Je suis très heureux de m'exprimer devant vous pour vous présenter ces deux traités, qui reposent sur un principe simple. D'un côté, les membres de la zone euro doivent mettre en place des mécanismes de solidarité, compte tenu du fait qu'ils sont solidaires les uns des autres – l'exemple de la Grèce a été particulièrement édifiant – et défendre collectivement notre monnaie unique au travers du MES, aussi appelé « fonds monétaire européen ». De l'autre coté, la première des solidarités que l'on doit exiger – presque en contrepartie – est le respect d'un certain nombre de règles strictes, budgétaires notamment. Ce double volet – discipline et solidarité – n'a qu'un but : la croissance, l'emploi et la relance de la zone euro.
Cela se traduit par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Ce traité n'est donc pas uniquement orienté vers la discipline – laquelle impose ce qu'on appelle habituellement en France la règle d'or et ailleurs la discipline budgétaire.
Dans ce contexte, le MES est destiné à prendre le relais du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Si celui-ci avait vocation à intervenir, sur la base de décisions européennes validées par les parlements nationaux, de façon plus forte que par le passé, notamment sur les dettes souveraines, le MES a un fonds en capital donné par les États membres de 80 milliards d'euros qui peuvent se démultiplier jusqu'à 500 milliards, créant ainsi l'outil de solidarité nécessaire en cas de besoin.
La question s'est posée du rôle des mécanismes européens de stabilité financière vis-à-vis de la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci n'est en fait que le véhicule dont se sert le MES : en aucun cas ce dernier ne s'adosse à elle, laquelle dans ce cas aurait pu agir directement.
La France y contribuera à hauteur de 16 milliards d'euros, étalés sur cinq ans, soit 3,2 milliards par an. Elle en sera le deuxième contributeur après l'Allemagne – celle-ci participant à hauteur de plus de 20 milliards d'euros et étant prête à abonder ce fonds de manière plus rapide pour remédier plus largement à l'instabilité des marchés. En contrepartie, la France disposera de parts à hauteur de 143 milliards d'euros.
Outre les prêts assortis de programmes d'ajustement macroéconomiques complets et les interventions sur le marché primaire, le MES pourra intervenir sur le marché secondaire, octroyer une assistance financière à titre de précaution et allouer des prêts à des États pour recapitaliser des banques. Son champ d'action est donc plus large que le fonds actuel et il est plus fort puisqu'il repose sur des pays très bien notés par les agences de notation, ce qui lui donne une certaine garantie.
Bien que l'unanimité soit la règle pour les décisions d'octroi ou de mise en oeuvre d'une assistance financière, si la Commission ou la BCE indiquent qu'un blocage sur le vote à l'unanimité met en danger la stabilité économique et financière de la zone euro, le Conseil des gouverneurs peut prendre sa décision à la majorité qualifiée.
On ne peut donc parler ni d'automaticité ni de chèque en blanc. La mise en oeuvre du MES est conditionnée par l'adoption d'un plan d'ajustement pour l'État concerné, lequel prend alors de manière parallèle et proportionnée les décisions qui s'imposent pour stabiliser la situation.
Par ailleurs, un lien a été établi entre la possibilité de bénéficier du MES et la ratification du TSCG. Il serait anormal que certains pays demandent à bénéficier du MES, alors qu'ils n'y auraient pas participé et n'auraient pas signé le traité relatif à la coopération, la convergence et la discipline budgétaire.
Il s'agit d'un projet équilibré entre une solidarité forte et mieux assurée et une discipline s'appuyant sur elle.
J'attire enfin votre attention sur le fait que le calendrier parlementaire est serré. Il suppose, avant le 1er juillet 2012 – date à laquelle le MES doit entrer en vigueur –, la révision de l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) afin de prendre acte de la création du MES, la ratification du traité sur le MES et le vote d'une loi de finances rectificative pour tirer les conséquences budgétaires de la création de ce mécanisme.
Le MES est naturellement complété par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.
Ce dernier est bien un traité – même si de nombreux débats se sont fait jour à cet égard – puisqu'il concerne les 17 États de la zone euro plus 8 autres, soit 25 États, la République tchèque et la Grande-Bretagne n'ayant pas adopté cet accord.
La stabilité porte sur la discipline budgétaire et la coordination sur l'organisation du pilotage de la zone euro. Cette coordination est indispensable pour – la France y a beaucoup insisté – avoir une politique de croissance, en l'orientant sur deux objectifs particuliers : l'emploi des jeunes et les petites et moyennes entreprises (PME).
Le but est donc d'avoir un mécanisme complet : une gouvernance cohérente de la zone euro, un MES ayant une force d'intervention plus grande et plus stable, une discipline budgétaire et, en même temps, une convergence et une coordination des politiques européennes tendant à favoriser la croissance et l'emploi.
S'agissant de la discipline budgétaire, elle repose sur la règle d'or : les États doivent s'engager à avoir des budgets équilibrés. Le déficit structurel des administrations publiques ne pourra pas excéder 0,5 % du PIB, ce qui posera un problème de constitutionnalité. Les pays qui affichent une dette globale « sensiblement en dessous de 60 % du PIB » auront droit à un déficit structurel toléré de 1 %.
