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Intervention de Michel Mercier

Réunion du 28 février 2012 à 21h45
Mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde de redressement ou de liquidation judiciaires — Discussion d'une proposition de loi

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, le contexte économique justifie que nous accélérions nos réflexions afin de rechercher les meilleures solutions possibles pour traiter les difficultés de nos entreprises.

Le Président de la République et le Gouvernement se mobilisent pleinement pour défendre et préserver notre tissu économique et les emplois de nos concitoyens. À ce titre, l'engagement des pouvoirs publics pour favoriser les perspectives de reprise des sites industriels est total. M. le ministre chargé de l'industrie y reviendra probablement dans quelques instants.

Dans cette action, la qualité de notre cadre juridique a constitué une priorité tant pour le Gouvernement que pour le Parlement. Je rappelle que la loi du 26 juillet 2005, dite de sauvegarde, a profondément rénové l'ensemble de notre droit des entreprises en difficulté. Elle a été complétée en 2008 et par deux fois en 2010.

Les procédures de sauvegarde et de redressement ont ainsi été améliorées et une réforme de la sauvegarde financière accélérée est venue renforcer l'importance de la négociation entre l'entreprise et ses partenaires. Son objectif est ainsi d'imposer rapidement, dans un délai maximal de deux mois, une restructuration financière pré-négociée et ayant recueilli un large soutien des créanciers concernés, tout en préservant l'activité opérationnelle du débiteur en difficulté.

Cette adaptation très technique de notre droit se poursuit aujourd'hui dans le cadre de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives. Je souligne le travail remarquable de M. le président de la commission Jean-Luc Warsmann dans cette entreprise.

Enfin, je veux rappeler que les règles d'organisation des professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire permettent aux juridictions de faire appel à des auxiliaires de justice fiables, réactifs et efficaces.

Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de toujours veiller à répondre aux situations qui fragilisent nos entreprises : votre proposition de loi, madame la rapporteure, apporte de nouvelles garanties, tout en complétant le dispositif existant.

Chacun de nous sait que le soutien à la compétitivité économique va de pair avec la capacité de nos entreprises à maîtriser les risques juridiques.

Or il n'est pas acceptable qu'à la fragilisation qu'entraîne la crise économique pour certaines de nos entreprises s'ajoute le risque que des tiers parviennent à organiser leur protection en vue d'échapper à la mise en jeu de leur responsabilité. Il n'est pas davantage acceptable qu'ils puissent priver l'entreprise de toute possibilité de répondre à ses obligations en organisant son insolvabilité.

Une société mère installée à l'étranger, qui impose à sa filiale ses choix de gestion, ou un donneur d'ordre, qui exerce sur l'entreprise une influence déterminante, la plaçant en situation caractérisée de dépendance, doivent faire face à leurs responsabilités.

Mais en l'état du droit actuel, s'il est possible de mettre en jeu la responsabilité d'un tiers dans le cadre d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le code de commerce ne prévoit pas la possibilité de solliciter des mesures conservatoires permettant de préserver certains actifs.

En effet, le juge ne peut autoriser de telles mesures urgentes que dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire. Or il est préférable, pour espérer une reprise dans les meilleures conditions possibles – notamment pour l'emploi –, que l'entreprise en difficulté soit placée en sauvegarde ou en redressement plutôt qu'en liquidation.

En prévoyant que le juge peut ordonner des mesures conservatoires dès l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la proposition de loi permet d'agir vite, pour éviter que les entreprises en situation de défaillance ne voient les responsables de cette situation organiser leur insolvabilité et détourner des actifs.

Ces mesures conservatoires permettront ainsi de paralyser l'organisation de l'abandon d'entreprise : elles éviteront que les véritables maîtres de l'entreprise en difficulté, dirigeants de droit ou de fait, puissent faire échapper à la procédure un certain nombre de biens.

