C'est avec plaisir, mes chers collègues, que je vous présente ce rapport rédigé avec Michèle Delaunay. Il est vrai qu'il a été réalisé peu de temps après le vote de la loi, mais nous souhaitions procéder à un premier bilan avant la fin de la présente législature. Nous nous sommes concentrés sur le contenu des décrets d'application, qui, sur un texte aussi technique, jouent un rôle majeur.
Nous avons mené quatorze auditions, au cours desquelles nous avons reçu de nombreux syndicats et représentants des services de santé au travail. La grande majorité des personnes auditionnées s'est déclarée satisfaite des dispositions édictées par le pouvoir réglementaire. En effet, deux décrets généraux d'application ont été pris par le Gouvernement le 30 janvier dernier, quelques jours après que nous avons reçu les représentants du ministère du travail. Je remercie à cet égard M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, et M. Bruno Dupuis, conseiller technique du ministre, avec qui nous avons eu de longs entretiens à ce sujet. En tout état de cause, je ne puis m'empêcher de penser que l'action de contrôle du Parlement a permis d'accélérer le calendrier de publication de ces textes.
Les deux décrets généraux publiés, qui entreront en vigueur le 1er juillet prochain, opèrent une refonte très importante des dispositions réglementaires relatives aux services de santé au travail, dont notre rapport décrit la teneur. D'autres textes d'application doivent être publiés au cours des prochains mois : des décrets relatifs à des catégories spécifiques de travailleurs, tels que les stagiaires de la formation professionnelle, et des décrets concernant les services de santé au travail dans le secteur agricole.
Avant de vous présenter les modifications juridiques apportées par les décrets publiés, je tiens à rappeler l'importance du rôle des services de santé au travail et à vous donner quelques éléments chiffrés. À la fin de l'année 2009, plus de 16 millions de salariés étaient suivis par quelque 6 400 médecins du travail, dont environ 2 900 travaillaient à temps plein et 3 400 à temps partiel, au sein de 904 services de santé au travail, dont 612 services autonomes et 292 services interentreprises, de dimensions très variables. En effet, certains services suivent moins de 10 000 salariés quand d'autres en suivent plus de 100 000, voire 1 million pour le plus grand service de France.
Comme vous le savez, la loi a procédé à une réforme globale de l'organisation de ces services, que les décrets publiés poursuivent.
En ce qui concerne les services de santé au travail autonomes, quatre mesures doivent être évoquées. La première est la suppression de l'obligation de créer un service autonome. Désormais, quelle que soit leur taille, les entreprises pourront choisir d'adhérer à un service interentreprises, ce choix étant effectué sous le contrôle du comité d'entreprise.
La deuxième mesure est la simplification du seuil de création d'un service autonome, qui sera fixé à 500 salariés. Ce nouveau seuil a été approuvé par l'ensemble des partenaires sociaux, lors de la consultation du Conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT). Bien qu'il demeure proche des obligations actuelles, il apparaît plus simple à mettre en oeuvre.
Les décrets publiés créent, de plus, une nouvelle catégorie de service autonome : le service de groupe. Celui-ci devrait permettre à des structures d'envergure nationale, aux organisations complexes, de mettre en place un service de santé pour tout ou partie de leurs entreprises, de mutualiser leurs moyens et de coordonner leurs politiques internes de santé au travail.
Enfin, les décrets publiés élargissent l'accès aux services autonomes, en permettant aux filiales de petite taille des groupes de bénéficier des prestations du service autonome d'une autre entreprise de leur groupe, plus grande, située à proximité, et aux sous-traitants d'accéder au service autonome du donneur d'ordre qui les héberge.
En ce qui concerne les services interentreprises, les décrets publiés déterminent les modalités pratiques de leur nouvelle gouvernance, en modifiant la composition, le fonctionnement et les compétences de leurs organes internes.
Ils définissent également le régime du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, l'une des innovations majeures de la loi. Si, aux termes des décrets publiés, le contenu de ce contrat apparaît très large, il devra indiquer avec précision la programmation des différentes actions, les moyens mobilisés pour les mettre en oeuvre ainsi que les modalités de leur suivi quantitatif et qualitatif.
S'agissant de l'ensemble des services, autonomes et interentreprises, les décrets publiés procèdent à une importante réforme des règles d'agrément, qu'ils harmonisent et simplifient. Dans le nouveau système de santé au travail, le contenu de l'agrément s'avérera déterminant, puisque celui-ci devra fixer l'effectif maximal de travailleurs suivis par le médecin du travail ou l'équipe pluridisciplinaire, le nombre de médecins affectés à un secteur et pourra prévoir, sous certaines conditions, une périodicité dérogatoire des examens médicaux obligatoires.
