La mesure phare du projet de loi de finances rectificative pour 2012, que nous examinons aujourd'hui, vise explicitement à redonner des marges de compétitivité aux entreprises françaises. Mais elle ne peut pas, pour des raisons juridiques, réserver un sort particulier aux entreprises exportatrices. Paradoxalement, en effet, alors que tout le monde souhaite une industrie exportatrice plus dynamique, si l'on observe de près les charges qui pèsent sur les entreprises nous constatons que les plus imposées sont justement celles qui exportent. Si la réforme de la taxe professionnelle a permis d'alléger considérablement la fiscalité pesant sur l'industrie, qui a pu aussi s'appuyer sur le crédit impôt recherche pour financer l'innovation, la comparaison du taux de cotisations sociales employeurs en France révèle que les secteurs comme la chimie, la pharmacie, ou l'industrie automobile sont ceux qui supportent les charges les plus élevées.
Le dispositif proposé par le Gouvernement est susceptible de corriger cette situation et, comme l'ont indiqué nos collègues rapporteurs, l'emploi industriel devra davantage profiter du dispositif que nous allons voter que de celui de la réduction générale des cotisations sociales. C'est, effet, le déclin de notre industrie que traduit la perte de nos marchés à l'export qui doit aujourd'hui nous mobiliser et imaginer des dispositifs novateurs.
Il faut bien le dire, trop d'emplois industriels ont été perdus en France, depuis dix ans, en grande partie à cause des délocalisations et des pertes de marché des produits fabriqués dans des usines françaises. Dans le même temps, le nombre de chômeurs atteint 2,6 millions de personnes.
Alors que nous ne disposons plus de l'arme de la dévaluation, nous devons réfléchir à une fiscalité anti-délocalisation ciblée qui s'intégrerait dans un véritable projet industriel, s'appuyant, bien évidemment, sur les points forts de notre industrie. Nous devons assumer une politique visant à protéger notre industrie comme ne se privent pas de le faire nos concurrents. Il faut identifier les secteurs où l'industrie française est en mesure de satisfaire la demande nationale. Une fois les secteurs à protéger identifiés, nous pourrions, mais uniquement dans ces secteurs, créer une taxe additionnelle à la TVA dont le produit proviendrait aussi bien des importations que de la production nationale – TVA, taxe carbone... – dans le respect des traités internationaux. Les producteurs nationaux se verraient ristourner, en échange de la garantie de ne pas augmenter leurs prix sur le territoire français, le montant perçu au titre de cette taxe. Il conviendrait d'engager une négociation avec eux pour que cela se fasse sous des formes compatibles avec la législation européenne : par exemple de nouveaux allégements de la fiscalité locale ou de cotisations sociales, la prise en charge de la recherche et de ses équipements lourds ou de la formation professionnelle.
Si nous prenons le cas de l'automobile, la moitié des véhicules achetés en France sont produits par des firmes étrangères. Une majoration de la TVA de 20 %, ou la création d'une taxe carbone spécifique au secteur, conduirait à une augmentation des prix des voitures importées accompagnée d'un laminage des marges des constructeurs étrangers. Nos constructeurs automobiles ainsi que les équipementiers pour la partie qu'ils produisent en France verraient leurs charges allégées d'environ 20 % ; le retour intégrerait les sommes prélevées sur les importations. C'est important. Il leur serait permis d'être beaucoup plus agressifs sur le plan commercial, de prendre des marchés à leurs concurrents étrangers, mais également de mieux traiter leurs équipementiers et sous-traitants situés en France qui bénéficieraient des mêmes allégements de charge.
Dans un domaine aussi chargé de symboles que l'automobile, le fait d'engager cette politique, laquelle doperait la compétitivité de nos constructeurs au détriment des généralistes étrangers, constituerait sans doute un appel à une vision plus constructive en matière d'harmonisation sociale européenne et une vraie gouvernance économique de l'Union européenne.
Christine Lagarde avait, voici quelques années, provoqué un tohu-bohu en dénonçant la politique économique non coopérative de l'Allemagne. Aujourd'hui, il est moins cher de produire un véhicule dans ce pays qu'en France, car les salaires n'ont pas augmenté en Allemagne depuis vingt ans. Dans ce pays riche où il n'existe pas de salaire minimum, il est possible de rétribuer des salariés sur la base de cinq euros par heure.