Pas dans tous les ballasts – par lesquels arrivent beaucoup d'entre elles, sachant que 99 % de celles-ci finissent par mourir.
Cela étant, je suis assez d'accord sur l'inertie que vous évoquez, mais cet aspect ne concernait pas notre mission. On observe aussi un véritable retard dans la politique européenne, qui devrait être plus affirmée dans ce domaine.
Monsieur Bignon, je continue à regretter que le transport et l'urbanisme fassent l'objet de politiques séparées, malgré le fait qu'elles incombent au même ministère. En effet, les directions compétentes au sein de celui-ci dialoguent peu, ce qui empêche d'avoir une vision transversale suffisante et explique pour partie l'étalement urbain.
Pour chiffrer la valeur des écosystèmes, on dispose d'études montrant que ceux qui ne sont pas transformés ont une production de biomasse plus importante que ceux qui le sont, sachant que celle-ci n'est pas directement utile à l'homme et que sa valeur monétaire est par conséquent difficile à chiffrer – ce à quoi il faudra remédier. Plusieurs exemples montrent que cela serait utile : lors du tsunami qui a frappé l'Asie du Sud-Est il y a une dizaine d'années, les endroits où les mangroves ont été préservées ont été beaucoup moins dévastés, dans la mesure où celles-ci ont joué un rôle d'amortisseur.
Quant aux études d'impact, elles ne sont, selon moi, pas assez utilisées sur les projets, ni sur les plans et les programmes. En outre, elles restent assez focalisées sur les aspects relatifs au dioxyde de carbone. Nous préconisons donc que ceux concernant la biodiversité soient pris en considération de la même manière. L'étude du Commissariat général au développement durable sur les dépenses fiscales fait ainsi un calcul du bilan coût-avantages seulement par rapport à la tonne de dioxyde de carbone évitée, ce qui conduit à un résultat biaisé, les autres avantages n'étant pas pris en compte. S'agissant de l'étude d'impact des mesures fiscales, j'ai beaucoup regretté que la réforme de la taxe professionnelle n'ait pas davantage intégré les priorités environnementales.
À cet égard, je pense que la France ne respecte pas pleinement la directive relative aux plans et aux programmes, qui prévoit l'instauration d'une autorité environnementale indépendante chargée d'émettre un avis sur les projets, plans et programmes. Une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), rendue à la fin de 2011 à la suite d'une question préjudicielle, vient de confirmer ce point à propos de l'Irlande du Nord, dont l'organisation administrative est assez proche de la nôtre.
Par ailleurs, je ne suis pas responsable du titre du rapport, qui correspond à la lettre de mission ! Je suis d'accord pour dire que toute action humaine a un impact sur la biodiversité : si ces actions sont souvent négatives, elles sont aussi parfois positives, comme certains systèmes agropastoraux qui sont plus riches après transformation humaine. C'est aussi le cas de certaines zones humides qui, si elles cessaient d'être pâturées, seraient embroussaillées, boisées et perdraient de la valeur.
Monsieur Havard, en matière d'étalement urbain, un outil fiscal a été voté, qui entre en application ce mois-ci : le ministère a proposé qu'il soit facultatif, faute de pouvoir le rendre obligatoire. Nous verrons dans quelle mesure les communes l'utilisent. Cela dit, l'idée de le rendre obligatoire dans les zones commerciales ou logistiques ne me paraît pas mauvaise.
Sur ces questions, nous en sommes restés aux aspects touchant aux subventions publiques, conformément à la lettre de mission, mais beaucoup d'entre elles débouchent, on le voit, sur un problème d'organisation administrative de notre pays.
Le problème est que la fiscalité locale est bâtie sur l'artificialisation du territoire, qu'il s'agisse de la taxe sur le foncier bâti, de la cotisation économique territoriale, de la TASCOM, de la taxe d'habitation, de la nouvelle taxe d'aménagement, de l'ancienne taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS), de la taxe départementale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (TDCAUE) ou de la taxe locale d'équipement – lesquelles sont toutes dommageables à la biodiversité –, alors que la taxe sur le foncier non bâti rapporte peu.
