…la France l'a laissé dériver, abordant la crise en étant déjà en déficit excessif.
La suite en découle. L'Allemagne a autant souffert de la crise que la France, mais tout au long, elle a à peine dépassé la barre des 3 % de déficit. Aujourd'hui, elle est à 1 % quand nous sommes à 5,3 %. Cet écart résulte des politiques qui ont laissé dériver les déficits quand il fallait les réduire.
La dette publique aura augmenté de 350 milliards sous Jacques Chirac et de 550 milliards sous Nicolas Sarkozy. Vous allez m'objecter que ce dernier était Président quand est survenue la crise. Alors, soustrayons les déficits dus à la crise, lesquels sont, selon la Cour des comptes, de l'ordre de 40 milliards par an – au maximum. Enlevons, pendant quatre ans, 40 milliards de déficit : il reste plus de 400 milliards d'augmentation de la dette. Même sans la crise, Nicolas Sarkozy aurait battu un record d'augmentation de la dette. Voilà la réalité des chiffres !
Nicolas Sarkozy aura aussi battu un record en matière de chômage. Là encore, la comparaison avec l'Allemagne permet de relativiser l'effet de la crise. L'Allemagne, qui aborde avec pragmatisme la question du temps de travail, a utilisé tous les instruments à sa disposition pour empêcher la hausse du chômage. S'agissant de la réduction du temps de travail, je rappelle que la durée hebdomadaire moyenne du travail des salariés en France est de 38 heures en France et qu'elle n'est que de 35,5 heures en Allemagne. Surtout, les Allemands ont utilisé ce qu'ils appellent le Kurzarbeit, c'est-à-dire le chômage partiel, qui permet aux salariés de rester dans l'entreprise plutôt que de se retrouver au chômage.
La France, au contraire, s'est payé le luxe, dans cette crise, de subventionner les heures supplémentaires, ce qui n'avait déjà pas grand sens en 2007, mais est devenu une absurdité totale avec l'augmentation du chômage.
Résultat : alors que nos deux pays avaient le même taux de chômage à la veille de la crise, à l'été 2008 – 7,5 % en taux de chômage harmonisé –, le nôtre a atteint 9,8 % à la fin de 2011, contre 5,8 % pour l'Allemagne.
Il est donc possible de traverser la crise sans connaître une explosion du chômage. Si notre pays a connu une explosion du chômage, c'est que toutes vos politiques ont consisté à aggraver la situation dans ce domaine.
La stagnation de l'emploi conjuguée à la quasi-stagnation des salaires aura abouti à ce résultat que c'est le seul quinquennat depuis vingt-cinq ans à avoir connu une baisse du pouvoir d'achat des ménages individuels.
J'ai calculé à partir des données trimestrielles de l'INSEE l'évolution moyenne du pouvoir d'achat du revenu disponible, sous chaque gouvernement. Le pouvoir d'achat moyen d'un ménage augmentait de 0,9 % par an pendant le deuxième quinquennat Chirac, de 2,2 % par an sous la législature Jospin, de 0,3 % sous les gouvernements Balladur et Juppé, et de 1,1 % sous les gouvernements de gauche du second septennat Mitterrand. Un seul quinquennat aura conduit à une baisse du pouvoir d'achat, c'est celui du Nicolas Sarkozy, durant lequel il aura baissé de 0,1 % par an en moyenne.
J'en viens à la compétitivité.
La France connaît aujourd'hui un déficit extérieur sans précédent – selon les instruments de mesure, il s'élève à 70 ou 75 milliards d'euros –, alors qu'elle enregistrait entre 1995 et 2002 des excédents compris entre 20 et 30 milliards d'euros. Si l'Allemagne a 150 milliards d'excédents et la France 75 milliards de déficit, ce n'est pas en raison du niveau des salaires – ils sont identiques dans les deux pays –, ni du temps de travail, puisque les Allemands travaillent moins longtemps que nous, mais d'une politique industrielle qui n'a jamais faibli.
L'absence de politique industrielle en France depuis dix ans laisse béantes les deux grandes faiblesses de notre industrie : tout d'abord, l'écart trop important entre les grandes entreprises, parfaitement insérées dans la mondialisation, et les petites et moyennes entreprises, peu présentes sur les marchés extérieurs ; ensuite, une gamme de produits trop peu sophistiquée, ne reposant pas suffisamment sur l'innovation, ce qui rend les exportateurs français, plus que d'autres, vulnérables aux variations de prix, donc du cours de l'euro, ou à l'évolution des coûts salariaux.
En un mot, le formidable déficit de compétitivité français est d'abord un déficit de stratégie industrielle. C'est pourtant la fausse piste de la TVA dite « sociale » que lance Nicolas Sarkozy à la veille des élections.
Comment le Premier ministre et vous-même, monsieur Baroin, pouvez-vous défendre cette mesure, alors que vous faisiez un tir de barrage contre ce projet quand Jean-François Copé l'a relancé en février 2011 ?
François Fillon faisait valoir qu'il était incohérent d'augmenter la TVA puisque l'Allemagne, après une augmentation de TVA de trois points, avait rattrapé le niveau français : 19 % en Allemagne, contre 19,6 % chez nous.