Je me réjouis de l'autorisation de publication du rapport de la mission d'information, car ce document de référence permet de rassembler et synthétiser une somme précieuse d'informations sur une question qui est, comme l'a souligné le rapporteur, complexe et caractérisée par une certaine confusion.
Je m'attarderai sur trois points qui me paraissent importants.
Le premier concerne les « emplois mécénés ». Il est aujourd'hui admis que les établissements publics financent des emplois temporaires par des ressources issues du mécénat et qui y sont spécialement affectées ; ces emplois ne s'imputent pas sur le plafond d'emplois des établissements, dont vous savez qu'il tend à diminuer ces dernières années. Il me semble important de préserver cet acquis. Il a certes été récemment critiqué par la Cour des comptes ; sans doute faudrait-il l'encadrer davantage. Il fait aujourd'hui l'objet d'une grande vigilance de la part des contrôleurs économiques et financiers ; il est utilisé avec mesure par les établissements. Ce dispositif me semble indispensable car, comme nous avons pu le constater au Centre Pompidou, les mécènes semblent aujourd'hui moins intéressés par un soutien à l'activité « normale » des établissements culturels et privilégient désormais le financement de projets innovants, pouvant avoir plusieurs dimensions – culturelle, mais aussi éducative ou sociale. Or, ces projets supposent la constitution d'équipes et donc de disposer de ressources humaines suffisantes. De ce point de vue, le mécénat permet d'alléger la contrainte pesant actuellement sur les emplois publics.
En deuxième lieu, je soulignerai la concurrence croissante existant entre les bénéficiaires du mécénat. Je n'ai pas le sentiment que le mécénat d'entreprise soit en phase d'expansion importante ; il me semble plutôt stagner, ou, peut-être, croître très légèrement, alors que les besoins des établissements culturels progressent pour leur part fortement. Ceux-ci sont donc placés en situation de concurrence auprès des mécènes potentiels. Cette concurrence doit porter sur les seuls projets et ne doit pas conduire les établissements à pratiquer un « dumping » éthique en proposant aux mécènes de définir leur programme culturel. Il me semble donc nécessaire d'établir des règles déontologiques communes et de tracer des « lignes jaunes » à ne pas franchir, dans le cadre de « chartes éthiques ». Les entreprises pourraient être incitées à y adhérer par une augmentation du plafond de déduction fiscale ou un relèvement du taux des contreparties admissibles de 25 % à 30 % du montant du don.
Enfin, je pense qu'il nous faut développer le mécénat des particuliers ; je suis frappé de constater, lorsque je m'entretiens avec des confrères directeurs de musées à l'étranger, combien tout le monde croit à cette forme de soutien. Sans doute notre « culture philanthropique » est-elle différente de celle de nos amis anglo-saxons. Les évolutions sont chez nous plus progressives. Mais notre pays accueille un grand nombre de particuliers étrangers qui seraient désireux de soutenir nos institutions culturelles. Un tel mécénat ne pèserait pas sur les finances publiques, puisque la plupart d'entre eux ne sont pas fiscalement domiciliés en France. Nous devons compter sur ce vivier de donateurs. Il nous faut nous doter d'instruments aussi efficaces que ceux dont disposent les musées anglo-saxons.