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Intervention de Jean-Louis Christ

Réunion du 28 février 2012 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Christ, rapporteur 10 :

Le projet de loi qui nous est soumis tend à autoriser la ratification de la convention relative à l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), signée à Libreville le 28 avril 2010. Cette convention se substituera à la date de son entrée en vigueur à la convention de Dakar du 25 octobre 1974, elle-même venue modifier la convention de Saint-Louis du Sénégal du 12 décembre 1959 ayant créé l'ASECNA.

Il est important de souligner la particularité de cette agence. En 1959, alors que les anciens territoires d'outre-mer s'acheminaient vers l'indépendance, le ministre Robert Buron proposa à ses collègues africains non pas une coopération bilatérale, mais une structure regroupant autour de la France les nouveaux États afin de gérer ensemble les services assurant la sécurité des vols dans leur espace aérien. La réforme de 1974 a entraîné une politique réussie d'africanisation de l'Agence, avec transfert à Dakar de certains services de la Délégation générale de Paris et nomination d'un Directeur général africain et le remplacement progressif des personnels français par des personnels africains, formés dans les écoles de l'Agence.

Cette référence spécifique que constitue l'ASECNA a été reconnue au plus haut niveau de l'aviation civile internationale avec l'attribution à l'ASECNA du prix « Edouard Warner » décerné par l'OACI en 1992. Ce mode de coopération est un exemple pour d'autres régions du monde, dans lesquelles les États cherchent, dans le cadre du développement de l'aviation civile, à unifier leurs espaces aériens en un « Ciel unique » pour une meilleure gestion du trafic.

L'ASECNA réunit 18 États membres, à savoir, outre la France, le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République centrafricaine, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, la Guinée Bissau, la Guinée Équatoriale, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo et l'Union des Comores. Le siège de l'Agence est à Dakar. L'Agence dispose d'une délégation à Paris et d'une autre à Montréal auprès de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

L'ASECNA assure le service d'information de vol et le contrôle en route, ainsi que le contrôle d'approche et d'aérodrome sur les principaux terrains d'aviation. Elle gère donc un certain nombre d'installations au sol dans le domaine de la navigation aérienne et de la météorologie ainsi que des moyens de lutte anti-incendie. À cette mission « communautaire », peuvent s'ajouter des « activités nationales », telles que la gestion de plateformes aéroportuaires dans le cadre de contrats conclus avec les États. L'Agence gère un espace aérien d'environ 16 millions de km2.Le nombre de vols contrôlés en route en 2009 s'élève à 436 000.

Aujourd'hui, la supervision et l'administration de l'Agence reposent respectivement sur le Comité des ministres et le Conseil d'administration. La gestion financière et technique et l'administration du personnel de l'Agence sont assurées par un Directeur général responsable devant le Conseil d'administration. Depuis 2010, le Directeur général est M. Amadou Ousmane Guitteye, de nationalité malienne, et M. Jean-François Thibault, ambassadeur de France, occupe le poste de Président du Conseil d'administration.

Le budget de fonctionnement 2012 s'élève à 199, 7 milliards de francs CFA (soit 304,4 millions d'euros) et le montant du budget d'investissement s'élève à 71,8 milliards de francs CFA (soit 109,4 millions d'euros) dont 8,6 pour le remboursement du capital de la dette et 63,2 pour les dépenses d'équipements. Le financement de l'Agence repose sur les redevances facturées aux compagnies aériennes, qui lui ont peu à peu permis d'être autonome financièrement. Outre qu'elle ne fournit pratiquement plus d'experts techniques, la France, qui était le seul Etat membre de l'ASECNA la subventionnant, a supprimé sa contribution financière en 2011.

Le texte de la convention de Dakar constituait le talon d'Achille de l'ASECNA. Certaines de ses dispositions n'étaient pas conformes avec des obligations essentielles de l'OACI, en particulier la séparation opérateurrégulateur. De plus, les États membres étaient potentiellement soumis à un risque d'appel en garantie en cas d'accident d'aéronef et pouvaient être considérés comme solidaires des dettes de l'Agence. Enfin, certains textes n'avaient jamais été adoptés, notamment la liste des aérodromes et des équipements et installations. La France n'a pas ratifié la convention de Dakar mais y est liée par une application « à titre provisoire » prévue par la convention elle-même.

En juillet 2006, Mme Brigitte Girardin, Ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, a convaincu le Comité des ministres de tutelle d'engager une révision de la convention. Un Comité ad hoc, composé de cinq administrateurs de l'Agence dont l'administrateur de la France, a été mis en place. Le 12 janvier 2010 le texte final de la Convention révisée a été adopté à Ouagadougou par le Comité des Ministres. Il a été signé à Libreville le 28 avril 2010, par les dix-huit États parties.

La nouvelle convention clarifie et modernise le fonctionnement et les missions de l'ASECNA. Plutôt que de présenter l'ensemble des dispositions de la convention, commentées dans le rapport, je souhaiterais évoquer les différences avec la convention de Dakar.

