Monsieur le président, madame la Secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons l'habitude de dire qu'il n'y pas de loi sociale sans dispositions particulières pour l'Alsace-Moselle. Ce soir, nous faisons exception à la règle puisque, à une loi centrée sur l'Alsace et la Moselle, nous ajoutons quelques dispositions d'ordre national pour régler des problèmes relatifs au régime social des indépendants et à la mutualité.
La présente proposition de loi a, en effet, pour objet l'amélioration de la gouvernance de notre système de sécurité sociale, à trois niveaux : au niveau local, en Alsace-Moselle, avec la création de la caisse régionale d'assurance retraite et de la santé au travail, la CARSAT d'Alsace-Moselle ; au niveau national, avec la révision de la composition du conseil d'administration de la Caisse nationale du régime social des indépendants et des dates de renouvellement de ce conseil ; enfin avec la modernisation du Conseil supérieur de la mutualité.
Depuis le 1er juillet 2010, les CRAM – à l'exception de la celles d'Île-de-France et d'Alsace-Moselle – ont changé d'identité et sont devenues des CARSAT, caisses d'assurance retraite et de santé au travail.
Ce changement est intervenu à la suite de la création des agences régionales de santé, les ARS, auxquelles ont été transférées les missions auparavant exercées par les CRAM en matière de politique sanitaire et médico-sociale.
Par délibérations de la CRAM d'Alsace-Moselle du 12 décembre 2008, et de la caisse régionale d'assurance vieillesse, la CRAV, d'Alsace-Moselle du 8 décembre 2008, les administrateurs ont voté le principe d'une direction commune aux deux organismes et d'un groupe de travail commun aux deux conseils d'administration. Ces mêmes conseils ont voté, respectivement le 26 et le 29 mars 2010, le principe de la fusion des deux organismes au 1er janvier 2012.
La démarche de fusion de la CRAM et de la CRAV trouve son origine dans la volonté de chaque conseil d'administration de prendre en compte les évolutions contextuelles ayant un impact sur l'exercice des missions des deux organismes, que ce soit sur le plan politique, administratif et réglementaire, à la suite notamment au vote de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires qui a en particulier créé les caisses d'assurance retraite et de santé au travail.
En effet, rapprocher les deux organismes, à l'instar de l'organisation en place sur le reste du territoire français permettra de renforcer la cohérence territoriale Alsace-Moselle, en maintenant un organisme unique et conséquent, fort de 1 100 salariés, au service de 650 000 retraités, de 80 000 entreprises et de 2,8 millions d'assurés sociaux. Ce rapprochement permettra ensuite de préserver la cohésion sociologique, culturelle et historique, en fédérant deux organismes, héritiers et opérateurs du droit local d'Alsace et de Moselle, et de créer, enfin, une synergie entre les missions conjointes, celles de la santé au travail et du maintien dans l'emploi des seniors, et les missions convergentes, celles du service social et de l'action sociale retraite.
Cette fusion aura pour but d'aboutir à une nouvelle entité dont le fonctionnement serait similaire à celui des CARSAT, tout en y intégrant les spécificités locales, issues du droit local d'Alsace-Moselle, notamment la représentation du régime local.
En outre, il est proposé de simplifier les critères d'affiliation des salariés au régime local d'Alsace-Moselle afin de mettre en conformité les pratiques et les textes. Actuellement, l'article L. 325-1 du code de la sécurité sociale dispose que sont rattachés au régime d'Alsace-Moselle non seulement les salariés qui y travaillent, mais également ceux des entreprises ayant leur siège social dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, quel que soit leur lieu de travail en France. En pratique, cette disposition est complexe à appliquer car elle implique une extension du bénéfice du régime à plusieurs milliers de salariés n'ayant aucun lien avec ce territoire et bénéficiant déjà, par ailleurs, d'une protection sociale complémentaire d'entreprise ou individuelle. Il est donc prévu de ne rattacher à ce régime local que les salariés qui travaillent dans les trois départements précités ainsi que les salariés appartenant à un établissement implanté en Alsace et en Moselle, exerçant une activité itinérante dans d'autres départements. Une clause de sauvegarde permet aux salariés qui en bénéficiaient au jour de la parution de la loi de conserver le bénéfice du régime local.
À mon initiative déjà, cet article avait été adopté à l'identique par nos deux assemblées lors de la discussion de la proposition de loi Fourcade, avant d'être censuré comme cavalier législatif par le Conseil constitutionnel. Ce léger retard supposait quelques ajustements formels que la commission des affaires sociales a votés en adoptant quelques amendements de cohérence, notamment pour prévoir la fusion des caisses au 1er avril et non au 1er janvier 2012, ou encore la suppression de la prorogation du mandat des administrateurs, devenue inutile.
Cette fusion est attendue et l'ensemble des acteurs, que ce soient les syndicats d'employés ou d'employeurs ou le personnel lui-même, a beaucoup travaillé pour être prêt pour la fusion dès l'adoption de cette proposition de loi.
L'article 2 vise, quant à lui, à proroger le mandat des administrateurs de la Caisse nationale du régime social des indépendants, afin que leur désignation n'interfère pas avec la campagne présidentielle en cours.
Par ailleurs, il était proposé de réformer le mode de composition du conseil d'administration, qui aurait été composé des « présidents des caisses de base et des personnes qualifiées désignées par l'autorité compétente de l'État ». Nous avons fait le choix en commission de supprimer ces dispositions. En effet, la recomposition du conseil d'administration de la Caisse nationale du RSI aurait pu menacer l'équilibre interprofessionnel ayant jusqu'ici prévalu. Nous avons souhaité que les professions libérales ne soient pas lésées par cette réforme.
Enfin, l'article 3 vise à moderniser le Conseil supérieur de la mutualité. Ce conseil ne s'est pas réuni depuis 2006 en raison de son caractère pléthorique. Nous devons lui redonner son rôle d'instance de dialogue entre la mutualité et les pouvoirs publics. Tout le monde conviendra que c'est absolument indispensable à l'heure où les complémentaires jouent un rôle majeur dans la protection sociale de nos concitoyens. Il est proposé d'en faire une instance plus efficace, dont le Conseil sera constitué en majorité de représentants des mutuelles, désignés par les fédérations les plus représentatives du secteur.
J'ai eu, comme le Gouvernement, de nombreux échanges avec les dirigeants de la mutualité pour aboutir à cette proposition partagée.
En outre, la commission a adopté un amendement visant à proroger le mandat des membres actuels du conseil, pour faciliter la transition avec le nouveau mode de nomination.
Renforcer l'efficacité de la gestion du régime et le service rendu aux assurés d'Alsace-Moselle, améliorer la gouvernance du régime social des indépendants et moderniser le dialogue entre les pouvoirs publics et les mutuelles, tels étaient et restent les objectifs poursuivis par cette proposition de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre ce soir en vue, je l'espère, de son adoption.
Mes chers collègues, je vois sur ces bancs de nombreux collègues d'Alsace et de Moselle. Pour une fois, l'Alsace-Moselle abandonne une spécificité pour se rapprocher du régime en vigueur sur le territoire français, c'est assez rare pour que je le souligne. Mais je pense que nombre de collègues sont convaincus que cela restera certainement une exception à la spécificité que nous cultivons en Alsace-Moselle, notamment en ce qui concerne le droit local et le régime local. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)