Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, enfin la représentation nationale se penche sur la reconnaissance des formations supplétives des forces armées, généralement regroupées sous le vocable de harkis pour les combattants de la guerre d'Algérie.
Alors que la France a déjà, et à juste titre, reconnu les militaires qui ont versé leur sang pour elle et ceux qui se sont engagés dans la Résistance, il est temps de redonner la place qu'ils méritent à ces hommes qui ont donné leur courage et leur sang pour la France.
Harkis, moghazni, tirailleurs, spahis, membres des forces régulières ou des forces supplétives, des groupes mobiles de sécurité, des groupes d'autodéfense et des sections administratives spécialisées, ce sont plus de 200 000 hommes qui courageusement ont choisi de se battre aux côtés de la France.
N'oublions pas qu'au-delà du terrible déchirement d'avoir à quitter ce qui était leur pays, la métropole ne leur a pas réservé le meilleur accueil, le meilleur sort. N'oublions pas non plus que les harkis ont payé de leur sang leur engagement. Les historiens estiment qu'entre 60 000 et 80 000 harkis ont été exécutés après la fin des combats en Algérie et même sur notre territoire métropolitain. Ceux-là ont payé l'ignoble prix du cessez-le-feu du 19 mars, respecté, hélas, unilatéralement.
L'année 2012, année du cinquantenaire de la fin de la guerre d'Algérie est sans doute l'une des dernières occasions que nous ayons d'exercer notre devoir de mémoire et de réparer l'injustice subie par les harkis et leurs familles, victimes d'avoir fait un choix, celui de la France, celui de notre République. Victimes d'avoir cru en la parole de la France. Ce rendez-vous avec l'histoire, si douloureuse et tourmentée soit-elle, la représentation nationale doit l'assumer.
Cinquante ans après la fin de la guerre d'Algérie, était-il nécessaire de revenir sur cette période si cruelle de notre histoire ? Assurément oui !
Oui, car il est insupportable qu'aujourd'hui encore, les harkis puissent être victimes d'injures ou de propos diffamants. Il est encore plus intolérable que ces propos restent impunis à cause d'un vide juridique qui n'offre pas aux harkis et à leurs familles une protection pénale suffisante.
En effet, la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés devait permettre de réprimer pénalement les atteintes portées aux harkis, mais cette protection demeure insuffisante
Aussi faut-il se réjouir de voir cette proposition de loi permettre aux harkis d'être enfin considérés comme faisant partie des forces armées. En effet, cette reconnaissance permettra de condamner les injures et les diffamations dont ils font trop souvent encore l'objet. Par ailleurs, comme l'a rappelé notre collègue Raymond Couderc, auteur de la proposition de loi, cette reconnaissance a le mérite de rendre compte de la réalité de leur engagement militaire.
Je me réjouis également que cette loi permette aux associations de défense des intérêts et de l'honneur des supplétifs de se constituer partie civile. Cette mesure permettra, en effet, de donner une résonance plus importante à d'éventuels recours contre des propos injurieux ou diffamants tenus envers les harkis. J'espère en effet que la justice sera d'une grande sévérité envers quiconque prononcera dans le futur de tels propos. C'est une exigence morale pour notre pays.
Cette loi, la France ne pouvait pas en faire l'économie. Elle répond d'ailleurs à un engagement du Président de la République lors de la campagne de 2007. Elle s'inscrit dans le volontarisme du Gouvernement en faveur des harkis.
À la différence de la version initiale de la proposition de loi, le texte ne fait plus expressément référence aux harkis ni à l'Algérie. Et cela, mes chers collègues, je le regrette, je le regrette amèrement.
Si je suis favorable à ce qu'on assure la même protection à tous ceux qui ont fait le choix de la France dans tous les conflits, si je suis favorable à ce que la meilleure protection leur soit accordée, il faut, mes chers collègues, que la loi, avec la force que nous lui donnons, assume ses choix, assume ses mots.
Ce sont bien les harkis qui sont insultés. Ce sont bien les harkis que nous voulons protéger. Cette loi doit porter le mot harki comme eux-mêmes portent encore notre drapeau. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)