Si certaines de ces maladies sont par elles-mêmes rares, leur très grand nombre fait qu'au total, les maladies monogéniques, toutes formes comprises, sont aussi fréquentes que le cancer et concernent des dizaines de milliers de personnes, elles représentent un enjeu de santé publique important. En fait, le qualificatif de « rare » est impropre, nuit à leur prise en charge et les pénalise. Ces maladies sont en réalité fort nombreuses. Auparavant, elles étaient même souvent mortelles avant l'âge de la procréation et leur fréquence a augmenté grâce aux progrès de la médecine qui ont contribué à limiter la sélection naturelle.
La drépanocytose, objet de la saisine, est la maladie génétique la plus répandue en France : on compte aujourd'hui 5 000 malades et leur nombre devrait atteindre 20 000 à l'horizon 2020. Au-delà de son coût financier pour notre système de santé, la qualité de vie des malades est très fortement dégradée. Bien des soins pourtant indispensables ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie. L'insertion sociale des patients atteints de cette maladie en termes d'éducation et d'accès à l'emploi est difficile, de même que celle de leur entourage, notamment des mères qui doivent prodiguer des soins continus à leurs enfants lorsqu'ils sont atteints. Les malades de la drépanocytose s'estiment victimes de discriminations.
Les données disponibles d'un fichier Medicaid de Floride établissent qu'en 2009, la prise en charge d'un patient drépanocytaire revenait aux États-Unis à 2 000 $ par mois environ, tous âges confondus, avec un coût annuel moyen de plus de 10 000$ pour les enfants, atteignant près de 35 000 $ pour les sujets plus âgés ; le coût total s'élève, pour une espérance de vie moyenne de 45 ans, à plus de 950 000 $ par patient. Ces données s'appliquent aussi en Europe. En France, 80% des coûts totaux sont consacrés à l'hospitalisation, 3,2% aux passages aux urgences, 0,9% à la consultation de généralistes, 3,6% aux médicaments, 11,7% à d'autres soins infirmiers ou médicaux spécialisés.
Les maladies monogéniques, parce qu'elles constituent en quelque sorte des «maladies-types », qui permettent de comprendre la signification d'un gène, peuvent aussi servir de modèle pour le développement de nouvelles thérapeutiques, y compris pour des maladies fréquentes, comme le cancer, le diabète ou le sida. Les traitements, qu'ils relèvent de la pharmacologie classique ou qu'ils dérivent de la thérapie génique, ou de la thérapie cellulaire, et ou de la thérapie enzymatique sont complémentaires et peuvent être successifs. Même si certaines de ces thérapies innovantes n'ont pas encore fait la preuve d'une efficacité totale, elles sont utiles dès maintenant, elles améliorent la qualité de vie des patients, permettant à certains d'entre eux de survivre jusqu'à ce qu'un traitement plus efficace soit disponible. L'opposition avancée par certains entre thérapies pharmacologiques classiques et thérapies innovantes n'a pas de sens : les secondes n'excluent pas de recourir aux premières, y compris les plus classiques. Les deux approches s'opposent d'autant moins que certaines formes de thérapie génique sont appelées à être administrées comme des médicaments classiques.
Concernant la recherche, de nombreuses difficultés et insuffisances ont été relevées, telles les difficultés de recourir au diagnostic préimplantatoire. Le maintien du régime d'interdiction avec dérogation des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines par la loi relative à la bioéthique de juillet 2011 a été unanimement dénoncé par la communauté scientifique. L'argument parfois avancé selon lequel les cellules pluripotentes induites (iPS) permettraient de se passer des cellules souches embryonnaires reste fallacieux. L'OPECST1 a montré combien ce régime pénalisait les recherches en France. Il n'a pas été entendu et continuera de suivre les modalités d'application comme les conséquences de ce regrettable principe d'interdiction.
L'importance des modèles animaux, y compris des grands singes -les seuls vraiment pertinents avant de passer à l'essai clinique chez l'homme-, a été soulignée. Les tentatives de l'Union Européenne d'en limiter trop strictement l'utilisation inquiètent.
Le manque de biobanques reste un frein alors qu'elles sont nécessaires à la recherche translationnelle, l'essentiel de ces maladies étant d'origine génétique, avec pour cause un gène facilement identifiable. Pour progresser, il est en effet nécessaire de constituer des cohortes de patients faisant l'objet d'explorations clinico-biologiques ce qui suppose le stockage de prélèvements dans des biobanques. Ceci permet d'évaluer l'histoire naturelle de ces maladies, d'identifier leurs bases moléculaires grâce à la génomique, l'épigénomique, la transcriptomique et la métabolomique. On disposerait ainsi de modèles cellulaires ou animaux afin d'en étudier les mécanismes physiopathologiques les plus fins.
Le retard de la France face à l'importance prise par les nouvelles techniques de séquençage du génome handicape. Le séquençage à haut débit qui permet de tester simultanément l'ensemble des gènes devrait permettre d'identifier beaucoup plus vite les mutations en cause. Par manque de moyens, la France a pris un retard considérable dans les techniques de thérapie génique par rapport à l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne ou les Pays-Bas, sans parler des États-Unis ou de la Chine.
L'absence de financements sécurisés à long terme avec des partenariats industriels, corollaires indispensables des financements publics, n'est pas assez prise en considération. On a d'ailleurs toujours des difficultés à comprendre pourquoi il est plus difficile de faire cela en France qu'à l'étranger. Or, il n'est pas envisageable de développer autrement ce type de thérapie jusqu'au stade du médicament, et les investissements de l'industrie pharmaceutique sont jusqu'à présent restés trop timides. Pourtant la recherche sur les maladies rares n'est pas vouée à demeurer marginale sur le plan économique.