Cette règle d'or sera inscrite « de préférence » dans la Constitution. Le traité reste à cet égard relativement flou : il prévoit un mécanisme constitutionnel ou équivalent. Il revient dès lors à chaque pays de déterminer s'il doit réviser sa constitution. Compte tenu des avis juridiques nombreux émis sur ce sujet, je pense que cette dernière option est préférable, à la fois pour le MES et la question du déficit structurel des administrations publiques. En tout cas, cette souplesse facilitera une adoption rapide de la réforme.
La transposition de cette règle d'or dans le droit interne de chaque État membre sera contrôlée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) : la France a insisté pour que cette juridiction ait un pouvoir de vérification et de sanction dans ce domaine, mais non compétence pour contrôler le budget des États. Elle pourra infliger au pays retardataire une amende allant jusqu'à 0,1 % du PIB. Cette amende, parce qu'elle est dissuasive, saura inciter les États à la vertu.
Enfin, le déficit annuel autorisé est maintenu à 3 % du PIB. En revanche, les dérapages seront sanctionnés plus systématiquement qu'auparavant.
Ce traité contient également d'ambitieuses règles de coordination des politiques économiques et de gouvernance qui faisaient jusque-là défaut. Avoir créé une monnaie unique sans la gouvernance correspondante a en effet engendré une faiblesse vis-à-vis des marchés financiers et des spéculateurs qui fragilise la zone euro par rapport aux autres régions du monde.
Il est prévu qu'au moins deux sommets de la zone euro se tiendront chaque année. Parmi les pays n'appartenant pas à cette zone, il faut distinguer deux cas : ceux qui ne souhaitent pas en être membre, comme la Grande-Bretagne ou le Danemark, et ceux qui le demandent, comme la Pologne, et réclament d'être associés, non pas aux décisions internes à la zone, mais à l'organisation envisagée pour la piloter. Un compromis a donc été trouvé pour permettre d'associer ceux-ci.
Enfin, la France a insisté – le président de l'Assemblée nationale au premier chef – pour que les parlements nationaux participent au contrôle du dispositif. Nous avons obtenu à cet effet la création d'une conférence parlementaire associant des membres des commissions compétentes du Parlement européen et des parlements nationaux.
Ce traité devrait être signé par 25 des 27 pays de l'Union européenne. Il s'appliquera dès que douze États de la zone euro l'auront ratifié, afin d'éviter tout risque de chantage de la part des derniers États ayant à le faire. Nous souhaitons que cette ratification se fasse en France avant la fin de l'année 2012.
Cela étant, notre objectif ultime demeure la croissance et l'emploi.
L'emploi des jeunes tout d'abord. Il ne s'agit pas d'une spécificité française mais bien d'un mal européen : 22,3 % des jeunes sont au chômage dans l'Union européenne – la France se situant en dessous de ce taux – et 46 % en Espagne ! Nous avons donc pris l'engagement d'accroître les efforts en faveur de l'apprentissage. Le programme Leonardo da Vinci sera renforcé. De plus, la mobilité sera encouragée grâce notamment à la carte professionnelle européenne et au passeport européen des compétences, qui seront mis rapidement en place.
Par ailleurs, les PME et les micro-entreprises verront leurs obligations comptables allégées. Pour dynamiser la recherche et l'innovation, nous sommes sur le point de finaliser l'accord sur les brevets, qui n'achoppe plus que sur des points de détail, qui devraient être réglés d'ici la fin de ce semestre. La Banque européenne d'investissement (BEI) sera également mobilisée spécifiquement en faveur des PME.
Nous venons donc de franchir une étape importante. « L'incendie » grec a failli se propager à l'Italie, alors que d'autres pays comme l'Irlande, le Portugal ou l'Espagne étaient déstabilisés. Nous avons alors trouvé un mécanisme d'urgence, le FESF. Mais celui-ci manquait de crédibilité, faute de capital versé par les États membres. Il fallait donc construire des pare-feu, lesquels supposaient une discipline budgétaire : comment expliquer aux Français ou aux Allemands qu'on devait, à fonds éventuellement perdus, devenir solidaire de la Grèce alors qu'elle n'avait pas encore mis en oeuvre les mécanismes de stabilité indispensables ? On a estimé que la solidarité et la discipline devaient aller de pair.
Restait aux yeux de la France le problème de la gouvernance de la zone euro, qui est maintenant renforcée, mais aussi de la coordination de nos politiques publiques en faveur de la croissance et de l'emploi, grâce à une capacité à l'exportation et une compétitivité plus fortes. Non seulement pour chaque pays, qui doit prendre ses propres décisions à cet égard, mais pour l'ensemble de la zone euro vis-à-vis du reste du monde. D'où l'action en faveur des PME, au travers de nouvelles possibilités financières et d'allègements administratifs, et la priorité donnée à l'emploi des jeunes – qui est une question majeure dans l'ensemble des pays de la zone euro – en favorisant les échanges, l'apprentissage et la formation tout au long de la vie.