Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si ce texte marque certes une avancée pour les milliers d'agents concernés par le dispositif d'accès à l'emploi titulaire comme pour ceux dont le contrat sera requalifié en contrat à durée indéterminée, il ne réglera pas pour autant le problème de la précarité dans la fonction publique.
Ce texte souffre, en effet, de nombreuses lacunes, soulignées par la plupart des organisations syndicales.
Tout d'abord, il s'apparente davantage à un plan de conversion de l'emploi public en emploi contractuel qu'à un plan de titularisation proprement dit. Il banalise le recours aux contrats à durée indéterminée en lui faisant perdre son caractère dérogatoire, au risque de porter atteinte aux principes fondateurs de notre fonction publique que sont les principes d'indépendance et d'égalité.
La titularisation est, ensuite, assortie de conditions si restrictives que le dispositif écarte les agents recrutés à titre temporaire et les contractuels à temps incomplet, majoritairement des femmes, qui sont les premières cibles des procédures de recrutements abusives, et les personnels les plus directement exposés aux situations de précarité.
De même, le changement d'employeur au sein de chacune des trois fonctions publiques aura pour effet d'interrompre l'ancienneté, privant du bénéfice du dispositif les très nombreux contractuels contraints de cumuler les emplois auprès de différents employeurs publics successifs.
Enfin, toutes celles et tous ceux qui remplissent les conditions de la titularisation ne seront pas titularisés, puisque le nombre de postes ouverts correspondra aux besoins recensés par les services, et non pas au nombre d'agents concernés.
Bref, ces graves insuffisances laisseront de côté plus des deux tiers des agents précaires, le texte ignorant par ailleurs de trop nombreuses situations, comme celle des enseignants vacataires rémunérés à l'heure sur la base d'un taux horaire inchangé depuis 1989, celle des chercheurs sous contrat, ou encore celle des auxiliaires de vie scolaire.
À vrai dire, ce manque d'exhaustivité et d'ambition s'explique facilement : comment prétendre résorber l'emploi public précaire d'un côté, tout en réduisant drastiquement le nombre de fonctionnaires de l'autre ? L'équation est impossible à résoudre sans l'ambition de redonner à l'État, aux collectivités locales et aux hôpitaux les moyens d'accomplir leurs missions, moyens que le Gouvernement n'a cessé de leur refuser.
Rappelons ici que la Cour des comptes estime à un milliard d'euros par an l'apport net de la révision générale des politiques publiques, quand la seule loi « travail, emploi et pouvoir d'achat » a coûté à l'État près de 20 milliards d'euros en cinq ans.
Comment prétendre, par ailleurs, endiguer le recours aux emplois contractuels alors que les obligations prévues par le texte ne sont assorties d'aucune sanction ? Comment croire que des employeurs ne seront pas tentés de détourner le dispositif en recrutant des agents toujours différents dans l'unique but de n'avoir pas à leur proposer un CDI ?
Ce projet de loi est loin d'être satisfaisant, mais compte tenu des avancées qu'il contient pour les agents concernés, même si ceux-ci sont trop peu nombreux, le groupe GDR s'abstiendra sur ce texte.