On compte aujourd'hui environ 1 500 SMP dans le monde dont 30 à 40 seulement en France. Elles emploient environ un million de personnes, sans compter les renforts occasionnels. Nous avons cité plusieurs entreprises françaises, comme GEOS, GALLICE ou Risk&Co…
Les armées ne peuvent pas répondre à toutes les sollicitations. C'est une évidence pour la lutte contre la piraterie, même si la présence des armées ne saurait être remise en cause dans ce domaine.
Au delà, nos forces armées n'ont pas pour vocation d'assurer la protection des intérêts des entreprises françaises à l'étranger et elles n'auraient d'ailleurs pas les moyens de le faire partout.
Enfin, la réforme de nos armées nous conduit à externaliser des tâches de soutien, comme c'est le cas notamment en matière de logistique ou de restauration, voire de maintenance. Le cas de Thales en est un exemple : cette société s'est vue déléguer la gestion des communications de l'OTAN en Afghanistan, mais cela pose la question de la protection de ses salariés, ce qui a mené le groupe à conclure avec le ministère de la défense une convention permettant le déploiement de salariés sous contrat d'engagement à servir dans la réserve (ESR), à l'image de ce que fait le Royaume-Uni avec ses Sponsorded Reserves. L'alternative aurait été de recourir à des contractuels, du type des Contractors Deployed in Operations (CONDO) britanniques, mais ce cadre juridique n'existe pas en France. De tels cas devraient être de plus en plus nombreux, car beaucoup d'entreprises cherchent actuellement à étendre leurs activités dans le domaine de la sécurité, à l'image de Thales, Geodis et de Sodexo et de leur société commune Global (X).
Ainsi, un marché est en train de s'organiser, et les normes s'établissent suivant des modèles anglo-saxons. Si l'on attend encore plusieurs mois, les normes seront définies sans nous et les acteurs français seront exclus de ce marché.
Au-delà, les entreprises anglo-saxonnes recrutent un nombre important d'anciens militaires français, y compris d'élite, estimant qu'ils comptent parmi les meilleurs. Est-ce là la seule perspective de débouchés professionnels que l'on veut offrir à des hommes qui se sont battus pour la France ? Des contrats de travail offshore à l'anglo-saxonne, sans protection sociale ? Ne vaut-il pas mieux leur donner la possibilité de poursuivre une carrière au sein d'entreprises françaises, suivant des pratiques et des règles d'engagement qu'ils connaissent et qu'ils auront à coeur de respecter ? Cela contribuerait d'ailleurs à renforcer les liens entre les armées et nos entreprises.
Il faut donc légiférer rapidement pour permettre le développement de sociétés françaises en établissant un cadre juridique qui permette de contrôler les personnes qui les créent, la provenance de leurs capitaux, ainsi que le niveau de qualification et les règles de recrutement de leurs salariés. On peut ainsi imaginer un régime d'agrément, avec un système de carte professionnelle. Ce cadre doit aussi permettre de contrôler l'activité de ces sociétés, tant a priori – en définissant ce qu'elles ont droit de faire – qu'a posteriori, et le cas échéant in situ.
Enfin, il s'agit bien d'un enjeu stratégique, car il est difficile de croire que les entreprises de sécurité anglo-saxonnes auxquelles des sociétés françaises ont recours se contentent d'assurer la protection des sites : elles contribuent bien évidemment à l'influence de leurs États.
Enfin, il nous faut tenir un débat apaisé sur cette question. Il est nécessaire de légiférer rapidement sur un sujet qui n'a rien à voir avec le mercenariat. L'enjeu réside dans le fait de peser dans la définition des normes qui structureront un secteur en plein développement, de façon à ce qu'elles intègrent nos valeurs militaires, dont nos forces ont souvent donné une illustration par un comportement que toutes les armées étrangères n'avaient pas.