Au cours des auditions, la question de l'articulation entre cet agrément et le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens a été évoquée à de nombreuses reprises. Comme l'a expliqué de manière imagée le directeur général du travail, l'agrément constitue le « permis de conduire » des services. De fait, son objet est de fixer le cadre dans lequel le service de santé est autorisé à intervenir pour réaliser les obligations qui incombent à l'employeur en matière de suivi de la santé des salariés placés sous sa responsabilité. Alors que les services de santé au travail bénéficieront, avec les décrets publiés, d'une autonomie et d'une souplesse accrues, il apparaît important de garantir, par un agrément au contenu renforcé, la conformité avec les exigences réglementaires et la qualité des prestations offertes. L'agrément protège en effet juridiquement l'employeur, puisque le contrat d'objectifs et de moyens pourra prévoir des modalités dérogatoires de suivi des salariés.
Au-delà de la réforme de l'organisation des services de santé au travail, les décrets publiés poursuivent la rénovation, engagée par la loi, du statut des personnels qui y concourent. Le médecin du travail se voit ainsi octroyé de nouvelles missions, par exemple en matière de suivi de la santé mentale au travail, et bénéficie d'un renforcement de sa protection statutaire – sujet sur lequel nous avions longuement débattu.
Afin de tenter de remédier au problème de la démographie médicale dans ce secteur, les conditions de recrutement des médecins seront plus ouvertes et les options de remplacement temporaire accrues. Par ailleurs, les décrets publiés élargissent les possibilités de recrutement de praticiens par les services, en leur permettant d'embaucher des collaborateurs médecins, à savoir des praticiens diplômés qui devront acquérir les qualifications requises. Ils accroissent également les possibilités d'accueil des internes, en autorisant les services à employer en stage des étudiants en deuxième cycle d'études médicales.
Deux modifications importantes seront apportées aux conditions d'exercice des médecins du travail. La première concerne la suppression des plafonds réglementaires fixant les effectifs de salariés suivis par médecin, désormais déterminés par l'agrément, ainsi que le nombre d'entreprises que le médecin peut suivre et d'actes médicaux qu'il peut effectuer. Selon la direction générale du travail, ces critères quantitatifs se révélaient peu pertinents, car l'activité du médecin dépend de l'activité même des entreprises, des caractéristiques de leurs secteurs économiques et des risques qui y sont présents.
De plus, le médecin du travail pourra désormais déléguer certaines activités, sous sa responsabilité et dans le cadre de protocoles écrits réglementés par le code de la santé publique, aux infirmiers, aux assistants de service de santé au travail ou aux autres membres de l'équipe pluridisciplinaire.
En ce qui concerne les infirmiers, ils bénéficient de droits à formation accrus et voient leurs missions renouvelées, en particulier par la mise en place d'entretiens infirmiers et la consécration de missions spécifiques.
Quant aux intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), leur cadre d'action est réformé par les décrets publiés, qui leur confèrent de nouvelles missions, renforcent leurs garanties statutaires et substituent à l'actuelle procédure d'habilitation un enregistrement par l'autorité administrative, dont le contenu semble exigeant.
Enfin, le statut d'« assistant de service de santé au travail » remplacera celui de secrétaire médical. Les missions de ces assistants s'étendront au-delà des tâches administratives, puisqu'ils devront contribuer à repérer les dangers et à identifier les besoins en santé au travail, notamment dans les petites entreprises.
Je voudrais, pour terminer, évoquer les nouvelles conditions de suivi médical des salariés telles qu'elles sont définies par les décrets publiés. Le principe d'un examen d'embauche obligatoire demeurera, mais les dérogations seront accrues. La fréquence des examens périodiques obligatoires, fixée normalement à vingt-quatre mois, pourra être modulée par l'agrément du service accordé par l'autorité administrative, sous trois conditions : lorsque seront mis en place des entretiens infirmiers et des actions pluridisciplinaires annuelles, sous réserve d'assurer un suivi adéquat de la santé du salarié, et en tenant compte des recommandations de bonnes pratiques existantes.
Les modalités de la surveillance médicale renforcée seront assouplies, puisque la fréquence des examens à accomplir dans ce cadre diminuera et que la liste des bénéficiaires de cette surveillance sera plus ciblée.
Enfin, les décrets publiés consacrent et systématisent l'examen de pré-reprise. Cette amélioration essentielle du suivi des salariés devrait accroître la coordination entre les acteurs de la prévention, afin de préparer au mieux la reprise du travail et, au-delà, le maintien dans l'emploi.
Comme vous avez pu le constater, un important travail réglementaire a déjà été accompli ; nous espérons que sa mise en oeuvre répondra aux préoccupations des acteurs du secteur que Michèle Delaunay et moi avons reçus.