Alors que la législature approche de son terme, je voudrais établir un bilan de nos travaux.
Tout d'abord, les statistiques font apparaître clairement un phénomène qui n'étonnera personne : la croissance très forte des activités de cette commission par rapport à la législature précédente. Le nombre de réunions s'établit à ce jour à 393 sous la XIIIème, contre 271 sous la XIIème, soit une augmentation de 45 % ; la commission a siégé pendant 497 heures, contre 316 heures sous la XIIème (+ 57 %) ; elle a effectué 215 auditions contre 159 (+ 35 %) et publié 33 rapports d'information, contre 16, soit un doublement.
En revanche, le nombre de conventions examinées n'a pas sensiblement varié. Après notre dernière réunion consacrée à des conventions, leur nombre atteindra 253, soit un peu plus que sous la précédente législature (237). Ce score est à rapprocher du nombre de lois promulguées, à ce jour, sous cette législature : 471 ; ce qui fait apparaître que la commission a traité plus de 50 % des lois votées par l'Assemblée.
Les femmes, bien représentées à notre bureau et dont deux d'entre elles ont exercé les fonctions de rapporteur budgétaire, ont très largement participé aux travaux de la commission. On doit toutefois regretter que notre commission ne comporte que neuf femmes, soit 13 % de l'effectif de la commission alors que les femmes représentent 19 % de l'effectif de l'Assemblée.
Au-delà de ces données, je voudrais délivrer quelques observations sur notre travail en commençant par l'examen des conventions.
Ce travail est collectif. La plupart des membres de la commission ont été désignés au moins une fois rapporteur d'un texte. Par ailleurs, notre commission se distingue par la part significative des rapports législatifs confiés à l'opposition puisque un tiers des rapports lui a été réservé.
Compte tenu des contraintes qui lui sont imposées, la commission a parfaitement bien rempli son rôle législatif. La commission n'est pas associée, ni même informée, des négociations de ces accords qu'elle ne peut ni amender, ni assortir de réserves. Nous l'avons souvent regretté. D'une manière générale, l'examen des accords internationaux est de plus en plus méthodique. Les rapporteurs y consacrent plus de temps et les commissaires, plus nombreux aux réunions de commission, posent beaucoup plus de questions ce qui fait de cet examen davantage qu'une simple formalité.
A titre d'exemple, on citera l'approbation de la convention de sécurité sociale avec le Maroc qui a fait l'objet de trois réunions de la commission afin que celle-ci soit pleinement éclairée sur les conséquences financières de ce texte et sur une disposition relative au statut des épouses de polygames.
La commission peut également demander que l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée soit ajournée. Ce fut le cas pour l'accord de partenariat et de coopération avec le Turkménistan que la commission adopta en demandant au Gouvernement de ne pas l'inscrire à l'ordre du jour tant que deux journalistes turkmènes de Radio free Europe arbitrairement détenus ne seraient pas libérés. De fait, ce texte, à ce jour, n'a pas été soumis au vote de l'Assemblée.
L'examen des projets de loi de ratification gagnerait sans doute en qualité si le Gouvernement voulait bien définir à l'avance des priorités d'examen permettant à la commission de mieux organiser son travail. Force est de constater que certains accords attendent des années avant d'être soumis à l'approbation parlementaire alors que d'autres sont déposés dans l'urgence en imposant à la commission des délais très courts. C'est un sujet que j'ai régulièrement évoqué à la conférence des Présidents.
La plupart de ces accords – 194 – ont fait l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique à la demande de la commission ; cependant 57 ont fait l'objet d'un débat en séance, soit un nombre supérieur à celui de la précédente législature (41). Ces débats ont été organisés soit parce que la commission a estimé qu'il convenait que ces accords fassent l'objet d'un débat, soit parce qu'un président de groupe a fait opposition à la procédure d'examen simplifiée. Sous cette législature, les présidents de groupe de l'opposition se sont opposés à neuf reprises à cette procédure. Ce faible taux indique qu'un bon équilibre a été trouvé entre le souci de ne pas encombrer la séance publique avec des textes qui ne soulèvent pas de difficultés et celui de donner à l'adoption de certains textes toute la solennité requise.
