Notre mission s'est déroulée dans d'excellentes conditions, notamment grâce à l'accueil qui nous a été réservé par nos interlocuteurs et à l'efficacité avec laquelle notre ambassade à Bruxelles a organisé les deux déplacements que nous y avons accomplis.
Nous sommes donc entrés en découverte d'un pays proche mais qu'en fait nous connaissons mal. La Belgique existe, mais quelle est-elle ? Celle des Gaulois ? celle des Francs ripuaires ? Le géographe que je suis relève que la Belgique, c'est 10,5 millions d'habitants répartis sur une superficie équivalente à environ trois fois celle de la région Nord – Pas-de-Calais, soit une densité moyenne de 350 habitants au kilomètre carré. La Belgique est une zone de confluence, notamment parce que plusieurs fleuves européens, grands ou moyens, y ont leur estuaire ; je pense en particulier à l'Escaut, si important dans l'histoire et l'économie de cette région. C'est aussi une zone tampon, ce qui joué sur le caractère des peuples qui s'y sont installés et s'y sont mêlés peu à peu : les Français, les Flamands, les Espagnols, les Anglais, les peuples germaniques, etc.
C'est donc une zone de tous les risques ! Lorsqu'on balaie l'histoire de l'Europe, on voit que la plupart des grandes batailles se sont déroulées dans cet espace, de Bouvines à Waterloo. L'espace belge est une zone qui ne sait pas dans quels bras elle peut se jeter. Il faut attendre la Révolution française et la conquête napoléonienne pour que les choses se figent quelque peu. C'est dans ce cadre qu'une Belgique est intégrée au monde néerlandais ; elle en sort très bientôt, en raison des contraintes qui lui sont imposées : c'est la révolution de 1830.
Mais pour comprendre la Belgique, il faut remonter au Moyen-Âge, au temps des villes-États, Gand, Bruges, Anvers, Namur, qui organisaient alors l'espace politique. Les événements qui se déroulent à cette époque sont le creuset de la Belgique, tout en montrant déjà les germes de la séparation entre les deux parties du pays. C'est le cas de la fameuse bataille des Éperons d'or (1302), au cours de laquelle le comte Robert d'Artois subit une sévère défaite et trouve la mort ; les troupes flamandes, auxquelles se sont d'ailleurs jointes des troupes wallonnes écrasent la chevalerie française. C'est peut-être à ce moment qu'apparaît ce sentiment d'orgueil, qui sera si souvent dénoncé par la suite, et qui sera nourri par les succès économiques des villes du Moyen-Âge.
C'est au XVIIIe siècle que le français acquiert son statut privilégié en Europe : il est la langue des Lumières, il véhicule naturellement les idées de la Révolution française, il subjugue les élites – y compris flamandes –, ce qui explique le refus de la subordination de ces mêmes élites aux Pays-bas. Et lorsque naît la Belgique, en 1830, le français reste la langue des classes dirigeants, flamandes et wallonnes, et les dialectes flamands ne sont considérés que comme une langue ancestrale, mais moquée et humiliée.
Pendant tout le XIXe siècle et le XXe siècle, les Flamands s'efforcent de faire reprendre pied et de redonner une place à leur langue. C'est un processus permanent, qui entraîne de nombreuses évolutions juridico-institutionnelles.
Les questions économiques sont également essentielles. Le développement de la langue est souvent associé à la prospérité et au développement social. Or, la Wallonie étant l'économie dominante de l'espace belge au XIXe siècle, le néerlandais ne trouve pas ses marques. Le déclin de la Wallonie, qui commence à la fin des années 1950, suscite de nouvelles revendications linguistiques, d'autant que la Flandre elle-même s'est engagée dans un rattrapage qui va en faire progressivement l'une des régions les plus riches d'Europe. C'est à cette époque qu'apparaît le différend communautaire portant sur les transferts interrégionaux.
S'agissant des institutions, elles sont, certes, complexes, mais force est de constater qu'elles ont bien fonctionné pendant la crise.
Le sort de la Belgique, aujourd'hui, est lié à un parti et un personnage assez particulier, dont l'importance se nourrit de la fragmentation du paysage politique provoquée notamment par la scission des partis traditionnels. La N-VA a émergé depuis 2001, emmenée par Bart De Wever ; il s'agit d'un parti nationaliste, mais celui-ci ne s'identifie pas à l'extrême droite. Il refuse, par exemple, tout contact avec le Front national français malgré les sollicitations qu'il a reçues de celui-ci.
Je suis persuadé que la N-VA voudra aller jusqu'au bout : pour Bart De Wever, la Flandre doit aller vers son indépendance, avec cette nuance que celle-ci doit se faire dans un cadre européen.