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Intervention de Philippe Vigier

Réunion du 13 février 2012 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2012 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous sommes aux prises avec la réalité d'un monde qui change à toute vitesse, traumatisé par une succession de récessions brutales, la violence avec laquelle la crise a frappé l'ensemble des économies de la planète exige d'ériger enfin la question de la régulation du capitalisme financier en priorité absolue. Aux dérives dramatiques de cette finance aveugle, les États doivent opposer la volonté souveraine de ne plus rien laisser passer. De la crise doit surgir un monde nouveau, un monde qui refuse la naïveté et l'insouciance qui, depuis trente ans, ont conduit à déposséder des peuples de leur destin.

Dans cette droite ligne, le Président de la République a annoncé, le 29 janvier dernier, la création d'une taxe sur les transactions financières, aujourd'hui soumise à notre examen avec ce projet de loi de finances rectificative. J'allais dire : enfin ! Au groupe Nouveau Centre, nous avons toujours défendu l'instauration de cette taxe, et nous saluons ce pas décisif vers la moralisation du capitalisme, combat qui doit être partagé par tous sur ces bancs.

Dompter la finance folle, mettre fin au règne de l'argent roi, ce n'est pas une question d'idéologie, mes chers collègues. C'est pourquoi j'avais apporté un soutien sans réserve à la proposition de loi de nos collègues communistes, en avril 2010. Je rappelle à M. Emmanuelli que s'agissant de la taxe sur les transactions en devises qui avait été votée ici même en 2000, le taux était bien à 0 % et qu'un décret en Conseil d'État en fixait le taux maximum à 0,1 %… Il est mal placé pour reprocher la faiblesse du taux proposé aujourd'hui.

Certains, qui ont, avec lyrisme, désigné la finance comme leur adversaire, sont tout d'un coup plus réservés, voire muets, sur cette taxe que la majorité s'apprête à mettre en oeuvre. D'autres considèrent qu'il faudrait aller plus loin, toujours plus loin, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune banque à taxer et que l'on réalise enfin le fantasme de la gauche archaïque : une économie sans banque.

Comme vous tous, je suis conscient qu'il eût été plus efficace que l'ensemble des États membres de l'Union européenne, en particulier de la zone euro, engage ce processus de taxation des transactions financières de manière coordonnée. Ce n'est pas le cas. Pour autant, faut-il se résoudre à l'immobilisme, à l'inertie, à l'impuissance ? Faut-il continuer à se regarder en chiens de faïence et à marteler devant nos concitoyens et concitoyennes combien cette taxe est juste et nécessaire et, dans le même temps, leur expliquer que c'est aux autres de faire le premier pas ?

Pour cette majorité, la réponse est aujourd'hui sans appel : il est inacceptable que les transactions financières soient les seules – je dis bien les seules – à échapper à toute taxation, alors même que l'irresponsabilité du secteur financier a entraîné une crise sans précédent, aux conséquences économiques et sociales que chacun qualifie de désastreuses.

Le Parlement européen a voté le principe de cette taxe ; la Commission en a défini les modalités ; les dirigeants des deux premières puissances européennes se sont engagés publiquement à l'appliquer ; sa création a été inscrite à l'agenda du dernier G 20. C'est aujourd'hui à la France qu'il appartient de faire voler en éclats les conservatismes, de répondre à la frilosité par l'audace, ce dont tous les membres de la représentation nationale devraient se réjouir.

Cela dit, madame la ministre, si le groupe Nouveau Centre salue cette avancée majeure, je souhaite exprimer en son nom plusieurs réserves qui nous amèneront à défendre des amendements visant à améliorer le dispositif.

Tout d'abord, je veux souligner que l'inclusion dans le champ de la taxe de l'épargne salariale et des rachats d'actions dans le but de cession aux salariés pourrait pénaliser les mêmes salariés, alors que nous avons beaucoup fait pour les heures supplémentaires ou les primes d'intéressement. L'investissement sur le long terme correspond, par nature, à la vocation de l'épargne salariale, qui contribue fortement au soutien de l'économie. Ces placements diversifiés en actions permettent également aux salariés de se constituer une épargne en vue de la retraite. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre défendra un amendement pour exclure l'épargne salariale de l'assiette de la taxe.

J'appelle également votre attention sur le seuil fixé par le texte, au-delà duquel le trading peut être considéré comme à haute fréquence : une seconde, quand il est possible aujourd'hui de lancer des ordres automatisés toutes les nanosecondes ! Pour le groupe Nouveau Centre, il est hors de question de justifier la persistance de pratiques qui n'ont qu'un seul but : spéculer sur tout et n'importe quoi, déstabiliser le marché et faire le jeu de quelques traders bien informés. C'est dans cette perspective que nous défendrons un amendement visant à modifier la définition de la haute fréquence et à mieux encadrer ce seuil, qui sera, par la suite, défini par décret. Alors même que les tradings haute fréquence se jouent aujourd'hui à la nanoseconde, encadrer le seuil à une seconde semble totalement anachronique.

Vous l'avez compris, cette taxe sur les transactions financières qui nous est présentée peut être encore améliorée, mais il est urgent d'en voter la création et de franchir le pas. Je me félicite que, sous l'impulsion décisive de notre Parlement, la France puisse être à l'avant-garde et peser de tout son poids dans le bras de fer qui met aux prises États et marchés. L'avenir d'un peuple ne se décide pas dans les salles de marché, c'est le sens de notre initiative. Nous ne sommes pas seuls ; c'est l'opinion publique mondiale que nous prenons à témoin, afin que chacun se retrouve face à ses responsabilités et que les politiques assument enfin leur rôle et leurs obligations en prenant le pas sur la finance.

On ne peut pas demander la régulation des marchés et voter contre une étape importante de cette régulation, je le dis pour nos collègues socialistes. Et à tous mes collègues, sur quelques bancs qu'ils siègent, je dis que nous nous honorerions à souscrire sans réserve à cet objectif, marquant ainsi d'une pierre blanche cette étape dans la lutte contre la dérive des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

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