La question de la valeur de la terre agricole est fondamentale. Elle en recouvre deux autres : celle de sa valeur vénale et celle de savoir dans quelle mesure on peut en vivre. Le cas de l'exploitant est particulier puisque les subventions constituent une grande partie de ses revenus. Mais les bailleurs tirent une rentabilité nulle voire négative de leurs biens : la seule manière dont ils peuvent se procurer un revenu consiste donc à en changer la destination, en l'urbanisant – ce qui est finalement aussi négatif pour les exploitants. Ils subissent alors une importante taxation sur les plus-values, qui n'aura lieu qu'une fois dans la vie du terrain. Si la tendance actuelle est d'augmenter cette taxation, on pourrait aussi réfléchir à ce que la possession du foncier non bâti ne donne pas lieu à une rentabilité aussi négative. En Allemagne, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, c'est beaucoup moins le cas qu'en France. Ce sujet est complexe car il touche au statut du fermage et au problème des loyers, qui sont très bas en France, notamment par rapport à l'Allemagne – où ils sont deux fois plus importants.
L'outil fiscal peut être utile dans les zones rurales, mais non dans celles où prévaut une concurrence avec l'urbanisation. S'agissant du littoral, je suis partisan d'une politique de socialisation. Il est possible d'obtenir un prix d'équilibre quand l'offre et la demande peuvent se rencontrer : or sur le littoral, nous avons une demande infinie et une offre finie, ce qui entraîne une inflation du prix des terrains. On voit bien que les terres agricoles protégées y coûtent deux ou trois fois plus cher que ceux de la commune non littorale d'à côté – ce qui prouve qu'existe une spéculation sur le fait que ces terrains sortiront un jour du cadre de la loi sur le littoral. La politique fondée sur cette loi et le Conservatoire du littoral me paraît bonne à cet égard.
Peut-être faudrait-il, dans les endroits où existent de grandes tensions foncières, imaginer des solutions de ce type. La région Île-de-France a un schéma directeur régional – le SDRIF –, auquel je suis très favorable : s'il y a eu un débat à une époque sur le fait de savoir si les autres régions devaient avoir un schéma prescriptif, on a finalement choisi de recourir à des schémas non prescriptifs. Mais reste à savoir si des régions comme la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne devraient pas aussi avoir un schéma prescriptif, ce qui pose le problème de la tutelle d'une collectivité sur une autre.
Monsieur Boënnec, je suis d'accord avec vous sur les injustices entre les territoires. La manne entre les communes rurales et les communes urbaines est mal répartie. Le rapport de la Cour des comptes rendu public la semaine dernière consacre à cet égard un chapitre aux communes balnéaires du Languedoc-Roussillon, qui montre qu'elles sont beaucoup plus riches que les autres communes de la même taille, dans la mesure où elles bénéficient de multiples recettes de redevances d'occupation des plages ou de casinos. Une mutualisation de ces recettes ne serait-elle pas normale ? Mais on se heurte là au problème du nombre excessif de communes en France – 36 000 – et du suréquipement en aérodromes et en zones d'activité, qui contribuent nettement à l'étalement urbain : si nous avions 6 000 communes comme l'Allemagne, on aurait moins de concurrence entre elles pour attirer des zones d'activité et ce type de phénomène serait mieux contenu.
S'agissant des embarcations de moins de sept mètres, elles ont une quille moins profonde, qui leur permet d'approcher très près du rivage au printemps, en période de reproduction : elles causent donc un dérangement nuisible à la biodiversité – on le voit par exemple dans la baie d'Arcachon.
Madame Labrette-Ménager, la politique du logement doit être entièrement revue. Elle a été essentiellement axée sur la maison individuelle et l'accession à la propriété, ce qui n'est bon ni sur le plan économique, ni sur les plans social, environnemental ou fiscal.
Toutes les études économiques montrent en effet une corrélation entre le taux de chômage et le taux de propriétaires de résidence principale, en raison d'une mobilité géographique moindre de ceux-ci. D'autant que les droits de mutation, qui s'élèvent à 5,09 %, sont assez importants.
Par ailleurs, la maison individuelle gaspille plus d'espace. Quand on dit aux maires qu'il faut favoriser une plus grande densité urbaine, ils rechignent, pensant qu'on veut leur faire construire des tours. Or, il existe un urbanisme de compromis, qu'il s'agisse de l'individuel groupé ou du petit collectif – que l'on trouve fréquemment en Suisse, en Allemagne, en Angleterre ou en Autriche : ils en ignorent souvent l'existence. Ce mode de construction, qui permet de gagner à la fois en espace et en convivialité, est assez adapté à une France vieillissante, ayant notamment besoin de services de proximité.
La fiscalité actuelle présente en outre un effet pervers : je connais par exemple une commune très riche, qui aurait les moyens de racheter des résidences secondaires – que leurs propriétaires vendent à cause de la crise – pour en faire des logements sociaux ou à prix modérés, mais qui préfère les laisser acquérir par des particuliers afin de percevoir les droits de mutation correspondants.
