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Intervention de Denis Huneau

Réunion du 7 février 2012 à 18h00
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-france

Denis Huneau, directeur général de l'établissement public de sécurité ferroviaire, EPSF :

L'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) exerce, pour le compte du ministère chargé des transports, les fonctions dévolues à l'autorité nationale de sécurité ferroviaire au sens de la directive 200449CE concernant la sécurité des chemins de fer communautaires.

Sa création, en 2006, a répondu à la nécessité, pour l'État, de disposer, dès lors que les réseaux ferroviaires étaient ouverts à la concurrence, d'un organisme réunissant les compétences nécessaires en matière de sécurité ferroviaire, de façon à en assurer le contrôle, tout en étant indépendant des opérateurs.

L'EPSF n'écrit pas la réglementation. Celle-ci reste de la responsabilité de l'État. Par ailleurs, ce que la culture commune de la SNCF et de la RATP appelle réglementation n'est pas ce qui est dénommé comme tel en droit. Pour les cheminots et les agents de la RATP, le terme de « réglementation » désigne les dispositions mises en oeuvre par leur entreprise pour respecter les règles juridiques. Il ne s'agit pas forcément de ces règles elles-mêmes. Le travail de l'EPSF, c'est d'abord de délivrer les autorisations nécessaires à la sécurité, nous sommes en quelque sorte « le Service des Mines » du chemin de fer, et de s'assurer, au moyen d'audits et de contrôles, que leurs dispositions sont respectées, et cela en garantissant une égalité de traitement aux opérateurs. Ces autorisations concernent la mise en service des matériels roulants et les infrastructures majeures ainsi que leurs modifications les plus notables. Nous accordons aussi aux entreprises ferroviaires les certificats de sécurité qui leur sont nécessaires pour exploiter des services de transports en toute sécurité. Une entreprise ferroviaire ne peut accéder au réseau d'un gestionnaire d'infrastructure que si elle dispose du certificat de sécurité requis.

Nous contrôlons également ce que fait le gestionnaire d'infrastructure. Nous vérifions ainsi que RFF entretient ou fait entretenir les installations dans des conditions qui garantissent le niveau de sécurité exigé.

La sanction la plus forte dont nous disposons est le retrait des autorisations. Nous pouvons cependant aussi limiter, pendant un temps donné, le nombre de trains passant sur une voie ou encore leur vitesse. Après analyse, nous avons retiré l'autorisation de circulation de wagons dont un modèle – assez ancien – avait été impliqué dans un accident. Nos agents sont assermentés.

Le champ d'intervention de l'EPSF couvre le réseau ferré national (RFN) et la partie française de la section internationale Perpignan-Figueras. Il pourrait évoluer : selon la loi, les compétences de l'EPSF peuvent être étendues, par décret, à d'autres réseaux présentant des caractéristiques d'exploitation comparables.

L'EPSF a aussi une mission d'immatriculation des véhicules ferroviaires : il donne une sorte de « carte grise » aux wagons et locomotives. Depuis 2011, nous délivrons les licences – autrement dit, « les permis de conduire » – désormais exigées par la réglementation pour les nouveaux conducteurs. Aujourd'hui, seuls sont concernés les conducteurs récents circulant sur le réseau international. À partir de 2013, les nouveaux conducteurs, et, à partir de 2018, tous les conducteurs, seront astreints à posséder cette licence.

L'EPSF est un établissement public administratif (EPA), autorisé à recruter des personnels de droit privé. Le pouvoir de délivrance et de retrait des autorisations est attribué à son directeur général, sous une légère tutelle du ministère chargé des transports. Le ministre ne peut en effet que demander la confirmation écrite d'une décision : il n'a pas le pouvoir d'exiger sa modification ou son retrait.

L'autonomie financière de l'EPSF est garantie par la perception d'un « droit de sécurité », qui représente un pourcentage du montant des péages versés à RFF par les entreprises ferroviaires. Le montant de ce droit, versé sans passage par le budget de l'État, était en 2011 de 16,9 millions d'euros.

L'EPSF dispose d'une centaine de salariés, basés à Amiens. Une quarantaine d'entre eux sont habilités à réaliser des inspections.

Autorité de sécurité pour le réseau ferré national, l'EPSF n'intervient directement que sur les parties du RER qui en relèvent.

Pour moi, en pratique, ce qui définit une ligne de RER, c'est qu'elle traverse Paris. C'est le cas des lignes des RER A, B, C et D. Ce devrait finir par l'être pour la ligne E. C'est cette caractéristique qui distingue les lignes de RER des trains de banlieue traditionnels – désormais dénommés aujourd'hui Transiliens.

La conception des RER est celle de lignes qui se concentrent en un tronçon commun central. Cette caractéristique peut rendre assez difficile l'exploitation desdites lignes : celles de la ligne C du RER peuvent atteindre, de bout en bout, quelque 200 kilomètres. Cela dit le champ de notre intervention, c'est la sécurité. Or, les difficultés d'exploitation ne concernent pas forcément celle-ci ; elles ne sont pas anti-sécuritaires par nature.

