On a révolutionné le système de sécurité sanitaire du médicament après l'affaire du Mediator. Sans doute le fallait-il, mais cette révolution a conduit à un excès de précaution qui peut aussi nuire aux malades. Ainsi est-il aujourd'hui extrêmement difficile de soigner les enfants ou les femmes enceintes, pourtant souvent malades, mais chez lesquels presque tous les médicaments sont contre-indiqués, faute d'études apportant la preuve de leur innocuité chez ces deux catégories de la population. Les jugeant insuffisamment rentables ou ne souhaitant pas endosser une responsabilité trop importante, les laboratoires ne les mènent pas. On est donc quasiment obligé de prescrire en dehors de l'autorisation de mise sur le marché en pédiatrie et chez la femme enceinte.
Une autre évolution est préoccupante : du fait sans doute que les médecins prescrivent moins, beaucoup de médicaments, qui n'étaient auparavant disponibles que sur ordonnance, se trouvent maintenant en accès libre et peuvent même faire l'objet de publicité directe auprès du public. C'est le cas de certains anti-inflammatoires utilisés comme antalgiques, dont le principe actif est pourtant dangereux à forte dose, ou bien encore des inhibiteurs de la pompe à protons, potentiellement néfastes chez les personnes atteintes d'un cancer de l'estomac. Toute une pharmacopée est ainsi mise à disposition d'apprentis docteurs. De même, certains patients se soignent d'eux-mêmes par homéopathie, sans jamais avoir consulté quiconque, ce qui peut aboutir à des retards de diagnostic préjudiciables.
Comment faire pour parvenir à soigner correctement tous les malades avec la pharmacopée existante ? Si les laboratoires sont réticents, il faudra bien que les hôpitaux ou des personnes habilitées procèdent aux expérimentations nécessaires. C'est déjà le cas : ainsi a-t-on pendant des années à l'hôpital administré des anti-inflammatoires par voie intraveineuse pour soigner les coliques néphrétiques, alors que cela était interdit en médecine de ville. Un fossé se creuse entre la médecine hospitalière où il est possible de prescrire en dehors de l'autorisation, l'établissement assumant la responsabilité en cas de problème, et la médecine de ville où le praticien, dans la solitude de son cabinet, prend une énorme responsabilité s'il fait de même. Nul n'ignorait que le Primpéran, utilisé comme anti-émétique, ou le Théralène étaient des neuroleptiques qui, à dose trop élevée, pouvaient provoquer des myoclonies. Pourquoi avoir soudain contre-indiqué le Primpéran chez les moins de 18 ans ?