoqué lors des réunions du Conseil de sécurité. Ce n'est pas inintéressant, mais il faut veiller à ce que cela ne donne pas une publicité démesurée à AQMI et ne nourrisse pas sa rhétorique anti-occidentale. Dans l'immédiat, il revient surtout au Haut commissariat aux Réfugiés d'agir pour faire face au risque de crise humanitaire majeure que fait courir la nouvelle rébellion touareg. Le HCR a déjà commencé à prendre des mesures d'urgence et a lancé un appel de fonds. Il est indispensable qu'il puisse mener à bien sa mission. J'ai rencontré le Président Compaoré au début du mois de février et il m'a indiqué que 15.000 réfugiés avaient franchi la frontière malienne vers son pays la semaine précédant ma visite.

Enfin, un dernier aspect de la lutte contre AQMI est plus politique et moins militaire : il s'agit de décrédibiliser cette organisation. Celle-ci communique avec talent et sait s'assurer, par ses enlèvements spectaculaires, une publicité sans commune mesure avec son poids. Face à cela, les Etats cibles, notamment la France, sont démunis. N'ayant pas de politique de communication définie, leurs réactions dépendent trop souvent de l'émotion ou tombe dans la logique du rapport de force guerrier que recherche AQMI. Une stratégie plus réfléchie, insistant notamment sur l'aspect crapuleux des actions des terroristes et leurs conséquences néfastes et dénonçant également les inepties prônées par AQMI pourrait être fort utile. La tâche aurait d'autant plus de chance de réussir que l'islamisme radical n'est pas naturellement présent au Sahel, région plutôt tolérante sur le plan religieux.

Cela étant, on ne réussira pas à sécuriser la région sahélienne uniquement par des moyens militaires ou idéologiques. La question du développement est également cruciale. Henri Plagnol vous a présenté tout à l'heure le tableau des défis immenses auxquels le Sahel doit faire face.

Les trois pays qui nous intéressent ici ont chacun de nombreux partenaires qui leur apportent au total des contributions de plusieurs centaines de millions de dollars. On trouve parmi ces donateurs les principaux pays de l'Union européenne, à l'exception désormais du Royaume-Uni qui se retire de la région.

Le Mali, la Mauritanie et le Niger sont trois des 14 pays prioritaires de notre aide au développement, mais la France n'est cependant pas le donateur le plus important, dans la plupart des cas, alors même qu'il s'agit d'anciennes colonies et de pays francophones. En 2009, l'Espagne avait par exemple une APD en Mauritanie supérieure à la nôtre. Les Etats-Unis, le Canada ou les Pays-Bas interviennent massivement au Mali, souvent plus que la France.

Les institutions internationales sont également très présentes dans la région, mais moins que les pays du Comité d'aide au développement de l'OCDE. Le Mali par exemple a reçu, en 2009, 420 millions de dollars des organisations internationales de développement, de la Banque mondiale en premier lieu, suivie par la Commission européenne et la Banque africaine de développement, tandis que l'ensemble des partenaires bilatéraux apportaient près de 550 millions.

Sans nous appesantir trop longuement sur ces questions, ce qu'il faut aujourd'hui souligner c'est le fait que tous les acteurs, que ce soient les institutions multilatérales, les pays donateurs et les bénéficiaires, s'accordent sur le fait qu'il faut avoir une vision intégrale des problématiques et essayer des réponses globales et cohérentes. Tout le monde est conscient que l'irruption d'AQMI sur la scène régionale a changé la donne et que, plus que jamais, sécurité et développement sont étroitement liés.

En septembre dernier, l'Union européenne a adopté une « stratégie pour la sécurité et le développement » pour répondre à cette exigence, stratégie qui articule bonne gouvernance, développement et règlement des conflits internes. Avec Henri Plagnol, nous proposons qu'un Représentant spécial de l'Union européenne soit nommé pour le Sahel, à l'instar de ce qui s'est fait pour d'autres régions en crise. Il aurait pour tâche de piloter et de coordonner cette stratégie ambitieuse.

Deux derniers points pour terminer cette présentation : l'importance qu'il faut attacher au renforcement des capacités des Etats de la région. Vous visualiserez sur les cartes que nous publions dans le rapport l'immensité de la zone sur laquelle AQMI intervient. En l'état actuel, aucun des gouvernements de la région ne dispose des moyens suffisants pour contrôler son propre territoire. C'est évidemment un aspect sur lequel il convient d'agir en priorité. Il ne faut pas oublier qu'AQMI, c'est 300 personnes, probablement, dispersées sur un territoire immense.

De la même manière, il serait urgent d'intervenir en amont du Sahel pour essayer de tarir les sources de financements que l'organisation terroriste retire des multiples trafics, et notamment de celui de la drogue en provenance d'Amérique du sud, qui pénètre en Afrique par des pays comme la Sierra Leone ou le Liberia. Si l'on aidait ces pays à contrôler leur espace maritime, si l'on réussissait à stopper les arrivages avant qu'il ne transitent par le Sahel, AQMI verrait ses ressources diminuer considérablement et en serait affaiblie d'autant.

Enfin, nous croyons qu'il ne faut pas que nos politiques contribuent à enfoncer davantage les pays sahéliens. A cet égard, le zonage en rouge de la majeure partie du territoire des trois pays a eu pour effet de tarir totalement le tourisme qui était une ressource, même modeste, mais cruciale pour les populations de certaines régions, comme le pays Dogon. Nous comprenons que le MAEE incite nos concitoyens à la prudence, mais il faut que cela soit fait de manière plus mesurée et plus cohérente : mesurée, parce que certains pays, notamment la Mauritanie, ont pris des mesures remarquables et ont réussi à sécuriser les zones touristiques ; cohérente, parce qu'on doit observer que l'on ne déconseille toujours pas aux voyageurs de se rendre au Maroc, malgré l'attentat à la bombe de Marrakech qui a tué 17 personnes. En revanche, on interdit quasiment de se rendre au Sahel, alors même qu'AQMI n'a encore commis aucun attentat aveugle. Le ministère des affaires étrangères a ouvert un immense parapluie, sans discernement et sans vérification des risques réels dans la région. L'interdiction qui frappe les pays de la région est une catastrophe économique et sociale supplémentaire dont les populations n'ont pas besoin et nous appelons instamment à une révision de ces mesures.

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