Parmi les accords examinés par la commission, on retiendra : le traité de Lisbonne, quatre accords de stabilisation et d'association (Albanie, Serbie, Monténégro et Bosnie), la révision des Accords de partenariat ACP (groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique), le traité franco-britannique relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques qui est l'un des éléments de l'approfondissement des relations franco-britanniques en matière de défense, cinq accords de défense avec des pays africains qui ont redéfini les relations de coopération militaire avec chacun de ces pays, l'accord de défense avec les Emirats arabes unis, sept accords de gestion des flux migratoires avec des pays d'Afrique, 37 accords relatifs à la coopération fiscale qui ont jeté les bases d'une politique active contre les paradis fiscaux, le protocole de Londres sur les brevets européens, l'accord entre la France et l'organisation internationale ITER, l'accord relatif au musée universel d'Abou Dabi, le traité instituant le mécanisme européen de stabilité.
Par ailleurs, le suivi de l'application des conventions se développe. Au cours de cette législature, la commission a procédé à des auditions ayant cet objet s'agissant, d'une part, de l'accord relatif au musée universel d'Abou Dabi, et, d'autre part, des accords relatifs à la lutte contre les paradis fiscaux. Il conviendra à l'avenir de poursuivre ce travail car les effets de ces traités ne pourront être sérieusement évalués que dans la durée.
En dehors des accords internationaux, la commission a examiné pour avis cinq projets de loi et un projet pour lequel elle était compétente au fond : le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'Etat. La commission, sur le rapport de M. Hervé Gaymard, a été à l'origine de trois dispositions importantes : la première a inclus dans la catégorie des établissements contribuant à l'action extérieure de la France l'ensemble des agences existantes ; la deuxième a rendu effective, dans une douzaine de pays, l'expérimentation consistant à rattacher à l'Institut français le réseau culturel à l'étranger ; la troisième a redéfini les périmètres de « Campus France » afin de réunir dans la même structure l'ensemble des bourses du gouvernement français. L'application de cette loi, a fait l'objet d'un rapport d'information.
La commission a publié 43 avis budgétaires. Je salue le travail que nos rapporteurs ont effectué tout au long de la législature. C'est grâce à eux, par exemple, que le coût de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l'étranger a été contenu.
Les activités de contrôle ont pris un essor spectaculaire qui n'est pas d'ailleurs propre à notre commission.
Les auditions ont été beaucoup plus nombreuses, essentiellement parce qu'elles se sont diversifiées. La commission a procédé à 39 auditions du ministre des Affaires étrangères : M. Bernard Kouchner (28) ; Mme Michèle Alliot-Marie (3) ; M. Alain Juppé (8).
Ce nombre est en léger retrait par rapport au nombre d'auditions réalisées sous la XIIème législature (47), mais on ne peut en conclure que les ministres se seraient dérobés à leur obligation de rendre compte de leur action. Tout au plus peut-on regretter que l'agenda du ministre, de plus en plus contraint par des réunions internationales ou des déplacements à l'étranger, ne lui permette pas toujours de venir devant la commission au rythme qui paraît souhaitable. En revanche, les auditions d'autres membres du gouvernement ont été plus fréquentes.
Le nombre de chefs d'Etat et de gouvernement étrangers auditionnés est stable. Ces auditions ont un intérêt surtout protocolaire et contribuent au développement de la diplomatie parlementaire. On peut regretter qu'il ne soit pas plus élevé ; d'autant plus qu'aucun chef d'Etat n'a été reçu dans l'hémicycle sous la XIIIème législature. En revanche, le nombre de ministres étrangers des affaires étrangères auditionnés a très sensiblement augmenté.
Le nombre d'ambassadeurs de France entendus a augmenté de manière très significative. A ces auditions, il convient d'ajouter les petits déjeuners, institués au début de la législature au rythme d'un par mois, qui ont permis aux membres de la commission de rencontrer 30 ambassadeurs de France et 8 ambassadeurs étrangers en France.
Mais le nombre d'auditions qui aura le plus augmenté d'une législature à l'autre est celui regroupé sous la rubrique « autres personnalités ». Se retrouvent ici les auditions de personnalités étrangères, de représentants d'organisations internationales ou d'ONG, de responsables de l'administration du quai d'Orsay, du ministère de la défense, de chercheurs spécialisés. Les auditions de ce type ont été plus nombreuses (65, au lieu de 41) et ont permis d'entendre 107 personnes sur les sujets les plus divers. On remarquera que le nombre de chercheurs entendus est nettement plus élevé que sous la précédente législature.
