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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 28 février 2012 à 21h45
Mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde de redressement ou de liquidation judiciaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes ici pour examiner une proposition de loi visant à doter la puissance publique d'outils législatifs lui permettant de mener une véritable politique industrielle.

Nous, les socialistes, sommes responsables et, en l'occurrence, sur l'affaire Petroplus, nous avons décidé de voter cette proposition de loi qui doit permettre d'empêcher le détournement d'actifs d'une entreprise défaillante. Il y a eu en effet trop d'exemples de patrons voyous laissant des salariés désemparés et des sites abandonnés.

Le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée, et nous en sommes heureux. Mais pourquoi a-t-il refusé d'utiliser la même procédure pour la proposition de loi socialiste visant à obliger un groupe industriel rentable à vendre à un repreneur un site menacé d'abandon dont il veut se débarrasser si ce repreneur a l'aval du tribunal de commerce ? Pourquoi n'avoir pas donné cette chance aux salariés d'ArcelorMittal à Florange ? J'ai entendu les réponses qui nous ont été apportées par le Gouvernement et par le Premier ministre lui-même, ces jours-ci, par voie de presse ou dans l'hémicycle. On nous dit que notre proposition de loi est absurde. Or c'est à la demande des salariés eux-mêmes que François Hollande, en responsabilité, vendredi dernier, lors de sa quatrième visite en Moselle sur ce dossier, a décidé de déposer cette proposition. Elle est nécessaire pour répondre à l'inquiétude des salariés. Elle est nécessaire aussi parce que ce n'est pas un texte punitif, mais un outil de politique industrielle dont nous avons besoin.

Nous avons tous des exemples en tête de sites industriels laissés en déshérence par de grands groupes rentables dont les actionnaires sont souvent bénéficiaires, qui abandonnent les salariés, les réseaux de sous-traitants, tout un tissu industriel, qui massacrent nos territoires, nos régions et obèrent toute possibilité pour l'État et la puissance publique, avec les collectivités locales, de dresser les grandes lignes d'une véritable politique industrielle.

Il faut réagir. Mes chers collègues, je vous appelle ce soir à la responsabilité. Puisque notre proposition de loi, sans doute parce que son premier signataire en était François Hollande, n'a pas eu le bonheur d'être inscrite en procédure accélérée, nous avons décidé, avec Jean-Marc Ayrault, de déposer sous forme d'amendements les dispositifs que nous souhaitons voir inscrits dans les codes.

En Moselle, ArcelorMittal a adopté une stratégie de désengagement. Vous nous avez dit, monsieur le ministre chargé de l'industrie, que les hauts fourneaux étaient fermés de manière temporaire, mais malheureusement il y a des précédents. À Liège, les hauts fourneaux ont été fermés pendant deux ans de manière temporaire, jusqu'à ce qu'on annonce en novembre dernier qu'ils l'étaient de manière définitive. À Madrid, les hauts fourneaux ont été fermés de la même manière. Au Luxembourg, à Schifflange, à Rodange, les hauts fourneaux, mis en veille, seront eux aussi fermés, au mois de mars. C'est une logique de désengagement industriel d'ArcelorMittal sur l'ensemble du territoire européen qui est à l'oeuvre.

Nous devons réagir face à ce groupe qui a réalisé l'an dernier 2,3 milliards de bénéfices, dont il a retiré 1 milliard pour le reverser aux actionnaires, c'est-à-dire en grande majorité à la famille Mittal. Nous ne pouvons pas laisser la France, l'Europe se dépouiller de leur industrie sidérurgique.

Mittal nous répond que les commandes sont faibles, mais à Florange le parc à brames est rempli, pour approvisionner d'autres sites que Mittal fait tourner à plein régime parce qu'ils lui rapportent plus d'argent. Nous devons nous doter des outils qui nous permettront de récupérer ce site extrêmement efficace. Nous parlons souvent de l'Allemagne : eh bien, l'industrie automobile haut de gamme allemande s'approvisionnait en acier auprès d'ArcelorMittal Florange, en raison de la qualité de ses aciers et de sa main-d'oeuvre.

Nous devons protéger nos territoires et nous doter d'outils de politique industrielle pour protéger le savoir-faire de la main-d'oeuvre – c'est le principal atout de la France : la qualité et l'engagement des salariés et des ouvriers –, sinon nous n'aurons plus rien pour agir face à ces grands groupes. C'est pourquoi nous avons déposé ces amendements, et j'espère, chers collègues, qu'ils recueilleront votre assentiment à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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