Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, notre collègue Mesquida a été émouvant, dans la dernière partie de son intervention. Je crois que nous pouvons rejoindre sur les objectifs. Il a dit qu'il voterait le texte ; je m'en réjouis. Il n'était peut-être pas utile, cependant, de commencer par mettre en cause le Président de la République, en ayant l'air de regretter que ce texte vienne trop tard. Il me semble qu'au moins, c'est à nouveau un moment de consensus que nous vivons. Au nom des mes collègues du Nouveau Centre, je m'en réjouis.
La proposition de loi vise à réprimer la diffamation et l'injure proférées à l'encontre des anciens membres des forces supplétives. Recrutés parmi les populations locales, comme vient de le rappeler notre collègue Mesquida, ces combattants des anciennes colonies françaises furent, pendant de nombreuses années, relégués au rang de victimes oubliées de l'histoire. Avec un courage et une bravoure exemplaires, ils ont pourtant combattu avec fierté sous notre drapeau, sur tous les fronts où la France était engagée. Une fois la guerre finie, ils n'ont pu obtenir la reconnaissance qu'ils méritaient pourtant et qu'ils étaient légitimement en droit d'attendre.
En Algérie, les accords de 1962 signèrent l'abandon des harkis, qui, désarmés, furent laissés aux mains de leurs frères. Ceux qui ont pu rejoindre la France se sont séparés, dans des conditions dramatiques, des terres qui les ont vus naître. Au déracinement s'ajoutaient l'indifférence et le mépris, et ils n'ont pu trouver la réparation de leur engagement pour la France. Ce n'est que tardivement, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, que notre pays a pris la mesure des sacrifices que les forces supplétives avaient consentis pour elle.
Il est toujours délicat, pour une nation, de se tourner vers son passé, en particulier lorsque cela fait resurgir des moments douloureux de son histoire. Il est d'autant plus difficile pour nous, parlementaires, d'aborder ce sujet qu'il est synonyme, pour bon nombre de nos compatriotes, de souffrances et de plaies encore ouvertes. Pour autant, l'histoire doit servir à construire un avenir meilleur pour les générations futures. Elle doit être aussi l'occasion de rappeler que la liberté et la démocratie ne sont pas de vains mots.
En légiférant pour la reconnaissance des souffrances et des sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives, les disparus et les victimes des événements liés au processus d'indépendance, le Parlement, monsieur le secrétaire d'État, ne fait que son devoir.
Cette initiative fut ressentie par les communautés concernées comme un acte fort de la République : la France assume enfin sa part de responsabilité et son devoir de mémoire.
Les centristes, profondément attachés à la cause des rapatriés, ont toujours soutenu le mouvement en faveur de la reconnaissance de ces oubliés de l'histoire. Nous ne pouvons oublier que, dans nos rangs, André Santini fut le premier, en 1986, à prendre en charge cette question des rapatriés.
Le sujet qui fait aujourd'hui débat dans cet hémicycle concerne la répression de la diffamation et des injures proférées à l'encontre des anciens membres des formations supplétives. Aujourd'hui encore, cinquante ans après des drames qui ont marqué notre histoire et nos consciences, ces anciens combattants sont l'objet de propos injurieux. En 2001, le président algérien tenait des propos indignes à l'encontre des harkis. En 2006, un élu de la République faisait de même en traitant les harkis de « sous-hommes ». Dans une démocratie comme la nôtre, il n'est pas acceptable que de tels propos demeurent impunis en raison des lacunes de la législation. Je salue donc l'initiative louable du sénateur Raymond Couderc qui vise à remédier aux incohérences de la législation dans ce domaine.
En l'état actuel de notre droit – vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur –, seuls les propos tenus envers un ancien membre des forces supplétives peuvent être condamnés en application de la loi de 1881. Le groupe de personnes que constituent les formations supplétives étant caractérisé non par l'appartenance à une ethnie ou à une religion, mais par un choix politique, seules les insultes visant un particulier peuvent être sanctionnées. Pour autant, lorsque les harkis font l'objet de propos indignes, c'est bien une communauté touchée par un drame commun qui est visée et qui est donc en droit de demander réparation. Il était temps que l'interdiction de tenir ces propos soit assortie d'une sanction pénale.
Initialement applicable aux harkis et aux anciens membres des formations supplétives ayant servi en Algérie, la proposition de loi a été profondément remaniée par le Sénat. Elle cible désormais les formations supplétives de l'armée sans faire référence aux harkis ni à l'Algérie. Cette dernière version de la proposition de loi respecte ainsi un principe essentiel de notre droit : l'égalité de tous devant la loi.