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Intervention de Guillaume Sainteny

Réunion du 15 février 2012 à 9h45
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Guillaume Sainteny, auteur du rapport et président du groupe de travail sur les aides publiques dommageables à la biodiversit :

Depuis que notre groupe de travail a rendu son rapport, cinq faits principaux sont venus renforcer son actualité. Le premier est l'accroissement des déficits publics des pays européens et, plus généralement, des pays membres de l'OCDE. Le deuxième est la perte du triple A français, qui fait peser une contrainte budgétaire supplémentaire, non seulement sur la France, mais aussi sur les autres pays européens. Le troisième est la proximité des échéances électorales : l'expérience montre en effet que les réformes fiscales les plus importantes se font en début de mandat ; et cette fois encore, quel que soit le résultat des urnes, notre pays n'échappera pas à une telle réforme. Il faudra donc réfléchir à la place que doit y occuper l'environnement. Le quatrième fait est la parution, la semaine dernière, du rapport de la Cour des comptes. Face aux difficultés budgétaires, ce rapport préconise une diminution sélective de la dépense publique ; en ce domaine, la voie privilégiée jusqu'à présent a été celle de la diminution uniforme des niches fiscales – puisque chacune d'elles, selon la formule de votre rapporteur général du budget, « abrite un chien qui peut aboyer ou mordre ». Néanmoins beaucoup d'économistes, et la Cour des comptes elle-même, soulignent que certaines dépenses fiscales sont économiquement plus utiles que d'autres, qui pourraient donc être supprimées. Le cinquième élément est la publication, à l'automne, du rapport de l'inspection générale des finances – rapport dont nous n'avions pas connaissance lors de la parution du nôtre – sur l'évaluation des dépenses fiscales, classées selon leur degré d'efficience : les moins efficientes seraient les dépenses sociales et celles qui le sont le plus, les dépenses économiques, juste devant les dépenses environnementales.

Depuis plusieurs années, le thème des subventions publiques dommageables à l'environnement est mis en avant par l'OCDE, les Nations Unies, l'Agence internationale de l'énergie et le G20, ces subventions publiques atteignant dans le monde, selon les estimations, quelque 1 500 milliards de dollars par an. Déjà mentionné par la déclaration de Johannesburg en 2002, ce thème a été repris par la stratégie de l'Union européenne pour la biodiversité de 1998 et celle de 2011, ainsi que dans le plan d'action de Nagoya, lequel prévoit la suppression ou la refonte des aides publiques dommageables à l'environnement d'ici à 2020.

Notre pays, qui était resté en retrait, s'est emparé du sujet avec la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) puis de la loi Grenelle 1, notamment de ses articles 26 et 48, aux termes desquels un rapport doit être remis au Parlement sur l'impact environnemental des aides publiques. Quant à la société civile – notamment à travers les organisations non gouvernementales (ONG) –, elle s'est beaucoup moins mobilisée chez nous que dans les pays anglo-saxons.

Notre groupe de travail s'est heurté à un certain nombre de difficultés méthodologiques, qu'il n'est peut-être pas inutile de mentionner. La première est celle de l'acculturation de ses membres : syndicats, représentants d'ONG et de l'administration, élus et personnalités qualifiées. Les deux modes d'intervention traditionnels en matière d'environnement, en France, sont le champ réglementaire et la distribution de subventions publiques ; or l'idée que celles-ci peuvent avoir des effets néfastes sur l'environnement était ignorée de beaucoup de nos membres, ce qui, au moins jusqu'aux deux tiers du calendrier de nos travaux, a créé des difficultés dans la mesure où leurs propositions portaient souvent sur des sujets non spécifiés dans notre lettre de mission : création de nouvelles normes, de nouveaux prélèvements ou octroi de subventions.

La deuxième difficulté tient à la présentation des documents budgétaires, qui ne distinguent pas entre les actions favorables à l'environnement et celles qui lui sont nuisibles. Par conséquent, nos chiffres sont des ordres de grandeur, non des données affinées.

La troisième difficulté est l'absence de définition internationalement reconnue de la notion de « subvention ». Le groupe de travail a opté pour une définition extensive, qui inclut les subventions budgétaires et extra-budgétaires, les dépenses fiscales, les cas de réglementation non appliquée – ou non applicable – et les taxes à taux non internalisants.

Nous ne préconisons évidemment pas de supprimer ou de modifier les subventions recensées. Au demeurant, notre optique n'est pas essentiellement budgétaire : nous n'avons pas à nous prononcer sur les soutiens nécessaires à tel ou tel secteur ; mais si, dans une aide publique donnée, la part des soutiens dommageables à l'environnement dépasse celle des soutiens qui lui sont favorables, nous jugeons souhaitable d'inverser les proportions.

Par ailleurs, certaines aides dommageables à la biodiversité peuvent être favorables à d'autres aspects, économiques, sociaux et même environnementaux. Ainsi, la construction d'une ligne de TGV est une bonne chose au regard de la lutte contre le réchauffement climatique, mais elle nuit à la biodiversité. Les arbitrages incombent évidemment aux autorités politiques.

Notre rapport reprend les cinq causes reconnues d'érosion de la biodiversité : le changement climatique, les espèces invasives, la surexploitation des ressources naturelles, l'artificialisation des milieux et la pollution, notamment chimique.