En Allemagne, où la situation est, il est vrai, différente – dans la mesure où ce pays a une démographie moins dynamique que la nôtre et moins de problèmes de logements –, a été supprimée toute aide à l'acquisition de logement, d'abord en alignant le régime du logement neuf sur celui de l'ancien, puis en mettant un terme à chacun d'eux. Ne restent plus que des aides à la rénovation de l'ancien.
Sur le logement social, je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes rendu public la semaine dernière, qui rappelle qu'on a en effet construit là où il ne fallait pas et que beaucoup de logements ne sont pas occupés. La personne récemment retrouvée dans un logement social, qui était décédée depuis trois ans sans que personne ne s'aperçoive de rien – son loyer et ses factures étant débités par prélèvement automatique – est un fait divers tragiquement révélateur.
Monsieur Kossowski, les parkings n'étaient pas soumis auparavant à la taxe locale d'équipement. La réforme votée l'an dernier, qui entre en vigueur, les soumet à la taxe d'aménagement, ce qui me paraît une bonne chose. Mais le rapport souligne aussi que le taux qui leur est applicable est très différent selon qu'il s'agit de parkings intégrés à une habitation, couverts, ou de parkings découverts. Or les impacts d'un parking sur la biodiversité sont à peu près les mêmes dans tous ces cas : ils seraient même plutôt plus importants pour les parkings non couverts en raison des ruissellements. Nous avons donc proposé de réduire cet écart de taux.
La proposition du Président de la République d'augmenter de 30 % les coefficients d'occupation des sols (COS) me paraît intéressante. Cela étant, je ne suis pas convaincu que cette mesure fera baisser le prix des terrains. Mais elle peut contribuer à accroître à terme la densité des zones intra-urbaines et des villes.
S'agissant du montant global des aides publiques dommageables, nous n'avons pas été en mesure de le calculer et n'avons pas non plus voulu faire de classement hiérarchique. Cependant, l'Allemagne a réalisé une étude plus large sur les aides dommageables à l'environnement en général – publiée après notre rapport –, qui évalue celles-ci à 48 milliards d'euros par an.
Il va de soi, au sujet de notre étude, que les aides publiques que nous avons recensées comme dommageables à la biodiversité ne le sont pas volontairement en tant que telles, mais en raison des effets pervers qu'elles entraînent. C'est la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas situés dans une logique budgétaire de suppression de ces aides mais avons plutôt souhaité voir dans quelle mesure on pouvait réformer leurs modalités d'attribution.
Monsieur Lang, s'il est effectivement tentant de reconstruire sur les friches urbaines pour économiser le foncier agricole, des études montrent que, dans certains espaces périurbains, la biodiversité est plus riche que dans des espaces agricoles très mécanisés. Mais cette question n'entrait pas dans le cadre de notre rapport.
On devrait avancer beaucoup plus rapidement sur la dépollution des sols, qui est une industrie en croissance, en raison des nombreux besoins qui se font jour dans ce domaine en Europe de l'Est ou en Chine notamment. Ce secteur présente d'importantes perspectives d'exportation et nous pourrions y développer un savoir-faire.
Monsieur Pancher, ce rapport est en effet un outil d'aide à la décision.
Il existe des méthodes pour calculer les coûts environnementaux, notamment un Handbook of external costs publié en 2007 par la Commission européenne dans le cadre de la révision de la directive « Eurovignette », un article de ce texte rappelant la nécessité de prendre en compte à terme la totalité des coûts externes dans la tarification des poids lourds en Europe. Cette révision, qui a été adoptée il y a un an et doit entrer en application fin 2013, prévoit la prise en compte de seulement trois coûts externes : la congestion, la pollution de l'air et le bruit – mais non le dioxyde de carbone ou les effets sur la biodiversité.
Cependant, la Suisse a réussi à intégrer la totalité de ces coûts dans sa redevance sur les poids lourds, qu'il s'agisse de ceux portant notamment sur la forêt, l'agriculture, l'eau, les paysages, la biodiversité, le bruit ou les dommages causés aux monuments historiques. Les résultats sont très concluants à la fois sur le plan économique, fiscal et environnemental : le trafic ferroviaire de fret est maintenu – même s'il est vrai qu'il a toujours été important dans ce pays – et l'on observe une augmentation de la productivité du secteur du transport routier, les camionneurs remplissant davantage leurs camions.