Je vous remercie de votre soutien.
Une précision, monsieur Tian. Il ne faut pas faire la confusion entre le régime complémentaire d'Alsace-Moselle et le régime général en Alsace-Lorraine qui, comme partout en France, rembourse 70 % des dépenses de santé et qui est aussi déficitaire qu'ailleurs. Le fait d'avoir un régime complémentaire généreux qui rembourse jusqu'à 90 % a même tendance à encourager les dépenses de santé. Dans un autre domaine, celui des arrêts maladie, le fait qu'en vertu du droit local, toutes les entreprises prennent en charge les trois jours de carence en cas de maladie du salarié a un effet déresponsabilisant pour les salariés. En revanche, le régime complémentaire, avec ses 461 millions de budget, couvre 2,6 millions d'assurés et il est équilibré parce qu'il est tenu de l'être. Les gestionnaires peuvent moduler les cotisations et les prestations en fonction de la situation financière du régime. En 2011, les excédents sur les revenus de placement ont permis de baisser les cotisations. Ce régime local est une complémentaire santé obligatoire et solidaire. Et c'est sa force.
Aujourd'hui, nous nous interrogeons tous sur la façon de financer notre protection sociale. Le débat a été engagé à propos de la TVA sociale et de la baisse des cotisations patronales. Jusqu'à présent, nous avons eu recours, pour l'assurance maladie, surtout à des artifices financiers complexes pour maintenir le déficit dans des limites supportables : soit 6 milliards d'euros pour 2012, au prix de contributions importantes puisque nous avons rétabli la taxe de 7 % sur les conventions d'assurance.
Après tout, pourquoi ne pas généraliser un régime qui marche, et qui rembourse l'ensemble des frais de santé à 90 %, y compris les médicaments remboursés à 30 %, la totalité du forfait hospitalier ? Et, parallèlement, développer un financement plus solidaire de l'assurance maladie ? Hier, dans un débat avec la mutualité, j'ai évoqué cette éventualité. Les Français consacrent 31 milliards d'euros environ à leurs complémentaires santé. Les 20-22 % de frais de gestion correspondants, environ 7 milliards d'euros, sont presque équivalents au coût des aides fiscales et sociales au financement de la couverture maladie complémentaire, rangé par la Cour des comptes parmi les niches fiscales. Si cette niche était supprimée, il resterait un financement de l'ordre de 17 milliards d'euros à trouver, soit 1,5 point de CSG. Et le tour est joué. Cela suppose tout de même en amont une assurance maladie beaucoup plus régulée, pour éviter les travers d'un système trop généreux.
Il subsisterait cependant quelques points à régler, comme les dépassements qui ne sont pas du tout pris en charge par le régime local d'Alsace-Moselle, de même que les frais d'optique complémentaire et les frais de prothèse dentaire. Enfin, que faire du reste à charge de 10 % ? Autorise-t-on la couverture du risque par une complémentaire ? Supprime-t-on le ticket modérateur pour les personnes atteintes d'une affection chronique de longue durée et les bénéficiaires de la CMU ? Ce sont autant de questions qui pourraient être à l'ordre du jour des travaux d'un futur Haut conseil pour le financement de la protection sociale. Évidemment, quand j'ai évoqué l'éventualité que je viens de décrire devant les organismes de la mutualité, j'ai jeté un froid… En Alsace, le taux d'adhésion à une assurance complémentaire est d'ailleurs beaucoup plus faible qu'ailleurs.
Il faut mener ce débat du financement de la protection sociale au-delà des frontières de l'Alsace-Moselle. Est-il judicieux d'entretenir un système auquel il faudra tôt ou tard affecter un complément de CSG et de maintenir un système d'assurance complémentaire qui devient de plus en plus onéreux ? J'ai examiné la situation dans ma commune : un fonctionnaire titulaire qui souscrit une complémentaire pour se couvrir lui, son conjoint et deux enfants, doit débourser 148 euros par mois sur un salaire de 1 600 euros bruts. C'est loin d'être négligeable alors qu'un contractuel relevant du régime local ne paiera que 70 euros par mois environ. Le budget de beaucoup de familles est grevé par la complémentaire santé. Encore deux tiers des complémentaires ne prennent-elles en charge à 100 % que les tarifs de la sécurité sociale, si bien que le problème des dépassements reste entier.