Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte très attendu par nos compatriotes harkis. J'avais d'ailleurs déposé une proposition de loi similaire en septembre 2009, qu'un certain nombre de collègues – dont le rapporteur – avaient cosigné. Je me réjouis que nous puissions enfin aborder le sujet de la protection des harkis contre toute injure ou diffamation.
La loi du 23 février 2005, voulue par Jacques Chirac, portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, a érigé les harkis en groupe protégé par la loi. L'article 5 prohibe ainsi « toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de la qualité vraie ou supposée de harki, d'ancien membre des formations supplétives ou assimilés ». Cet article marque la volonté d'éviter toute stigmatisation envers les harkis et leurs familles.
Cependant, la loi pénale est d'interprétation stricte. Il s'ensuit qu'une incrimination non accompagnée de sanction ne constitue pas une infraction et ne peut donc pas être appliquée par les juridictions.
Il convient donc de sanctionner le non-respect de cette disposition en rendant effective l'application du dernier alinéa de l'article 5, qui dispose que « l'État assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur ».
Lors de l'examen de la loi de 2005, le Gouvernement avait récrit l'article 5 au Sénat, et prévoyait que les auteurs d'injures ou de diffamations subiraient les conséquences prévues par l'article 225-1 du code pénal. La jurisprudence de la Cour de cassation a démontré que la rédaction adoptée par le Parlement était incomplète.
Il convient aujourd'hui d'être vigilants et d'adopter une rédaction qui permette aux harkis et à leurs associations de défense d'exercer leurs droits juridiques de partie civile. C'est pourquoi je défendrai un amendement afin de garantir que ce droit de poursuite pourra être exercé directement à la requête de la partie lésée ou de ses descendants.
Si l'on peut regretter qu'il ait fallu attendre sept longues années pour, enfin, combler les lacunes de notre droit pénal, cette proposition de loi s'inscrit dans l'esprit de la commémoration du cinquantième anniversaire du terrible exode de nos compatriotes français d'Algérie.
Monsieur le secrétaire d'État, en évoquant la cinquantième année de cet exode, je tiens à rappeler ici, solennellement, à la tribune de l'Assemblée nationale, toute mon hostilité à commémorer la date du 19 mars. Rappelons-nous que cette date constitue une offense à la mémoire de toutes celles et tous ceux, particulièrement nombreux, massacrés après le cessez-le-feu de 1962. Ne réveillons pas les douleurs enfouies au plus profond de l'âme et du coeur de nos compatriotes rapatriés. Nous avons vu tout à l'heure, lors de l'intervention de notre collègue Mesquida, combien cette histoire était dans leur coeur et dans leur mémoire. J'ose espérer que la prochaine majorité, quelle qu'elle soit, ne reviendra pas sur la date du 5 décembre fixée par décret en 2003.
Monsieur le secrétaire d'État, le 25 septembre prochain quand je déposerai une gerbe au pied du monument du souvenir de ma commune dédié à nos morts et disparus d'outre-mer, où est gravée la citation de Sully Prudhomme : « Et ceux-là seuls sont morts qui n'ont rien laissé d'eux », j'aurai enfin le sentiment que nous avons aujourd'hui définitivement protégé l'intégrité morale de nos compatriotes harkis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)