Le champ juridique de notre compétence nous amène à intervenir sur la totalité des lignes C, D et E ainsi que sur les secteurs Ouest du RER A et Nord du RER B.

Cela dit, dès qu'un matériel exploité par la RATP circule sur la partie des lignes qui relèvent de notre compétence, il doit être autorisé par nous. Nous vérifions alors sa compatibilité avec les systèmes de sécurité que nous contrôlons. Nous avons ainsi autorisé, le 20 octobre 2011, le modèle MI09.

Nous avons aussi vérifié les systèmes d'habilitation des conducteurs de la RATP qui circulent sur la ligne B. Nous nous sommes assurés qu'ils disposent en permanence de compétences équivalentes à celles des conducteurs circulant sur le réseau ferré national.

Si nous avons entendu parler du projet NExT, nous ne sommes saisis aujourd'hui que d'un projet de première étape de dossier de sécurité. Il est en effet assez logique qu'un demandeur ne nous présente son projet qu'une fois qu'il sait qu'il disposera du financement nécessaire pour le mener à bien

En droit communautaire, la définition de l'interopérabilité est presque inverse de celle que nous sommes chargés de vérifier. L'interopérabilité au sens communautaire consiste à permettre aux trains qui viennent de l'étranger de rouler de manière aisée sur les voies françaises. Les lignes à grande vitesse les plus récemment construites en France sont réputées interopérables ; aujourd'hui, alors que l'environnement technique y change du tout au tout, un train ne s'arrête pas à la frontière franco-belge.

Le premier niveau d'interopérabilité consiste à conserver le même conducteur du début à la fin du parcours, et de n'en changer qu'au terminus ou au moment de sa pause. Si ce niveau d'interopérabilité peut créer des difficultés d'organisation, il n'en pose pas en matière de sécurité : ainsi, les conducteurs du Tram Train de Mulhouse sont formés pour conduire sur la section ferroviaire.

Ensuite vient ce qu'on appelait autrefois le mouvement des trains. Aujourd'hui, les aiguillages d'une ligne peuvent très bien être gérés successivement par des aiguilleurs de la RATP puis de RFF. Nous vérifierons cependant le niveau de sécurité offert ; que deux aiguilleurs situés côte à côte ne se parlent pas peut aboutir à une très mauvaise régulation.

Le projet de PC unique du RER B – qui sera géré par quelques dizaines de personnes – nous est présenté dans la mesure où il modifie l'organisation de la régulation, et donc de la commande des aiguillages. Il a pour objectif de constituer une sorte d'unité de pilotage et de régulation de la ligne. Le point le plus sensible est non pas la création de l'unité technique de pilotage, mais l'élaboration de la stratégie qu'il sera demandée à ses personnels d'appliquer en cas d'incident – c'est leur raison d'être.

Au-delà de sa section centrale, le mode d'exploitation du RER est très proche de celui du chemin de fer. Ainsi, la circulation de trains de fret à Maisons-Laffitte implique une infrastructure partagée, et donc une gestion différente de celle d'une infrastructure dédiée. Or la culture de la RATP est à la base une culture de métro. Mais le métro, c'est presque un train électrique ! La commande des trains s'y fait depuis un pupitre. Au contraire, le chemin de fer traditionnel est composé de trains conduits par des conducteurs qui doivent respecter une signalisation. Le regroupement de ces deux mondes peut poser des difficultés. On le voit en gare de Nanterre Préfecture, où ils se retrouvent. Et il s'agit non pas seulement de différences culturelles mais de modes d'exploitation différents entre deux mondes ferroviaires qui ont chacun leur légitimité. Or, la règle communautaire prévoit l'ouverture à la concurrence de voies de la ligne A du RER, et donc le passage de trains de fret sur ces voies, considérées comme faisant partie du réseau ferré national (RFN).

NExT est la mise en oeuvre de l'idée de RFF et de la SNCF de constituer un mode de gestion proche de celui du RER, autrement dit de créer une exploitation dédiée, de type « métro ». Un tel mode d'exploitation est plus performant que le standard communautaire. En effet, l'interopérabilité au sens communautaire – autrement dit l'accueil de locomotives et de trains provenant d'un peu partout en Europe – conduit, en termes de débit, à de moins bonnes performances que la constitution de systèmes dédiés. NExT aboutit à refuser l'ouverture de la section centrale de la ligne E du RER aux transits autres que ceux du RER. La seule différence par rapport aux RER actuels est que son exploitation – ce projet devrait voir le jour en 2020 – ne sera pas effectuée sous le système SACEM, développé dans les années 1980. J'ai aussi entendu dire que ce nouveau système devrait par la suite être transposé à la ligne B du RER. C'est RFF qui installera les installations au sol et qui sera gestionnaire du trafic au quotidien.

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