La commission a doublé le nombre de ses publications de rapports d'information.
Un classement thématique permet de mesurer le champ très large couvert par la commission ; vous le retrouverez dans la brochure qui va vous être distribuée et dans le rapport d'activité de la commission qui sera prochainement publié. La situation de l'Afghanistan a été régulièrement évoquée lors des auditions du ministre des affaires étrangères ; outre le rapport d'information Afghanistan, un chemin pour la paix (MM. Jean Glavany et Henri Plagnol, co-rapporteurs), elle a auditionné de nombreux responsables français et étrangers. A trois reprises, des membres de la commission se sont rendus en Afghanistan.
Cinq rapports d'information ont porté sur le Proche et le Moyen Orient : Quel chemin pour Damas ? (Mme Elisabeth Guigou, présidente – M. Renaud Muselier, rapporteur) ; Processus de réforme et d'adhésion à l'Union européenne de la Turquie (Mme Marie-Louise Fore, rapporteure) ; Les enjeux de la Turquie au XXIè siècle (M. Jean-Marc Roubaud, président – Mme Marie-Louise Fort, rapporteure) ; L'Iran à la croisée des chemins (M. Jean-Louis Bianco, président – M. Jean-Marc Roubaud, rapporteur) ; Face au printemps arabe, l'Iran sans boussole (M. Jean-Louis Bianco président – M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur).
S'agissant des liens privilégiés entre la France et l'Afrique, ils se sont traduits par un suivi attentif de la crise en Côte d'Ivoire et par l'élaboration de trois rapports d'information : Pour un nouveau partenariat entre la France et l'Afrique (M. Jean-Louis Christ, président – M. Jacques Remiller, rapporteur) ; Soudan : l'année de tous les dangers (MM. Serge Janquin et Patrick Labaune) ; nous examinerons très prochainement le troisième, consacré à la situation sécuritaire dans les pays de la zone sahelienne (MM. François Loncle et Henri Plagnol).
L'influence de la France dans le monde a été abordée à travers cinq rapports : L'environnement, nouveau champ d'action de la diplomatie française (M. Jean-Jacques Guillet) ; Le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture (M. François Rochebloine, président – Mme Geneviève Colot, rapporteure) ; Commerce extérieur : les clés de la reconquête (M. Axel Poniatowski, président – M. Philippe Cochet, rapporteur) ; L'Inde, partenaire incontournable de la France (MM. Paul Giacobbi et Eric Woerth, co-rapporteurs) ; France et Amérique latine : de l'amitié au partenariat (M. Jean-Pierre Dufau, président – M. Jean-Luc Reitzer, rapporteur).
Cinq rapports d'information ont été consacrés à des sujets transversaux : Les enjeux géostratégiques des proliférations (MM. Jean-Michel Boucheron et Jacques Myard, co-rapporteurs) ; Bilatéralisme et unilatéralisme : rééquilibrage, complémentarité et intégration (M. Jean-Paul Bacquet, président – Mme Nicole Ameline, rapporteure) ; Rencontre Parlement-IFRI : l'état du monde à la fin de l'année 2010 (M. Axel Poniatowski, rapporteur) ; Les vecteurs privés d'influence internationale (MM. Jean-Michel Boucheron et Jacques Myard, co-rapporteur) ; Géopolitique de l'eau : le défi de la gouvernance (M. Lionnel Luca, président – M. Jean Glavany, rapporteur) ; un rapport sur l'influence culturelle des pays émergents (Mme Chantal Bourragué et M. Didier Mathus, co-rapporteurs) sera examiné avant la fin de nos travaux.
La France et l'Europe ont fait l'objet de sept publications : Avenir de la politique étrangère et de sécurité commune (M. Roland Blum, rapporteur) ; Modifications apportées par le traité de Lisbonne au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne (M. Axel Poniatowski, rapporteur) ; Construire l'Union méditerranéenne (M. Renaud Muselier, président – M. Jean-Claude Guibal, rapporteur) ; L'Europe dans le monde : de la présence à la puissance (Mme Nicole Ameline, rapporteure) ; Bilan de la présidence française de l'Union européenne (Mme Nicole Ameline, rapporteure) ; Quelle réforme pour le budget européen ? (M. Roland Blum, rapporteur) ; Sécurité énergétique : faut-il avoir peur de la Russie ? (MM. Tony Dreyfus et Jean-Jacques Guillet, co-rapporteurs).