La première différence réside dans l'existence d'une nouvelle annexe relative au statut international de l'ASECNA et destinée à protéger les intérêts de l'Agence en cas de contentieux dans les différents États parties. Ce statut international donne à l'ASECNA les moyens juridiques d'exercer ses missions dans les meilleures conditions. De plus, l'article 17 de cette nouvelle Annexe détermine la responsabilité de l'Agence en cas de dommage et l'oblige à s'assurer « auprès de compagnies d'assurance notoirement reconnues internationalement comme solvables contre les risques de recours des tiers notamment en cas d'accident aérien ». En outre, l'appel en garantie des États parties dans les procédures engagées contre l'Agence en cas d'accidents est supprimé.

Ensuite, l'Agence est recentrée sur son coeur de mission de « fournisseur des services de la navigation aérienne », comme souhaité par nombre d'États et tout particulièrement par la France. Les activités annexes sont identifiées dans la convention, telles la gestion d'écoles de formation dans le domaine de l'aviation civile ou la participation à la prévention du péril aviaire, aux activités de recherche et de sauvetage et aux enquêtes menées à la suite d'accidents. La gestion des activités nationales devra être définie et encadrée par un contrat type et soumise à l'approbation formelle du conseil d'administration. La création de sociétés spécialisées dans le domaine aéronautique est explicitement prévue, donnant ainsi au Comité des ministres la possibilité d'externaliser des activités.

Troisièmement, les responsabilités des différents organes statutaires sont précisées et complétées. Le Comité des ministres est désigné organe suprême de l'Agence, il définit la stratégie de l'Agence et s'assure de sa mise en oeuvre, il veille aux exigences de sécurité des services fournis par l'Agence ; de plus, il adopte les amendements aux annexes à la convention à l'exception de celle relative au Statut international de l'Agence. Les amendements à ce dernier et au texte de la convention elle-même sont soumis à ratification.

En ce qui concerne les Statuts de l'Agence visés à l'annexe V, la durée du mandat du Directeur général est désormais fixée à quatre ans, le mandat pouvant être renouvelé une fois, contre un mandat de six ans non renouvelable précédemment. De plus, le Directeur général recevra, à l'avenir, lors de son entrée en fonction, une lettre de mission pluriannuelle. En ce qui concerne le Conseil d'administration, celui-ci est dorénavant assisté par une Commission, officialisant ainsi la commission budgétaire actuelle.

En matière patrimoniale et financière, le régime des biens de l'Agence est complété afin de les sécuriser. En particulier, il est demandé aux États membres de prendre les dispositions législatives et réglementaires permettant à l'Agence de conserver la propriété des biens financés sur les ressources communautaires et situés sur le domaine public de ces États. De plus, en cas de retrait d'un Etat membre de l'ASECNA, le sort du patrimoine immobilier utilisé par l'Agence a été précisé.

Le régime financier de l'Agence est clarifié, ainsi que le rôle du contrôleur financier, d'une part pour assurer une gestion efficace et transparente par une séparation claire de l'ordonnateur et du comptable, d'autre part, pour définir les responsabilités de l'agent comptable et du contrôleur financier et favoriser les contrôles au niveau adéquat pour une organisation internationale. Le régime de comptabilité publique de l'Agence, qualifiée « d'établissement public international » est désormais inscrit dans la Convention.

Enfin, la nouvelle convention s'accompagne d'annexes qui étaient auparavant manquantes. Elle inclut aussi une annexe VII relative au Statut et Code de rémunération du personnel. Ce Statut « unique » s'applique à tous les personnels de l'Agence (environ 6300 agents, de 18 nationalités), à l'exception de quelques agents disposant d'un contrat de droit local et surtout des personnels de la Délégation de Paris (une vingtaine d'agents) qui relèvent, à l'heure actuelle, d'un contrat de travail de droit français.

Au 1er janvier 2012, huit États avaient ratifié et déposé leurs instruments de ratification auprès de la République du Sénégal, Etat dépositaire. Ces États sont : la République de Guinée-Bissau, l'Union des Comores, la République du Mali, la République Togolaise, la République du Niger, la République du Sénégal, la République du Tchad et la République Centrafricaine. C'est plus que le seuil du tiers qui permet son entrée en vigueur au 1er janvier 2013 si tous les Etats n'ont pas auparavant déposé leurs instruments de ratification.

L'heure est venue pour la France de réaffirmer son attachement à cette enceinte multilatérale de coopération Nord Sud en ratifiant la nouvelle convention, négociée à sa demande. Il convient de souligner que la France a intérêt à confirmer sa présence dans cette instance. Elle peut évidemment y jouer un rôle important pour assurer la sécurité aérienne des compagnies, notamment françaises, utilisant les espaces aériens des pays de l'ASECNA. Elle en retire aussi des bénéfices en termes d'influence, l'agence pouvant conforter des positions françaises et européennes en matière d'aviation civile dans les discussions au niveau international. Enfin, les enjeux industriels ne doivent pas être négligés, les entreprises françaises disposant d'un avantage historique à conserver.

Ce sont autant de raisons qui me conduisent à vous proposer d'adopter le projet de loi. Ainsi rénovée et renforcée, l'ASECNA pourra poursuivre dans de bonnes conditions ses activités et s'atteler aux défis de demain en matière de sécurité aérienne.

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