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Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 8 février 2012 à 8h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants :

Non. Il existe trois solutions. La première serait une évacuation aérienne de bout en bout, que nous écartons car elle serait très coûteuse. La deuxième est en effet la route pakistanaise, avec deux passages possibles. La troisième est l'évacuation par voie ferrée par le Nord à travers l'Ouzbékistan ou le Tadjikistan. La FIAS a engagé une négociation avec les pays voisins, qui souhaitent la stabilisation de l'Afghanistan et craignent l'arrivée d'islamistes au pouvoir à Kaboul, et dont la coopération sera indispensable pour l'organisation du retrait des moyens matériels considérables concentrés par la Coalition.

J'en viens à la préoccupation, exprimée de deux manières différentes, par MM. Lecoq et Glavany, sur la réalité de la République d'Afghanistan. La situation est paradoxale. Je le pense sincèrement et les rapports, militaires comme diplomatiques, en attestent : un sentiment national afghan est en train de refaire surface. En réalité, il a toujours existé, en dépit de l'extrême diversité du pays. Les Anglais en ont fait les frais par le passé, les Soviétiques également. L'Afghanistan n'a certes que peu à voir avec un pays fortement centralisé comme le nôtre, héritage de la monarchie capétienne puis de la République. Mais la convoitise de ses puissants voisins, couplée à l'existence d'une monarchie, y a conduit, en dépit du fonctionnement tribal, de l'extrême parcellisation géographique et des diversités ethniques, à forger un sentiment national qui se fait de nouveau jour et que l'on perçoit dans l'armée nationale afghane. Celle-ci est en effet composée à 44 % de Pachtounes, 25 % de Tadjiks, 8 % d'Ouzbeks et 10 % d'Hazaras, qui combattent aujourd'hui côte à côte et reflètent assez fidèlement la composition ethnique du pays.

La même observation vaut d'ailleurs pour la police nationale afghane (ANP). Je dois ici préciser qu'elle joue davantage un rôle de gendarmerie que de police à proprement parler. Quelque 180 gendarmes français forment les policiers afghans à conduire des opérations civilo-militaires, par exemple à effectuer des contrôles parmi la population dans le respect des personnes, ou bien encore à mener des procédures judiciaires dans le but d'établir la vérité. C'est là un métier différent de celui des armes. Si l'armée vise à détruire un adversaire, la gendarmerie vise, elle, à protéger la population.

Que se passera-t-il après 2014 ? Indépendamment des décisions de la coalition, qui ne sont pas encore connues, la France a décidé de signer un traité de coopération qui permettra de garder sur place quatre à cinq cents militaires pour former des soldats et des policiers investis de missions de gendarmerie. Une armée nationale est en train d'émerger dont, en dépit des différences culturelles que la population peut avoir avec les troupes de la coalition, la cohésion naît de l'opposition aux éléments inféodés à des forces extérieures. Il existe, comme le prouve le lieu de négociation ouvert par les talibans à Doha, une demande de débat politique afghano-afghan, y compris avec les talibans, dès lors que ceux-ci sont indépendants de pouvoirs extérieurs. Enfin, et c'est peut-être le plus important, les grandes puissances ont intérêt à ce que l'Afghanistan soit protégé de voisins trop envahissants et que la situation soit consolidée par des traités de coopération. La France en a signé un, l'Italie également. L'Australie, qui est plus important contributeur à la coalition hors pays de l'OTAN, est en passe d'en conclure un elle aussi. Les Afghans savent qu'ils pourront après 2014 compter sur des partenaires. On n'est pas du tout dans la situation de 1989, lors du départ des Soviétiques, venus proprio motu et dont la présence n'était désirée par personne. Les talibans n'ont à l'époque pris le pouvoir que lorsque l'armée gouvernementale n'a plus eu les moyens de payer ses soldats, lesquels ont alors cherché un autre employeur – si je puis m'exprimer ainsi. Une coopération de long terme en matière de formation et d'encadrement, mais aussi financière, est le meilleur moyen de garantir durablement la sécurité. Comme on l'a vu lors des conférences d'Istanbul et de Bonn, les grands voisins de l'Afghanistan, qui ont parfois été ses adversaires par le passé, ne remettent plus en question l'indépendance de ce pays.

Nous sommes aujourd'hui dans une phase de transition, où nous passons le relais à l'armée nationale afghane. Dans les secteurs dont elle a la responsabilité, cette armée n'a pas failli et elle ne faillira pas si elle a l'assurance d'être durablement soutenue. Ceux qui ont choisi de s'engager dans ses rangs sont quinze fois plus nombreux que les talibans : cela ne laisse aucun doute sur le choix de la population afghane.

Je réponds enfin à Mme Adam. Le nouveau logiciel de paie Louvois – logiciel unique à vocation interarmées de la solde – est opérationnel à 99 %. Mais ne subsisterait-il que 1 % de difficultés, comme il est désormais utilisé pour payer les 120 000 hommes de l'armée de terre, cela fait 1 200 cas où un problème a pu se poser. Il reste une cinquantaine de cas difficiles et beaucoup trouvent leur origine dans des erreurs sur les informations administratives, notamment sur les relevés d'identité bancaire. Tous les problèmes individuels sont réglés par les chefs de corps dès lors qu'ils sont identifiés. Le problème plus général de paramétrage du logiciel est en cours de résolution. Je ne nie pas qu'il ait pu y avoir des difficultés mais soyez assurés que nul n'est abandonné.

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