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Intervention de Dunya Bouhacene

Réunion du 17 janvier 2012 à 16h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Dunya Bouhacene :

Quelques-unes … Dans les cas de reprises familiales, les évènements interviennent beaucoup plus tôt. Généralement, la jeune femme accomplit d'abord un parcours dans l'entreprise puis met un certain temps à se faire reconnaître comme prochain dirigeant potentiel : on est alors dans le cas de femmes trentenaires.

Les itinéraires individuels sont très variés : il n'existe pas de profil type de patronne de PME de croissance en France, du moins pas à partir des exemples dont nous disposons.

L'accompagnement est un instrument clé pour l'apprentissage des femmes dirigeantes à développer des entreprises de croissance ambitieuses. Il se prépare très en amont, notamment pour acquérir un savoir faire en vue de l'accès à des capitaux externes. Rien ne s'improvise en ce domaine, ni la gouvernance, ni le discours nécessaire pour attirer des investisseurs. Or les femmes sont terriblement « sous-éduquées » en la matière.

Pour quelles raisons ? Du côté des investisseurs, travailler avec une femme relève de la quasi-aberration statistique. Le capital-investissement français est lourdement « intermédié », s'appuyant sur des réseaux d'apporteurs d'affaires qui ne font que très faiblement remonter jusqu'aux sources de financement primaire les entreprises dirigées par des femmes. Car, pour une patronne de PME, devoir à la fois développer son entreprise, s'occuper de sa famille et rechercher des capitaux au travers de réseaux professionnels, représente une quadrature du cercle. Les femmes ne s'attachent que marginalement à la troisième de ces tâches : arbitrant entre court et moyen terme, elles ne tentent pas de passer du temps dans des cercles de dirigeants fourmillant d'apporteurs d'affaires. D'où, a contrario, l'explosion actuelle des réseaux féminins, qui traduit l'absence presque totale de femmes dans les réseaux traditionnels du pouvoir et des affaires.

Les femmes dirigeantes d'entreprises sont également peu identifiées en raison de la tendance de notre pays à amplifier la sous-représentation des femmes à des postes de direction. Les chiffres établis par la HALDE sont éloquents à ce sujet. Dans l'enseignement secondaire, les représentations professionnelles sont très défavorables à la présence des femmes dans des fonctions de hautes responsabilités d'affaires. Les manuels d'enseignement que nous avons observés, placent seulement 24 % de femmes dans 1 400 exemples de situations professionnelles alors qu'en réalité 83 % des femmes de 25 à 49 ans sont en activité. Et selon cette même représentation, la proportion de femmes en situation de direction tombe à 1,5 %, alors que 40 % des cadres français sont des femmes et 7 % des dirigeants de PME. Ainsi, la société « sur-amplifie » la sous-représentation des femmes à des postes de direction. Invisibles, ces femmes deviennent marginales dans la représentation commune.

La question de l'expertise fournit la même démonstration : pour 28 minutes d'interventions orales d'experts, seulement une minute de voix correspond à celle d'une experte. Ce n'est pas le problème de leur expertise qui se pose mais celui de la capacité de la société à entendre celle-ci afin qu'elle puisse circuler : il peut ainsi être rappelé qu'aujourd'hui, les principales écoles de commerce sont à parité de sexe entre leurs élèves, comme pour leurs diplômés – 60 % des places en troisième cycle sont aujourd'hui occupées par des femmes.

Ainsi, un investisseur en capital qui a élaboré un modèle de succès reproduisant ce qu'il a déjà connu ne peut que vendre ce même modèle. Si donc vous introduisiez auprès de lui une jeune dirigeante qui échappe aux cotes préétablies, sa perception du risque s'en trouve considérablement majorée, malgré toutes les dénégations qu'il peut avancer en déclarant qu'il serait enchanté par une plus grande participation féminine.

Comment une catégorie de la société peut-elle donc s'affranchir de représentations dominant sexistes, que nous appelons plus simplement « genrées », et qui ont cours ?

Du côté des femmes, la compréhension des mécanismes du capital-investissement et de la création de valeur a progressé grâce aux interventions d'équipes de private equity qui, déferlant dans nos provinces, ont rencontré des dirigeantes d'entreprise afin de leur indiquer comment on pouvait les accompagner. Le niveau général de connaissance des mécanismes financiers par les femmes s'est ainsi amélioré,

Ainsi, alors que s'est développé en France, au cours des vingt dernières années, l'univers du capital-investissement, dont les modèles, notamment le LBO et la reprise d'entreprise, ont largement circulé, ces modèles ne se sont guère féminisés. De sorte que les femmes demeurent sous informées de ces mécanismes mais sont de plus en plus désireuses de cesser de l'être.

On ne peut à la fois fixer son regard sur un modèle américain ou israélien de jeunes entreprises innovantes à développement rapide et ne pas introduire tous ces éléments quand on parle de projet d'entreprise ou de business plan. La question est, en effet, de savoir comment franchir des paliers de croissance car c'est ainsi qu'une entreprise sécurise son positionnement dans la durée et peut faire face aux attaques d'un concurrent : elle doit reproduire ce qu'elle a déjà réussi, mais cette fois-ci plus vite et plus fort. N‘oublions pas aussi que, d'une façon générale, des PME qui grandissent, créent des emplois et augmentent leurs contributions fiscales.

Nous mesurons l'accès au capital-investissement en comparant notre palmarès et celui du cabinet Deloitte. L'échantillon de PME dirigées par des femmes s'établit entre 12 % et 17 %. Or les premiers éléments dont nous disposons montrent que nous nous situons entre 2 % et 3 % d'opérations de capital-développement, de capital-retournement et de capital-risque sous ses différentes formes dans les entreprises dirigées par des femmes. Un important rattrapage s'impose donc.

Nous devons faire en sorte que les femmes aient de l'ambition et qu'elles disposent des moyens de leur ambition, grâce à une vision à peu près complète de l'environnement de leur entreprise en vue d'établir et de suivre des modèles pérennes.

De jeunes dirigeantes d'entreprise en Israël portent des projets simplement sur papier …

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