Une approche géographique nous a également semblé utile, y compris pour les zones concernées par l'aide publique au développement, car la biodiversité y est beaucoup plus riche qu'en France. De même, dans les DOM-TOM, la biodiversité est bien plus riche que dans l'Hexagone et les subventions publiques sont plus élevées. Nos analyses portent enfin sur le domaine maritime – puisque celui de la France est le deuxième du monde – et sur la métropole.

Nous avons formulé environ quatre-vingts propositions ; il serait trop long, bien entendu, de les énumérer toutes. S'agissant du domaine maritime, nous proposons d'assujettir les embarcations de moins de sept mètres au droit annuel de francisation et de navigations (DAFN), puisqu'elles ne le sont plus depuis 2005. Par leurs nuisances, notamment sonores, ces embarcations parfois « surmotorisées » peuvent en effet être nuisibles à la biodiversité, notamment près des côtes lors des périodes de reproduction.

Par ailleurs, compte tenu du succès des exploitations off shore en Guyane et en Méditerranée, nous considérons que la redevance des mines devrait s'appliquer aux exploitations situées jusqu'à 12 milles du rivage, contre 1 mille aujourd'hui ; dans la zone économique exclusive, c'est-à-dire de 12 milles à 200 milles, nous préconisons la création d'une taxe.

Nous avons unanimement jugé que le problème de l'étalement urbain et de l'artificialisation des sols devait être traité de façon urgente. Les manifestations en sont connues : diminution accélérée des espaces agricoles, entraves à la constitution de la trame verte et bleue, disparition de la biodiversité, imperméabilisation des sols, augmentation des émissions de CO2, sans oublier la distension des liens sociaux, avec, notamment, l'exil de personnes âgées dans des pavillons à étages inadaptés.

Les causes de ce phénomène tiennent à trois différentiels de prix. Le premier est celui du foncier intra-urbain et du foncier périurbain ; le deuxième, celui des transports et du logement – puisque, contrairement à ce que répètent à l'envi les médias, le prix du litre d'essence, en euros constants, n'est pas plus élevé qu'en 1960. Une évolution inverse aurait produit un urbanisme plus dense et plus concentré. Enfin, le prix au mètre carré des maisons individuelles est devenu moins cher que celui des logements collectifs, dont l'attrait est de surcroît moindre, si bien qu'il est difficile d'y amener de nouvelles populations. Il ne s'agit certes pas de construire des tours, mais de privilégier des formes d'urbanisme mixte, associant le petit collectif à l'individuel groupé.

Certaines incitations, sans doute motivées par de louables intentions, ont aggravé le phénomène. Ainsi le prêt à taux zéro (PTZ) a-t-il servi à financer, dans trois cas sur quatre, des maisons individuelles en zone périurbaine, où le prix du foncier est moins élevé. Le versement pour dépassement du plafond légal de densité constitue également une incitation directe à l'étalement urbain, de même que les différents régimes d'investissement dans l'immobilier locatif, d'autant que leur zonage ignore les délimitations micro-géographiques, pourtant déterminantes dans le marché de l'immobilier. Il n'est pas normal, à nos yeux, de consentir le même avantage fiscal aux logements situés hors des agglomérations et loin des dessertes de transport qu'à ceux situés en zone urbaine. Ces dispositifs ont favorisé la construction de logements là où il n'y avait pas de besoins – sans parler de la destruction des paysages –, et l'ont par là même empêchée là où il y en avait.

Nous proposons donc un ciblage micro-géographique des mesures de soutien telles que le nouveau « PTZ + » ou du dispositif qui remplacera la loi Scellier. Par ailleurs, 2 millions de logements sont vacants en France. Si le droit de propriété rend difficile toute action en ce domaine, l'administration considère, en s'appuyant sur une jurisprudence du Conseil constitutionnel, que la taxe sur les logements vacants n'est pas due lorsque le coût de remise en état du logement atteint 25 % de sa valeur vénale ; or les frais de remise en état d'un logement étant déductibles des revenus locatifs, la somme effectivement acquittée ne dépasse pas la moitié de ces 25 % – d'autant que, dans certains départements, des propriétaires font apparemment réaliser des devis de complaisance surévalués. Nous proposons donc de porter ce taux à 40 %. Le Conseil constitutionnel lui-même, d'ailleurs, ne fixe pas de montant : il précise seulement que cette part ne doit pas être trop importante.

Les concours de l'État aux collectivités locales font actuellement l'objet d'un contentieux ; le sujet est donc sensible. Ne peut-on néanmoins envisager, dans le cadre de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, de subordonner ces concours aux efforts des communes en matière de densité et de mixité urbaines ?

L'Allemagne s'est interrogée dès 1997, à l'occasion d'un débat au Bundestag, sur l'étalement urbain : elle est ainsi parvenue à en diminuer le rythme, alors que notre pays l'a accéléré. Outre-Rhin, il est obligatoire de préciser, pour la construction de tout nouveau lotissement, la distance avec le bassin d'emploi le plus proche. Cette distance est méconnue en France, si bien que les futurs habitants sous-estiment les frais qu'ils devront engager dans les transports. Je préconise, à cet égard, que l'indicateur retenu soit celui de la distance du logement avec le transport en commun en site propre le plus proche – une gare par exemple –, quitte à y ajouter la mention du bassin d'emploi le plus proche.

Plusieurs députés. Mais il n'existe pas de gare partout. Elles ont été fermées dans les petites villes !

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