Ces mesures seront l'accessoire indispensable à une action en responsabilité au fond – action en extension, en insuffisance d'actifs ou au titre d'une faute ayant provoqué l'état de cessation des paiements –, laquelle nécessite, au regard des exigences judiciaires du débat contradictoire, un délai certain pour aboutir à une décision de justice.

Concrètement, elles permettront, dans l'attente de la décision au fond, de saisir à titre conservatoire les éléments d'actifs de tout dirigeant se trouvant entre les mains de l'entreprise en difficulté.

Ce dispositif, grâce à l'intervention de l'autorité judiciaire, permettra une mise en balance de l'ensemble des intérêts en cause, qu'il s'agisse de ceux de l'entreprise, des propriétaires d'actifs ou des créanciers.

Je remercie la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui a bien voulu adopter des amendements tendant à renforcer la sécurité juridique de ce nouveau dispositif, en visant expressément les biens des seuls dirigeants de droit ou de fait. En effet, il n'était pas question que le texte ait un impact sur les relations commerciales entre une société et ses partenaires.

Une chose est de garantir le paiement d'éventuelles condamnations pécuniaires ; une autre est de trouver des fonds pour éviter que les biens détenus par l'entreprise en difficulté n'entraînent des frais ou ne dépérissent. Afin d'assurer le financement des dépenses rendues nécessaires par la détention, voire la simple conservation de ces biens, votre proposition de loi permet dans des conditions précises et encadrées, toujours sous le contrôle du juge, la cession de tout ou partie des éléments saisis. Placées à la Caisse des dépôts et consignation, les sommes ainsi obtenues permettront de garantir les droits du propriétaire des biens cédés le temps que l'action en responsabilité s'achève.

Toutefois, et dans les limites du respect du droit de propriété constitutionnellement garanti, il apparaissait également nécessaire de prévoir que ces sommes permettent aux mandataires judiciaires, sur autorisation du juge, de faire face aux dépenses nécessaires à l'entretien et à la conservation de ces biens. Ce sera notamment le cas des dépenses permettant de prévenir les risques imminents de pollution liés à ces actifs ; il s'agit d'un exemple concret de gestion d'affaires que nous connaissons par ailleurs dans notre code civil.

Cette proposition de loi apporte ainsi une protection efficace à un grand nombre d'entreprises, notamment aux filiales de groupe, tout particulièrement aux filiales de groupes étrangers défaillants. En plaçant la procédure sous le contrôle du juge, la loi garantit le meilleur équilibre entre les intérêts en cause, tout en donnant aux entreprises en difficulté les meilleures chances de se redresser.

Certains d'entre vous proposent de légiférer sur un dispositif dont nous n'avions pas connaissance ce matin encore. Comme M. Besson a eu l'occasion de l'indiquer lors des questions au Gouvernement, ces amendements, qui portent atteinte à plusieurs libertés constitutionnellement protégées – libertés d'entreprendre et de contracter, droit de propriété –, ne peuvent être adoptés en l'état.

Or notre objectif politique est de permettre l'adoption d'un texte solide juridiquement, qui fait consensus sur le fond et qui permet de répondre à un vide juridique. J'appelle chacun d'entre vous à assumer ses responsabilités.

Préserver la sécurité juridique, garantir celle des affaires, assurer la prééminence de l'intérêt général sont autant d'objectifs qu'il nous faut concilier. L'équilibre est délicat et mérite d'être toujours consolidé. En apportant de nouvelles garanties, en les inscrivant rapidement dans notre droit, nous permettrons que des entreprises déjà fragilisées ne voient pas leur situation se dégrader du fait du comportement irresponsable de certains.

Nous devons tout mettre en oeuvre pour que l'existence de ces entreprises ne soit pas irrémédiablement compromise. La proposition de loi soumise à votre examen permet de compléter notre droit en ce sens. C'est une excellente chose. Je vous invite donc à l'adopter. Je vous remercie.

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