Enfin, cinq autres rapports d'information ont porté sur des thèmes divers : Quel avenir pour le Kosovo ? (MM. Jean-Pierre Dufau et Jean-Michel Ferrand, co-rapporteurs) ; La situation dans le Caucase (MM. Christian Bataille et Roland Blum, co-rapporteurs) ; Le plateau continental étendu de Saint-Pierre-et-Miquelon : vers un nouvel espace de coopération (Mme Annick Girardin et M. Louis Guédon, co-rapporteurs) ; La Birmanie va-t-elle changer ? (MM. Roland Blum et Gaëtan Gorce, co-rapporteurs) et le rapport, récemment présenté, sur la situation intérieure en Belgique (MM. Jean-Pierre Kucheida et Robert Lecou, co-rapporteurs).
Par ailleurs, la commission a tenu vingt-deux auditions en relation directe avec les évènements des « Printemps arabe ». Huit d'entre elles étaient des auditions de représentants du Gouvernement ou d'ambassadeurs de France ; huit autres des auditions de personnalités étrangères tandis que quatre étaient des tables rondes avec la participation d'experts de la région. Des délégations de la commission se sont également rendues en Tunisie, en mars 2011, et en Egypte, à la fin du mois de janvier 2012.
Au titre de ses activités de contrôle, la commission a examiné les deux propositions de résolution qui ont abouti à la création de la commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières bulgares. La création de cette commission, présidée par M. Moscovici et dont j'étais le rapporteur, dans un domaine traditionnellement réservé de la politique étrangère, a constitué une première.
La commission des Affaires étrangères a examiné 2 propositions de résolution européenne portant sur les accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la réforme de la gouvernance de la politique extérieure de l'Union européenne.
La commission a également utilisé des instruments de contrôle nouveaux.
Anticipant sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article 13 de la Constitution qui permettent aux commissions de rendre un avis sur certaines nominations par le Président de la République, elle a auditionné le candidat à la fonction de directeur général de l'Agence française de développement.
La commission a également utilisé la possibilité que lui offre désormais la loi sur l'action extérieure de l'Etat de formuler un avis sur les projets de contrats d'objectifs et de moyens (COM) des établissements relevant de cette loi. Elle a ainsi examiné le projet de COM de l'Agence française de développement et assorti son avis favorable du souhait que le partage des dividendes de l'AFD soit plus favorable à cette dernière ; elle a donné un avis favorable au projet de COM de l'Institut français.
Au-delà de ces observations, et de ces données, je voudrais vous dire à quel point j'ai apprécié la qualité de nos relations. Nombre d'entre vous siègent dans cette commission depuis plusieurs mandatures et ont acquis une expérience incomparable sur les sujets internationaux. J'ai été très impressionné par la maîtrise des dossiers de certains d'entre vous, laquelle a contribué à la qualité des travaux de la commission. J'ai apprécié aussi le caractère non partisan de nos délibérations, même lorsque nous traitions de sujets qui nous divisaient.
Je remercie en particulier les membres du Bureau : Martine Aurillac et Renaud Muselier, qui ont été vice-présidents pendant toute la législature, François Rochebloine qui l'est depuis 2009, Elisabeth Guigou, Michel Destot et Michel Vauzelle qui se sont succédé au cours de la période, Jacques Remiller, André Schneider, Didier Mathus, Jean-Pierre Kucheida et Jean-Paul Lecoq, qui ont rempli les fonctions de secrétaires, ainsi que Jean-Marc Roubaud et François Loncle qui ont assuré la liaison entre le bureau de la commission et leurs groupes respectifs. Des remerciements tout particuliers vont à Martine Aurillac qui va terminer son dernier mandat et siège depuis 1993 à la commission des affaires étrangères. J'ai toujours pu compter sur son aide quand j'en ai eu besoin ; elle a fait preuve de la plus grande disponibilité pour me remplacer à la présidence des réunions lorsque je ne pouvais l'assurer moi-même. Je suis sûr d'être votre porte parole fidèle, si je lui adresse en votre nom des remerciements très chaleureux.
Je souhaite bonne route à ceux d'entre vous qui ont fait le choix de ne pas solliciter un nouveau mandat et bonne chance à ceux qui s'engagent dans une nouvelle campagne. Présider la commission a vraiment été pour moi un honneur et un plaisir.